LE PROGRAMME des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a sonné à nouveau l’alarme. Il prévient, dans son rapport annuel comparant les émissions réelles de gaz à effet de serre et celles compatibles avec les objectifs de Paris, que la relance post-Covid-19 devra être sérieusement verdie si le monde veut éviter le pire. Pour garder un espoir de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 7,6 % par an, à partir de 2020 jusqu’à 2030. Pas évident du tout ! Ces émissions augmentaient en moyenne de 1,5 % par an sur la dernière décennie, pour atteindre un record en 2019 (59,1 gigatonnes, ou milliards de tonnes, soit +2,6 % de plus qu’en 2018). Mais la pandémie de Covid-19, en mettant à l’arrêt pendant de longs mois une bonne partie de l’économie mondiale et des activités humaines, a entraîné une chute brutale. Les émissions devraient ainsi baisser d’environ 7 % en 2020 pour le CO2, principal gaz à effet de serre (un peu moins pour les autres).
Le compte n’est pas bon
Des experts onusiens estiment que ce retournement n’aura qu’un « effet négligeable » à long terme, avec environ 0,01 degré de réchauffement évité d’ici à 2050. D’ici à la fin du siècle, la trajectoire de réchauffement est estimée à 3,2°C de plus, même si tous les engagements actuels de Paris étaient tenus, ce qui est souvent loin d’être le cas. Or, avec +1°C enregistré depuis l’ère préindustrielle, les effets du réchauffement sont déjà sensibles. Les cinq années depuis la signature de l’accord de Paris ont été les plus chaudes jamais enregistrées et « les feux, tempêtes et sécheresses poursuivent leurs ravages alors que les glaces fondent à un rythme sans précédent ».
Derrière ce sombre tableau, l’ONU veut voir une véritable « relance verte » : soutien direct et massif aux infrastructures et technologies décarbonées, réductions des subventions aux énergies fossiles, fin des centrales à charbon, développement des « solutions basées sur la nature », reforestation d’envergure… Ce qui permettrait de « réduire jusqu’à 25 % les émissions attendues pour 2030 et donnerait 66 % des chances de contenir le réchauffement sous les 2°C.
Le PNUE encourage donc les États qui ont annoncé des engagements datés de « neutralité carbone » à mettre en œuvre sans attendre des stratégies pour les atteindre. Car la diplomatie climatique a elle aussi été perturbée par la pandémie de Covid-19 et la COP26 qui devait recueillir les nouveaux engagements rehaussés a dû être repoussée d’un an à novembre 2021. Même si les États doivent quand même soumettre leurs nouveaux engagements d’ici à la fin de l’année, l’ONU prévient aussi que « l’équité » dans les efforts sera « centrale » pour la réussite, puisque les émissions de 1 % de la population mondiale la plus riche représentent le double de celles de la moitié la plus pauvre.
Un sommet en ligne s’est tenu samedi dernier avec plus de 70 chefs d’État et dirigeants internationaux pour marquer le 5è anniversaire de l’accord de Paris avec ses résultats inédits. Cinq ans après sa signature et un an avant la prochaine conférence climatique (COP 26) à Glasgow, il reste un accord de de référence du début de l’action. L’accord de Paris a été parfois ballotté selon des choix des uns des autres (retrait des États-Unis annoncé en 2017 par Donald Trump) mais tous ont tenu.
Urgence climatique
En ouverture de ce sommet virtuel, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a exhorté les dirigeants mondiaux à décréter l’« urgence climatique » dans leurs pays. D’ici le mois de janvier, des pays représentant plus de 65 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone et plus de 70 % de l’économie mondiale auront pris l’engagement de parvenir à zéro émission nette avant la moitié du 2050, se félicite-t-il.
Antonio Guterres a appelé à s’attaquer aux changements climatiques, remettre sur pied l’environnement mondial, transformer les économies et réinventer l’avenir. Trois conditions à remplir : la constitution d’une véritable coalition mondiale pour parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050 ; l’alignement des financements mondiaux à l’accord de Paris et aux Objectifs de développement durable (ODD); ainsi que la réalisation d’une percée en matière d’adaptation et de résilience.
L’UE, le Royaume-Uni, le Japon, de la République de Corée, la Chine et plus de 110 pays se sont engagés à parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2060. « Chaque pays, ville, institution financière et entreprise devrait adopter un plan de transition vers zéro émission nette, et prendre dès maintenant des mesures décisives pour s’engager sur cette voie, ce qui signifie réduire les émissions mondiales de 45 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2010 », explique le secrétaire général de l’ONU, ajoutant que « la technologie est de notre côté » pour y arriver.
Les grandes conférences des Nations Unies, telle que celle sur le climat qui se tiendra en novembre prochain à Glasgow et d’autres initiatives sur la biodiversité, les océans, les transports, l’énergie, les villes et les systèmes alimentaires devraient nous offrir d’abondantes possibilités de répondre aux urgences planétaires en 2021, rappelle-t-il. Le Groupe de la Banque mondiale se fixe pour ambition de porter à 35 % la part de ses financements en faveur de l’action climatique dans les pays en développement. Quelque 12 800 milliards de dollars ont été promis ces derniers mois, dont 11 000 par les États du G20, pour soutenir entreprises ou ménages, soit trois fois plus qu’après la crise de 2008. Mais selon 14 instituts de recherche, les pays du G20 ont annoncé au moins 234 milliards de dollars d’argent public en faveur des énergies fossiles, 151 milliards pour les énergies propres.
Répit temporaire
En 2020, les émissions de CO2 d’origine fossile ont chuté de 7 % (2,4 milliards de tonnes de CO2 en moins, un record), en raison principalement du ralentissement économique lié aux mesures de confinement prises contre le Covid-19, selon le bilan annuel du Global Carbon Project (GCP) publié le vendredi 11 décembre. Jamais une telle diminution n’avait été observée auparavant. Lors des précédentes crises mondiales (1945, 1981, 1992, 2009), elles n’avaient jamais dépassé 0,9 milliard de tonnes.
« La diminution des émissions en 2020 semble plus prononcée aux États-Unis (-12 %), dans l’Union européenne (-11 %) et en Inde (-9 %), l’effet des restrictions Covid-19 s’ajoutant à une tendance précédente, et étant moins prononcée en Chine (-1,7 %), où les mesures de restriction ont été prises au début de l’année et ont été plus limitées dans le temps ». En Chine, les émissions ont augmenté de 2 % en 2018. « Il n’y aurait pas eu le Covid-19, cette croissance se serait probablement poursuivie », a expliqué Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement lors d’une visio-conférence.
Par secteur, les réductions d’émissions de CO2 ont été plus marquées dans les transports de surface, qui représentent 21 % des émissions mondiales. Elles « ont été réduites de moitié dans les pays au plus fort du confinement ». Celles de l’aviation se sont effondrées de 75 %, ne représentant que 2,8 % des émissions mondiales mais ne cessent de croître. Les émissions de l’industrie (22 % des émissions mondiales) « ont été réduites de 30 % dans les pays au plus fort du confinement ».