Après Equity, KCB projette une opération fusion-acquisition pour prendre pied en RDC

Kenya Commercial Bank Group est près de conclure un accord de rachat avec une banque commerciale en RDC dont le nom est encore gardé top confidentiel. Dans le cadre de sa stratégie de puissance, la banque kenyane veut se concentrer le marché clé de la RDC, comme sa principale priorité. Décryptage.

Joshua Oigara, le CEO et directeur général de KCB Group.

DES SOURCES bien informées sur la Banque centrale du Congo (BCC) renseignent qu’Accesbank avait entrepris des négociations pour l’acquisition de la Trust Merchant Bank (TMB) mais ça n’a pas abouti. Et qu’actuellement, la Kenya Commercial Bank Group (KCB) lorgne du coin de l’œil une banque qui pèse dans le circuit bancaire national.  

Selon Joshua Oigara, le directeur général de KCB, les négociations pour un éventuel rachat sont à un stade avancé et que l’accord devrait être conclu d’ici avril-juin. « Nous sommes en discussion, nous nous concentrons sur le marché clé de la RDC. Et cela reste notre principale priorité pour le trimestre à venir », a-t-il déclaré au journal The EastAfrican. D’après lui, les négociations ont traîné parce qu’à la fin de l’année les gens sont concentrés sur les audits annuels et les états financiers.

Ambition affichée

S’il venait à être conclu, cet accord, a-t-il ajouté, boostera les actifs de cette banque régionale à hauteur d’environ 13,15 milliards de dollars au cours du prochain exercice. Pour le moment, les actifs de ce groupe prêteur s’élèvent à 9,91 milliards de dollars. Déjà à Kinshasa, des analystes se perdent en conjectures. Ils font remarquer que seules deux banques commerciales congolaises, Rawbank et TMB, pourraient être dans le viseur, c’est-à-dire propices à une opération fusion-acquisition pour augmenter les actifs de KCB à hauteur de 13.15 milliards de dollars, car les autres sont de petite taille ou étrangères. Dans ce cas de figure, si ce n’est pas la Rawbank qui a aussi des ambitions à l’international, serait-ce donc la TMB ? 

La banque des frères Rawji qui vient de souffler sur ses 20 bougies, a pris suffisamment de l’épaisseur que ses dirigeants pensent le moment déjà arrivé pour prendre de la hauteur. Avec des résultats costauds et performants d’année en année, ils ont fermement foi en l’avenir. La banque rêve de « voir grand pour le Congo ». Puis en Afrique et pourquoi pas dans le monde, où elle recherche de nouvelles niches.  Créée en 2002, Rawbank n’a plus rien à montrer ou à prouver au pays. Cap sur l’international, telle est l’ambition ultime des fondateurs et des dirigeants actuels de la banque.

« Voir grand pour le Congo », selon les dirigeants de Rawbank, c’est « démontrer un engagement constant à dépasser les attentes, anticiper les difficultés et innover sans cesse au service de tous ceux (entreprises et particuliers) qui contribuent à la modernisation de l’économie congolaise », souligne Mazhar Rawji, le président du conseil d’administration. Et d’ajouter : « Être un acteur de développement d’envergure nationale et apporter sa contribution à la société congolaise en créant des emplois et en se mettant au service de l’investissement public et privé, telle est l’ambition de Rawbank. »

Quant à la TMB, la banque peut se targuer d’avoir le réseau le plus large possible en RDC. Elle privilégie son expansion dans les zones rurales du pays. En 18 ans d’activité en RDC, la TMB s’est rapidement hissée au rang des banques les plus importantes du pays sur plusieurs critères. Et cette volonté d’être partout en tant que banque de proximité a été confirmée le 3 mai par une alliance avec la Société congolaise des postes et télécommunications (SCPT). 

L’intérêt majeur pour la TMB à travers ce partenariat est d’offrir ses services PEPELE Mobile dans plus de 60 villes en plus des 30 autres déjà couvertes. Pour qui, ce partenariat vise aussi la création d’emplois et l’amélioration de l’efficacité des opérations. Il s’en suivra, poursuit-il, une réduction des coûts de transactions pour les populations, particulièrement celles exclues du système financier et n’ayant aujourd’hui comme seule alternative les services de transferts à prix exorbitants. 

