MALGRÉ des investissements importants, le transport par route reste insuffisant. Ce qui fait du transport aérien le seul moyen de parcourir de longues distances à travers la République démocratique du Congo. Pourtant, rares sont les Congolais qui peuvent se payer le luxe d’un billet d’avion. Et beaucoup d’entre eux ont l’impression de vivre dans un pays « archipelisé ». Par ailleurs, il est difficile de faire des affaires car l’avion ne facilite pas le transport des marchandises.
Héritières de la défunte compagnie nationale Air Zaïre, les Lignes Aériennes Congolaises (LAC) peinaient à desservir correctement les aéroports du pays, parmi lesquels Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani, Goma, Mbandaka, Bunia, Kolwezi… De ce fait, le ciel congolais était grand ouvert aux initiatives privées.
Pas moins d’une vingtaine de compagnies privées y opéraient, la plupart du temps dans des conditions de sécurité assez aléatoires.
Les infrastructures aéroportuaires, obsolètes, laissaient également à désirer. La Régie des Voies Aériennes (RVA) a entrepris de les moderniser. Cette entreprise publique créée en 1972, a pour missions la gestion, l’exploitation et l’entretien d’un réseau de 52 aérodromes, dont 5 aéroports de catégorie internationale. La RVA se charge aussi du contrôle de la navigation et de la gestion de la circulation aérienne. L’Autorité de l’Aviation Civile (AAC), constitue l’autre entité publique qui décide la réglementation et contrôle la normalisation de l’aviation civile. La question de la sécurité, primordiale pour les voyageurs, est notamment en tête des priorités. La défaillance du réseau de communication, entre les tours de contrôle et les aéronefs, est d’une telle ampleur qu’à un moment, les experts internationaux ont qualifié l’espace aérien congolais de « trou noir ».
La décennie 2006-2015 aura été la période la plus sombre de l’histoire de l’aéronautique dans le pays. Certifiées pourtant en 2006 par les autorités compétentes, les compagnies volant au Congo étaient, toutes, black-listées par l’Union européenne (UE) et faisaient l’objet d’une interdiction totale d’exploitation dans son espace. Un colloque gouvernemental avait été convoqué en novembre 2010 autour de la question : comment s’en sortir ? sous le thème : « L’avenir de l’aéronautique civile en RDC ». Un consensus national s’en est dégagé sur la réforme de l’aéronautique civile.
Le gouvernement a fait voter alors au Parlement 9 lois importantes pour doter le pays d’instruments juridiques en matière de droit international aérien. Parmi ces lois, la ratification des conventions relatives à l’aviation civile internationale et à l’unification de certaines règles de transport aérien, ainsi que la loi sur la réparation des dommages causés à des tiers par des aéronefs en plein vol.
Selon la loi, les transporteurs sont soumis à mettre à jour tous les documents d’exploitation, surtout le certificat de navigabilité et la licence d’exploitation. L’opérateur doit le renouveler régulièrement en prouvant à l’AAC sa capacité d’exercer en toute sécurité et en toute sûreté ses activités commerciales de transport aérien.
Les pilotes se plaignaient de voler et d’atterrir sur des aéroports mal équipés, sans aide à la navigation, avec des informations météorologiques non fiables et parfois inexistantes, sans oublier la présence de nids de poule et de dos d’âne sur certaines pistes.
Tout est à refaire
Partout dans le pays, il est question d’adapter les installations aux standards internationaux. Le plan quinquennal 2007-2011 de la RVA, après constat des experts de la régie en 2006, visait la modernisation des terminaux pour passagers, des aérogares, des pistes et des équipements de sécurité et de navigation aériennes.
Tout ou presque est à refaire en ce qui concerne les infrastructures et les équipements aéroportuaires. Depuis le constat des experts, l’état des aéroports et des pistes a peu changé. L’option de réhabilitation ou de construction des aéroports date de 2007, mais le financement a fait souvent défaut, explique un cadre de la RVA.
Sur l’ensemble du pays, les installations aéroportuaires sont disposées de manière linéaire. Ce qui laisse peu de place aux avions sur le tarmac. En outre, les pistes ont pris des rides. Partout, il est question d’adapter les installations aux standards internationaux, notamment les terminaux pour les passagers. L’aéroport international de Ndjili innove de ce côté-là.
