LE RÉSEAU fluvial de la République démocratique du Congo a des potentialités remarquables. « C’est le seul beau réseau navigable d’Afrique ! », soulignent des experts. Et c’est une chance pour le pays, disent-ils. Au même titre que la route, la voie d’eau peut rendre beaucoup de services à l’économie et remédier au phénomène que les experts désignent par l’« archipelisation du territoire », c’est- à-dire l’éclatement du pays en îlots isolés.
Ils pensent que l’identité nationale mise en mal par la gouvernance et les guerres récurrentes peut aussi se reconstruire autour du fleuve Congo. Lequel bénéficie déjà d’une image très forte, celle du cours d’eau le plus puissant d’Afrique. Cette image, entretenue dès l’école, participe beaucoup de la cohésion de la société congolaise. C’est particulièrement vrai dans l’Est du pays où les provinces (Nord et Sud-Kivu, Tshopo, Ituri, Maniema, Tanganyika) sont quasi coupées du reste du pays, et pour éviter « l’asphyxie économique », commerce avec l’Afrique de l’Est et les ports de l’Océan Indien. Aujourd’hui, la ville de Kisangani est enclavée d’urgence.
Le Congo, considéré comme le pays intrinsèquement le plus riche d’Afrique, est aujourd’hui l’un des plus pauvres. Probablement parce qu’il a été trop longtemps sous la coupe de l’économie de rente ou le commerce des matières premières qui ne profite guère aux Congolais, sinon à certaines catégories de dirigeants ou de responsables.
Avec le fleuve Congo et ses affluents, l’Afrique centrale dispose du plus important réseau navigable du continent africain. Tenez : la RDC a accès à 14 000 km de voies fluviales et 1 300 km de voies lacustres navigables. L’essentiel de la navigation se concentre sur les axes : Kisangani-Kinshasa, Bangui-Brazzaville, Ilebo-Kinshasa et sur les lacs Tanganyika et Kivu. Le handicap majeur du transport fluvial tient à l’impossibilité de déboucher sur l’océan à cause de rapides qui ferment le fleuve Congo entre le Pool Malebo et Matadi.
Après des années d’immobilisme dû à la guerre, le transport fluvial repart peu à peu sur certaines voies d’eau. Le transport de voyageurs a repris sur le bief maritime du fleuve, de même que la traversée entre Kinshasa et Brazzaville. Une reprise dont devrait tirer profit Matadi, le plus grand port du pays et point focal du commerce international par lequel transite 80 % du trafic non pétrolier. Pourtant, malgré les atouts incontestables du fleuve et les efforts accomplis, les obstacles au développement de son potentiel économique restent nombreux.
Dragage et balisage
Pour l’essentiel, la réhabilitation des cours d’eau de la République démocratique du Congo consiste en des travaux de dragage et balisage. En avril, le Centre d’accueil Caritas de Kinshasa a abrité un atelier sur les priorisations des passes de navigation à baliser sur le fleuve Congo et la rivière Kasaï. Ces assises des deux jours (26 et 27 avril) convoquées à l’initiative du Projet d’appui à la navigabilité sur les voies fluviales et lacustres (PANAV) – qui est un projet de l’Union européenne en partenariat avec l’État congolais – ont formulé des recommandations spécifiques par commission et les recommandations transversales.
En effet, cela fait plus de 20 ans, pour diverses raisons, que le fleuve Congo n’est pratiquement plus correctement balisé. Dans le cadre du 10è FED (Fonds européen pour le développement, la Régie des voies fluviales (RVF) a bénéficié un financement de 60 millions d’euros, du PANAV pour la réhabilitation de deux baliseurs, Lomela et Kauka, la réparation du baliseur Congo, la fourniture (en cours d’acquisition) des deux bateaux multifonctions pour le curage des ports et des accès portuaires des biefs moyen et supérieur, la réhabilitation de son chantier naval, ainsi que pour la fourniture de 13 canots hydrographiques.
Le PANAV a aussi aidé à la remise en l’état du réseau de signaux de rive et des balises, a fourni 300 bouées et assuré l’établissement et l’actualisation des albums de navigation mis à la disposition des usagers des voies fluviales. Il a également réhabilité et mis en force le Centre de traitement des données de la RVF. Au cours de cet atelier, les participants se sont penchés sur la localisation des passes réputées « dangereuses à la navigation » que sont les passes rocheuses, les passes divagantes, les passes à forte courbure, les passes étroites et les passes aux courants d’eau violents. Ils ont par ailleurs marqué les tronçons sur ces différentes passes, jugés « prioritaires » par les usagers des routes fluviales pour un balisage à court terme.
On retiendra utilement plusieurs recommandations, en vue de la pérennisation des acquis du PANAV à la RVF à l’intention de l’État : la mise en place d’un fonds d’entretien et de développement des voies navigables ; l’augmentation de la subvention accordée à la RVF de manière à lui permettre d’assurer la maintenance et la pérennisation du balisage pour la sécurité de la navigation ; la mise en place d’un système de communication par radiophonie (avec canaux VHF de sécurité attribués par l’UIT) le long des cours d’eau, en vue d’assurer la sécurité de la navigation par les échanges des informations nautiques, d’assistance et de sauvetage, et d’assurer la surveillance et le suivi de la signalisation des voies navigables ; la désignation d’un représentant des armateurs dans le conseil d’administration de la RVF ; et l’instruction aux commissaires fluviaux locaux de veiller scrupuleusement à la limitation de la charge des convois en fonction de l’étiage sur le cours d’eau.
Quant à l’Union européenne, finaliser l’installation des 110 échelles limnimétriques ; baliser le réseau de cours d’eau de 2è et 3è catégories ; fournir le matériel et les intrants pour la finalisation du balisage fixe, hormis les alignements de navigation notamment sur la rivière Kasaï ; réhabiliter le balisage des affluents du fleuve Congo et de la rivière Kasaï. Ces deux voies de 1ère catégorie d’une longueur de 2 300 km, et donc l’épine dorsale du système des transports en RDC, tirent leur importance économique de l’éventail d’affluents, voies navigables de 2è et 3è catégories de plus de 13 000 km de long, drainant les zones agricoles, forestières et urbaines.
Pour la RVF, décentraliser les activités de balisage ; échanger par le baliseur toutes les informations nautiques avec tous les convois.