La Minière de Bakwanga (MIBA) a produit en avril, moins de 15 000 carats de diamant. Soit un recul comparé à la production du premier trimestre 2018. Tenez : la MIBA a produit 25 000 carats en janvier, 28 000 en février et 30 000 en mars. La baisse de la production est la conséquence de la vétusté de l’outil de production et surtout du manque total de matériel adéquat pour l’exploitation de la couche kimberlitique riche en diamant de bonne qualité. Par ailleurs, rapportent des sources, la MIBA n’a pas pu écouler sa production de diamant auprès des acheteurs locaux, nationaux et internationaux comme c’est coutume à la fin de chaque mois. Par conséquent, la société éprouve des difficultés pour payer les salaires des agents déjà démotivés (surtout ceux qui travaillent dans la laverie de graviers diamantifères) et pour se ravitailler en carburant et pièces de rechange.
La poule aux œufs d’or oubliée ?
La MIBA produit une moyenne de 2 000 carats de diamant par jour et est depuis quelques années en manque d’engins. Le refinancement de la société est devenu une urgence depuis quelques années. Toutefois, la certification demeure encore une condition sine qua non pour les bailleurs de fonds internationaux afin d’assurer des investissements durables pour la production. Pour rappel, la Minière de Bakwanga est l’une des entreprises minières du Portefeuille de l’État, implantée à Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï-Oriental depuis 1961. L’État congolais y est actionnaire à 80 %, et les 20 % restants sont détenus par la SIBEKA.
La MIBA est active principalement dans l’exploitation des gisements diamantifères dans le Grand Kasaï. Ses gisements regorgent également d’autres minerais. L’apport financier de la MIBA au Trésor public et sa participation à la création d’emplois directs et indirects ne sont plus à démontrer. Pourtant, à Mbuji-Mayi, on a aujourd’hui l’impression que tout est programmé pour la désindustrialisation. Dans la ville qui se ruralise davantage et abandonnée par ses habitants qui descendent en nombre à Kinshasa, on en veut pour preuve la cession d’une partie ses actifs de la société, reprise par la société Sengamines au début des années 2000. La Sengamines a été par la suite liquidée et remplacée par une autre société dénommée « SACIM ». C’est une société de droit congolais qui exploite sur les gisements de Senga Senga, une localité du territoire de Miabi.
À ses débuts, entre 1962 et 1964, la production mensuelle de la MIBA avoisinait plus au moins 12 et 13 millions de carats. Jusqu’à un passé récent, la MIBA a sorti du sous-sol kasaïen plus ou moins 680 millions de carats. Une production dont les économies (recettes) ont profité à l’État, avant que celle qui a été considérée comme une « vraie vache à lait » pour les différents pouvoirs qui se sont succédé à la tête de notre pays, ne soit jetée sans ménagement dans la poubelle de l’histoire industrielle du pays qui connaît une désindustrialisation inquiétante.
Vers les années 1990, à la suite de l’épuisement des minerais détritiques, exploités près de 80 ans durant, la MIBA s’est dotée d’un programme quinquennal en vue d’assurer son avenir. L’activité devait se focaliser sur l’exploitation de la kimberlite ou la roche mère du diamant, renseignent des sources à la MIBA. C’est bien dommage que l’environnement socio-politique n’ait pas favorisé la mise en place de ce programme, déplore-t-on dans la ville diamantifère. Les différentes guerres qu’a connues le pays ont lourdement influé, négativement, sur la vie même de la MIBA, en tant que société industrielle.
Pillages en règle
Comme si cela ne suffisait pas, la MIBA est à ce jour victime des pillages de ses ressources et d’exploitation illégale de ses gisements malgré les multiples dénonciations de ses gestionnaires. On n’a pas oublié dans cette ville que la société a payé un lourd tribut en supportant « l’effort de guerre » avec comme conséquence : des ponctions énormes sur sa trésorerie et toute la logistique avec. Ce qui a inexorablement conduit à la situation actuelle, expliquent des agents. Par euphémisme, les sommes parties en fumée ont été converties plus tard en « acomptes fiscaux ».