La RVA avait associé à la réflexion de ses experts des spécialistes internationaux pour concocter ce programme quinquennal. Coût de réalisation : plus de 190 millions de dollars. Elle comptait collecter 117 millions et lorgnait un appui financier du gouvernement et des partenaires pour réaliser ce vaste chantier. Le plan s’articulait autour de plusieurs projets : la modernisation des aérogares, des pistes et des équipements de navigation aérienne… La priorité était accordée à 32 aéroports, dont 23 se trouvent encore dans un état de dégradation avancée.
Parmi ceux-ci, l’aéroport de Goma où 1 300 m de la piste avaient été couverts de lave volcanique à la suite de l’éruption du Nyiragongo, en janvier 2001, ainsi que les aéroports de Mbuji-Mayi et Kananga menacés par l’avancée des érosions depuis plusieurs années. À l’aéroport de Ndjili, le projet avait ciblé les aérogares, les pistes, les équipements connexes et d’anti-incendie.
Coût de l’opération : 54 millions de dollars dont environ 45 étaient dans le pipeline de l’Agence française de développement (AFD). Quant à l’aéroport de la Luano, à Lubumbashi, les travaux étaient évalués à plus de 13 millions. Il en fallait un peu plus, soit 14,6 millions pour l’aéroport de Bipemba à Mbuji-Mayi.
La RVA avait également prévu de construire une tour de contrôle, une aérogare et une clôture de la piste à Tshikapa, ainsi que de renforcer les équipements connexes et de sûreté. Coût : 5,7 millions de dollars. Les mêmes travaux devaient être réalisés à l’aérodrome de Ndolo (Kinshasa) pour un montant de 3,3 millions de dollars. À Mbandaka, la RVA avait envisagé de construire des aérogares, des parkings, des pistes et de mettre en place les équipements connexes et de sûreté pour un montant de 3,7 millions de dollars. Quant à Bukavu, la régie avait prévu de se tourner vers l’ex-MONUC qui avait promis de lui trouver un partenaire. Les travaux étaient estimés à 3,6 millions de dollars.
La RVA devait également recharger les pistes en terre des aéroports de Tembo, Boende et Boma pour 450 000 dollars. Pour assurer le financement de ce programme, elle avait mis sur pied une stratégie afin de récolter les ressources. C’est le Go Pass (10 dollars pour les vols domestiques et 50 pour les vols internationaux).
Elle devait s’autofinancer à plus de 14 millions de dollars pour réaliser en trois ans les travaux de réhabilitation des pistes de Ndjili, Luano, Tshikapa, Ndolo, Muanda et Kikwit, ainsi que de construction des aérogares de Ndolo, Kikwit et Muanda, des centres de contrôle régional et de renouvellement des équipements radioélectriques, des blocs techniques de différents aéroports.
Des aéroports attrayants
Le manque d’équipements d’exploitation modernes et de commodités pour les passagers est un handicap qui ne permet pas aux infrastructures nationales de devenir des hubs. Le colloque de 2010 avait été convoqué dans le but de sérier les problèmes de manière à s’y attaquer progressivement. En un mot : s’adapter aux normes de l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI). L’aéronautique civile nationale souffre encore de plusieurs maux. Sur le plan de la communication sol-sol, par exemple, le manque de liaison entre Brazzaville et Kinshasa influe sur la gestion des plans de vol (Nord-Sud et vice-versa). Quant à la communication air-sol, il n’y a pas de liaison VHF permanente entre les organes de contrôle et les avions du fait de l’absence d’une station V-SAT à Buta…
Le colloque de 2010 avait soulevé aussi le problème du calibrage des équipements (PAPI, VOR/DME, ILS), le manque de formation du personnel ainsi que l’absence de sécurisation des équipements. Bref, les aéroports du pays avaient besoin d’une touche de modernité. Il fallait des efforts pour mettre le secteur sur l’orbite international.
Six aéroports nationaux devaient être réhabilités en urgence, principalement Ndjili (Kinshasa), Luano (Lubumbashi) et Bangoka (Kisangani). Ils avaient été ciblés par la Banque africaine de développement (BAD) dans le cadre d’un projet d’urgence d’équipement d’une valeur de 150 millions de dollars afin d’aligner la RDC sur les normes de l’OACI et du renforcement conséquent des capacités dans le sous-secteur.
La loi sur l’aviation civile permet à l’AAC d’envisager des partenariats étant donné que la sûreté et la sécurité aériennes sont impératives. Elle est l’émanation des recommandations de l’OACI via ses audits effectués en RDC. Le code sur l’aviation civile permet également de profiter des nombreux avantages de la COSCAP, un organe de coopération régionale dont la mission est d’assurer et de garantir la sécurité du transport aérien des pays de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC).