À quand la revue des mesures économiques urgentes ?

Le gouvernement avait promis une évaluation sans complaisance fin novembre. Le citoyen lambda retient que les mesures « spectaculaires » n’ont rien produit de positif, faute d’exemple venant d’en haut. 

 

Pour afficher sa volonté politique et montrer sa bonne foi, l’exécutif a organisé (août-septembre) une conférence sur l’amélioration du climat des affaires et des investissements en RDC. Convoquées par le 1ER Ministre, Bruno Tshibala Nzenzhe, et placées sous le patronage du président de la République, Joseph Kabila Kabange, ces assises ont eu pour objectif d’« identifier les obstacles à l’exercice et à la réussite des activités économiques en RDC à l’effet de créer un environnement attractif et propice à l’investissement privé », a laissé entendre Bruno Tshibala Nzenzhe.

Pour la Fédération des entreprises du Congo (FEC), une politique, même volontariste, sans économie solide, ne pourra produire les résultats escomptés. D’où, la nécessité d’une réforme fiscale profonde. La revendication de la FEC, dans le rôle du plaignant, a fait mouche. En septembre, le gouvernement a convoqué un forum sur la réforme fiscale en RDC. Objectif : protéger les intérêts des entreprises pour rendre plus facile l’exercice des affaires et lutter contre la corruption dans les administrations fiscales. La FEC veille, quant à l’application rapide des recommandations de ce forum.

Point d’accord : émergence d’une classe moyenne

Bien entendu, le gouvernement doit faire davantage d’efforts pour l’émergence d’une classe moyenne en RDC. Celle-ci passe par la promotion des petites et moyennes entreprises ainsi que les petites et moyennes industries (PME-PMI). Sur ce terrain, le gouvernement a encore lâché du lest. Le chef de l’État a promulgué, en avril, la loi n°17/001 du 8 février 2017 fixant les règles applicables à la sous-traitance en RDC.

Cette loi répond à une attente du patronat qui s’inquiétait de l’afflux de sous-traitants étrangers, ce qui ne laissait pas d’espace aux entrepreneurs et aux PME congolais. C’est même une évolution significative, même si la FEC regrette de ne pas avoir été « consultée » lors de l’élaboration et au débat sur l’adoption de cette loi. En attendant son entrée en vigueur, en mars 2018, la FEC est vent debout et réclame des mesures d’application concertées. Étant donné que cette loi comporte plusieurs contradictions qui la rendent complexe, voire « dangereuse » parce qu’elle risque de faire des exclus.

Jusque-là, la matière de sous-traitance était réglementée par un arrêté ministériel de 2013 portant uniquement sur le secteur minier. Un délai de 12 mois a été donné aux entreprises exerçant dans ce secteur pour achever les contrats en cours avant la mise en application de la nouvelle législation. Albert Yuma rappelle que le rôle de la FEC n’est pas de « contester systématiquement » les décisions du gouvernement. C’est même un devoir, pour elle, de les accompagner en amont afin de leur donner « la chance de réussite » sur le terrain.

D’ailleurs, la loi fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé vient donner corps à la vision du président de la République sur le rôle que doit jouer le Congolais en tant qu’« acteur économique actif dans son pays, en vue de l’éclosion, à brève échéance, d’une classe moyenne nationale et de la promotion d’une croissance économique véritablement inclusive et créatrice d’emplois. » Bien entendu, les PME-PMI représentent le socle de la nouvelle stratégie de développement du gouvernement.

Une autre loi est très attendue, c’est celle du partenariat public-privé pour la préférence des PME-PMI nationales dans l’attribution des marchés publics. L’objectif est de permettre au secteur privé de passer à la vitesse supérieure dans la gestion de l’économie et de la société en vue d’un développement durable. Le diagnostic institutionnel souligne que les PME-PMI peuvent jouer un rôle essentiel dans la constitution d’une classe moyenne congolaise et la consolidation des revenus des ménages, pourvu qu’elles soient encadrées et portées vers la compétitivité.

Corruption : la pieuvre

C’est le principal défi à relever si l’on veut attirer les investissements en RDC. Le 1ER Ministre Tshibala s’est engagé à lifter le dialogue entre le gouvernement et le secteur privé représenté par la FEC pour redynamiser l’économie nationale. En matière de mobilisation des ressources budgétaires internes, la RDC est dans le peloton de queue en Afrique. De 13 % du produit intérieur brut (PIB), entre 2005 et 2014, la mobilisation des recettes est redescendue à 8 %, du fait de la chute des cours des produits de base. Alors que, actuellement, la moyenne africaine en termes de mobilisation des recettes internes est de 30 % du PIB.

L’État ne s’est pas montré prudent en engageant les réformes en profondeur nécessaires pour mettre le tissu économique national à l’abri des chocs exogènes. Faute d’appuis budgétaires, le gouvernement doit devoir faire avec les ressources domestiques. Actuellement, leur mobilisation est largement en-dessous du potentiel du pays, notamment les recettes en provenance du secteur des ressources naturelles. Par ailleurs, les réserves en devises qui ont atteint 1,5 milliard de dollars (soit 5 semaines d’importation), début 2016, sont redescendues à environ 400 millions, voire moins, actuellement, soit environ deux semaines d’importation. Le potentiel de mobilisation supplémentaire est alors de 12 à 22 points de pourcentage du PIB, venant essentiellement du secteur des ressources naturelles.

La RDC tire l’essentiel de ses recettes nationales des secteurs des mines, du pétrole, des télécommunications, mais aussi de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La TVA est entrée en vigueur en 2012 après son introduction dans le système fiscal national en 2010. Elle a permis de mobiliser 4,1 % du PIB avant de chuter autour de 2 %. Rien à faire, le gouvernement devra faire des choix clairs sur les ressources principales à mobiliser davantage. Pour y parvenir, il faudra alors une administration efficace, capable de mobiliser davantage de ressources.

Une administration efficace signifie mettre fin à la corruption et à l’impunité qui empoisonnent la vie en général en RDC. La lutte contre ces deux maux est encore sous-optimale. Selon la Banque mondiale, l’extraction minière en RDC a rapporté, ces dernières années, environ 50 milliards de dollars, dont 6 milliards seulement sont allés dans les caisses de l’État. Si l’on en croit un rapport de la Banque africaine de développement (BAD), la RDC, 12è du classement des pays les plus riches en Afrique en 2017, a triplé la taille de son économie en 12 ans. Et le pays devrait totaliser, en 2017, 44,7 milliards de dollars.

Premier producteur de cuivre du continent, la RDC devrait connaître une croissance de 2,4 % en 2017, pouvant atteindre 5,2 % en 2018, du fait de la remontée des prix des matières premières, projette la BAD. Les recettes déclarées étant en-deçà du niveau de l’activité extractive et les ressources naturelles étant épuisables, les autorités publiques n’utilisent pas l’argent public provenant de leur exploitation au mieux des intérêts de la population, déplorent des spécialistes.