Entre 2000 et 2007, la MIBA s’est contentée d’exploiter les rejets générant une production mensuelle qui oscillait autour de 500 000 carats. La crise financière de 2008 a aggravé sa situation après la chute brusque des cours des matières précieuses, principalement ceux du diamant dont le prix de vente est passé de 24 dollars le carat à 5 dollars. À cause de cet environnement, la MIBA a connu un arrêt brusque de sa production. La dotation présidentielle de 10 millions de dollars en 2010 avait quelque peu permis de relancer la production au grand bonheur du personnel de l’entreprise et de la population du Kasaï-Oriental.
Aujourd’hui, la MIBA traîne un endettement de l’ordre de 231 millions de dollars, dont 146 millions comprennent les arriérés de plusieurs mois des salaires du personnel, renseigne une étude réalisée sur cette société. Il faut aussi souligner que durant ses années de gloire, la MIBA disposait d’environ 35 engins (pelles, bennes, niveleuses, scrapers, chargeuses, confondus.) et d’un charroi automobile d’environ 300 véhicules. Point n’est besoin de dire que la MIBA ne dispose actuellement d’aucun engin fiable, ni de véhicule en bon état pour le transport du personnel. Les cadres qui sont encore là, vont au travail à pied.
La contrainte majeure à laquelle la société fait face est l’invasion récurrente de ses concessions par des exploitants illégaux et clandestins à cause du manque de logistique et des effectifs des garde-miniers en sous-nombre. Le polygone minier de la MIBA est régulièrement envahi par des clandestins de tous bords qui le transforment parfois en théâtre d’échange des tirs à l’arme de guerre, et où les membres du personnel, les policiers de la Brigade minière et les clandestins y laissent la peau. Ce phénomène s’appelle « Trou à consigne », à l’instar des « Bilanga » aux postes douaniers frontaliers.
Une revendication électorale
La débâcle de ce géant minier est sans précédent dans l’histoire industrielle de la République démocratique du Congo. Aujourd’hui, la société n’est plus à même de faire face à ses charges fiscales. À titre illustratif, pendant 7 ans, de 1992 à 1999, les paiements effectués au compte du Trésor se situaient autour de 30 836 833,15 dollars. Tandis que, de 2008 à 2016, ils sont tombés à 975 914, 09 dollars. La MIBA détient une créance sur l’État de l’ordre de 57 586 581,95 dollars dont 41 253 253,00 certifiée par la Direction générale de la dette publique (DGDP). Cette créance tire son origine des prestations effectuées pour compte de l’État et des loyers des maisons de la MIBA occupées par les entités décentralisées et déconcentrées, des acomptes fiscaux et des paiements effectués pour le compte du Trésor public, soit 3 125 000 dollars. Mais aussi du crédit d’impôt inscrit dans le compte courant fiscal de la MIBA par les régies financières, soit 13 208 328,95 dollars.
Tout cela a amené des observateurs à conclure que le refinancement de la MIBA est une urgence. À Mbuji-Mayi, le débat est ravivé, on fait même de cette question désormais une « exigence électorale ». « Comment expliquer l’absence d’un intérêt pour une entreprise qui non seulement contribue suffisamment au Trésor public et crée des emplois au point de faire la fierté de tout le pays pendant que les mines de l’Est du pays dont on parle souvent, très convoitées par les entreprises étrangères, n’apportent presque rien au Trésor public, si ce n’est des guerres à répétition qui endeuillent la population congolaise », entend-on de plus en plus dans la ville de Mbuji-Mayi en perdition.
Autre question qui taraude les esprits dans la ville : pourquoi l’État ne paie-t-il pas sa dette à la MIBA ? « Payer cette dette permettrait de relancer les activités de cette importante entreprise du Portefeuille de la RDC et de garantir par surcroît sa politique de l’emploi », sont convaincus la plupart des habitants de Mbuji-Mayi. Le sentiment général est que la MIBA doit survivre et sa centrale hydroélectrique doit être réhabilitée. C’est de cette façon que l’on va résoudre durablement les problèmes de l’exode de la population, surtout des jeunes, de l’éclairage public, de l’industrialisation et de la fourniture d’eau potable à la population. « La MIBA est pour le Kasaï-Oriental ce que le Nil est pour l’Égypte », fait remarquer un notable kasaïen passé à l’opposition.
Ici, on pense également que l’implication résolue des décideurs, mieux du gouvernement, serait salvatrice pour cette industrie congolaise. L’État doit l’accompagner dans la relance de sa production minière diversifiée suivant son plan d’urgence d’août 2015.