Comme Equity-BCDC ?

Avec le mariage Equity-BCDC, les dirigeants des grandes banques dans le monde commencent à examiner de près les possibilités de fusion-acquisition. « La pression sur le régulateur en faveur des réformes et la nécessité pour les banques elles-mêmes de se renforcer face à la concurrence vont faire en sorte que de nombreux actifs du secteur financier seront vendus dans les années à venir », croit comprendre un banquier à la retraite. « Rien à faire, soit les banques de petite taille vont se mettre ensemble dans une alliance afin d’afficher une meilleure rentabilité sur un nombre réduit de segments, soit elles vont disparaître au profit des plus importantes », poursuit-il.

Jusqu’ici, le rythme des ventes d’actifs est quasi inexistant mais les difficultés de financement, l’augmentation du coût du capital et une réglementation de plus en plus onéreuse auront probablement pour conséquence de stimuler l’activité de fusion-acquisition. Selon l’équipe d’experts du Fonds monétaire international (FMI) qui vient d’évaluer la situation économique du pays, il y a nécessité de maintenir les politiques macroéconomiques prudentes, d’accélérer la mise en œuvre des réformes structurelles majeures pour soutenir la reprise et renforcer la résilience de l’économie. Par exemple, la nouvelle loi sur les banques commerciales et la loi anti-blanchiment doivent être rapidement adoptées et promulguées afin de renforcer la supervision bancaire.

C’est depuis 2002 que le secteur financier national est entré dans un vaste processus de réformes pour être performant et ainsi contribuer efficacement à la croissance économique. La loi n°18-019 du 9 juillet 2018 relative aux systèmes de paiement et de règlement-titres fait partie de ces réformes. Elle vise la modernisation des systèmes de paiement dont le rôle est de faciliter la circulation de la monnaie, notamment sous forme scripturale. 

Comment ? En encadrant les paiements de différentes transactions entre les particuliers et les fournisseurs des biens et services, les paiements entre établissements financiers pour rapprocher leurs positions les unes envers les autres au regard des instructions de paiement de leurs clients ou pour comptes propres et les transferts de fonds entre établissements financiers, en vue d’assurer leur bonne fin et la baisse de coûts de transaction. 

Le système de paiement congolais évolue actuellement dans un cadre juridique et institutionnel inadapté au regard des évolutions de l’environnement financier international et des attentes de différentes parties prenantes notamment en termes d’élargissement de l’éventail des instruments et services de paiement, de qualité et de réduction des coûts des services de paiement ainsi que de sécurité des opérations de paiement par voie scripturale ou par voie de monnaie électronique. 

Pour KCB, opérer en RDC est un positionnement historique

D. L.

La banque régionale kenyane est déjà active au Kenya, au Rwanda, en Tanzanie, en Ouganda, au Burundi et au Soudan du Sud. Des pays qui sont membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) que la RD vient de rejoindre. En acquérant, cette année, pour 43,7 millions de dollars la Banque Populaire du Rwanda Plc (BPR) et l’African Banking Corporation Tanzania (BancABC), détenues par Atlas Mara Ltd (ATMA), KCB a renforcé sa présence dans ces deux pays.   

Elle a ainsi porté sa base d’actifs totale à plus de 10 milliards de dollars, créant ainsi un géant bancaire régional. L’objectif est de faire partie du cercle fermé des principales banques panafricaines, actuellement dominé par les banques ouest-africaines. Selon Joshua Oigara, KCB a encore plus d’opportunités et considère les pays comme la RDC et l’Éthiopie (où KCB a déjà ouvert un bureau de représentation) comme des domaines d’intérêt. L’année dernière, le groupe KCB a acquis la Banque nationale du Kenya (NBK) en difficulté et a repris les bons actifs de la Banque impériale qui a été mise sous séquestre par la Banque centrale du Kenya en 2015.