De cette affirmation, déclare le directeur général adjoint de l’Agence des Zones économiques spéciales (AZES), Nepanepa, on peut retenir deux vérités indiscutables : premièrement, l’une des principales missions des ZES consistent à mettre à la disposition des investisseurs un foncier sécurisé, assaini de tout conflit et, idéalement, viabilisé, c’est-à-dire avec des infrastructures plus développées que sur le reste du territoire national. Deuxièmement, pour le gouvernement, l’objectif poursuivi est donc de mettre en place, dans l’enceinte de ces sites, un guichet central, une porte unique des services compétents en matière de fiscalité, de parafiscalité, de douanes, de foncier, d’environnement, d’immigration et sécurité, d’infrastructures, d’énergie, etc.
En effet, fait-il observer, même si des réformes importantes sont menées en vue de l’assainissement du climat des affaires ou de la promotion des investissements en République démocratique du Congo, il faut reconnaître que ces réformes évoluent dans des sphères différentes et que pour un investisseur, l’interaction avec ces différentes sphères éloignées les unes des autres n’est pas forcément incitatif ni de tout repos. L’objectif de l’incitation aux investissements n’est donc pas atteint seulement avec les réformes qui sont menées au sein des différents services de l’État alors que ces derniers restent, disons-le, isolés les uns des autres.
D’après lui, la spécialité du régime des ZES se justifie davantage par le caractère ciblé et précis de son champ d’action. « Il est illusoire de penser que le climat des affaires ou les indices du Doing Business pourront s’améliorer sur l’ensemble du territoire national dans un horizon temporel ponctuel et déterminé », lance-t-il. Et de rappeler que pour les évaluateurs des indices du Doing business, il sera toujours question de prélever la température de l’environnement des affaires sur l’ensemble du territoire national, pas seulement à Kinshasa, mais aussi bien à Malemba-Nkulu, à Aru ou à Bongandanga. Ceci démontre la complexité et le défi qui attendent la RDC pour prétendre à se hisser au rang des pays mieux cotés dans la facilitation des affaires, argue-t-il.
La théorie du développement progressif
Cependant, une stratégie qui est à notre portée et dont le rendement peut être obtenu même à moyen terme, c’est d’instaurer des points lumineux de développement dans lesquels il peut être plus facile de remplir les critères du Doing Business. En effet, explique-t-il, il est plus aisé de regrouper tous les services publics et d’en assurer une meilleure prestation sur un site de 244 ha qui représente moins de 1 % de la superficie nationale que de prétendre le faire sur l’ensemble du territoire. L’expérience des ZES a permis de démontrer qu’avec des ressources très limitées, il est plus pratique (et plus réaliste) pour un État de concentrer la productivité et la compétitivité de son économie sur des espaces bien définis plutôt que de les répandre sur l’ensemble de son territoire.
Ce raisonnement peut s’appliquer à peu près à tous les secteurs du pays (hôpitaux, universités, urbanisation, etc.). Il requiert que l’on commence dans un espace limité avant de s’étendre progressivement sur le reste du territoire. C’est la théorie du développement progressif, par cible et par pallier. De plus, le régime des ZES applicable en RDC vise essentiellement à promouvoir les industries de transformation et la manufacture. Les ZES entendent donc se consacrer essentiellement à apporter de la valeur ajouter à la production brute. En effet, les avantages à accorder dans les ZES congolaises sont délimités à des secteurs précis (agro-industrie, matériaux de construction, valorisation minière et métallurgique, emballages, etc.). Le code des investissements, par exemple, a tendance à prendre en compte tous les types d’investissements (commerce, tourisme, services : télécommunication, transport, hôtellerie, etc.)
Nepanepa pense que la hauteur des investissements est un autre argument de taille qui milite pour l’implantation des ZES en RDC. Alors que le seuil initial des investissements accordés dans le cadre du code des investissements se situe autour des centaines des milliers de dollars, les ZES ciblent les investissements plus considérables (de l’ordre de 1.5 million de dollars au minimum par entreprise installée). Les ZES ont en effet vocation à attirer des investissements de plusieurs centaines de millions, voire des milliards de dollars (comme cela peut être le cas pour les aménageurs). Enfin, les avantages fiscaux ou les exonérations des droits et taxes ne constituent pas l’unique champ de bataille au niveau des ZES. Les deux autres piliers de la stratégie des ZES sont les facilités administratives mais surtout les infrastructures appropriées (énergie, voirie, communication, télécommunication, etc.).
Limites et défis
Conciliation et rationalisation des dispositions en matière d’octroi d’avantages fiscaux entre la loi sur les ZES et les autres textes (code des douanes, régime applicable aux chaînes de valeur, régime applicable aux conventions de collaboration et projets de coopération). La loi portant régime des ZES dispose que le contrat d’aménagement entre l’Agence et l’aménageur fixe les avantages fiscaux, parafiscaux et douaniers dont jouit le bénéficiaire. Ce contrat doit être présenté par les ministres des Finances et de l’Industrie à chaque session du Parlement (art 32). Le code des douanes du 20 août 2010 précise, cependant, que le ministre des Finances détermine les dispositions douanières et fiscales particulières applicables dans la ZES (Art. 254 point 2). Il ajoute : « Toutefois, par des édits, certaines mesures incitatives peuvent être prises (art 34) ». De même, le ministre des Finances peut prendre un arrêté fixant un régime particulier de paiement des taxes et des frais administratifs dans les ZES (art 35). Le cas éloquent de l’art 29 de la loi/ZES précise que « dans les ZES, les contentieux fiscal et douanier se traitent conformément à la loi fiscale et douanière ».
Selon le directeur général adjoint de l’AZES, la principale préoccupation qui se pose à ce stade, c’est celle de savoir comment concilier ces dispositions des articles 1, 7, 32 et 33 de la loi entre elles d’abord, puis avec le code des douanes. En effet, prévient-il, sans une vision claire des avantages à offrir aux investisseurs, il est peu certain qu’ils viendront se bousculer pour créer des ZES en RDC, si celles de Congo-Brazzaville, du Gabon, du Cameroun, du Kenya ou du Rwanda se montrent plus précises, plus attractives, plus avantageuses et plus favorables.