AUF : 4 millions d’euros de l’UE pour soutenir la recherche action en Afrique centrale et des Grands lacs

En tant qu’opérateur expert en recherche et savoir de la Francophonie, l’Agence universitaire de la Francophonie intervient dans de nombreux domaines comme la formation, la recherche, le numérique, la gouvernance universitaire, l’entrepreneuriat et l’employabilité des étudiants ou encore du développement durable.

IL Y A UN changement de méthode mais aussi de vision et des échéances stratégiques dans le fonctionnement de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF). Déjà, une bonne nouvelle : la région de l’Afrique centrale et des Grands Lacs va bénéficier d’un fonds de recherche de l’Union européenne (UE) d’environ 5 millions d’euros pour une durée de quatre ans. Ce fonds permettra de développer la recherche action. Tout à l’actif de l’AUF qui conçoit des projets innovants et va voir les bailleurs pour arracher des fonds supplémentaires, laisse entendre Slim Khalbous, le recteur de l’AUF.

En avant-première, il a présenté aux journalistes de l’Afrique centrale et des Grands lacs lors de la visioconférence du mercredi 3 mars 2021 quelques axes prioritaires qui ressortent de la consultation mondiale réalisée l’année dernière. Très nettement, la transformation numérique apparaît comme une priorité absolue pour toutes les régions. Le processus se fera au niveau de l’infrastructure, de la pédagogie avec des programmes spécifiques et de la recherche sur la transformation technologique et de l’innovation, en adaptation aux besoins spécifiques des pays membres de l’AUF. De ce point de vue, dit le recteur de l’AUF, la région de l’Afrique centrale et des Grands lacs est « stratégique » pour l’AUF, avec de belles perspectives d’évolution. 

Transformation numérique

Depuis plus de 25 ans, rappelle Slim Khalbous, l’AUF est résolument engagée dans la dimension numérique et la digitalisation dans l’action. Elle a toujours essayé d’avoir un peu d’avance sur ce qui se fait en matière de numérique dans le monde. « Nous allons perpétuer cette tradition parce que nous avons dans la nouvelle stratégie de très grands projets en matière de transformation numérique », dit-il.

D’après lui, l’AUF est un très grand réseau au monde de campus numériques : « Nous allons désormais travailler sur la future génération de campus numériques francophones (CNF) ou les CNF 5.0. » Puisque la technologie évolue très vite, l’AUF est obligée de renouveler en permanence le matériel, notamment par l’acquisition du matériel à la pointe de la technologie. Il faut également élargir le réseau : « D’ici la fin de l’année, nous allons passer d’une quarantaine de CNF aujourd’hui à une soixantaine. Le 5.0 est non seulement un équipement meilleur, un réseau plus large mais c’est encore une grande nouveauté qui va s’ajouter pour mettre en liaison tous les CNF dans le monde entier. » 

L’AUF a l’ambition de lancer la première grande plateforme collaborative dans le monde, 100 % universitaire et mettant en réseau tous ses campus numériques, et pouvoir ainsi permettre de suivre une formation en direct dans tous les pays où les CNF sont connectés. Cette interconnexion répond à plusieurs objectifs : améliorer les services numériques, le réseautage et les formations à un niveau international… 

« Nous sommes en train de faire des plaidoyers auprès des décideurs politiques pour l’amélioration de l’infrastructure d’Internet et de nouvelles technologies. Évidemment, l’AUF ne pourra déployer plus de services sur ce réseau au niveau de ses campus numériques que si le réseau Internet s’améliore. Nous mettons beaucoup d’investissements chaque année dans les pays d’implantation pour améliorer la qualité du débit de l’Internet à cause des problèmes d’infrastructure », déplore le recteur de l’AUF. 

Qui pense que son institution ne peut pas porter seule le lourd fardeau de ces problèmes d’infrastructure : « Il faut donc absolument collaborer avec les autorités publiques pour aller plus loin et nous permettre de mettre plus de contenu, de formation et de tout ce qui est immatériel sur ce réseau. »

Dans cette mouvance, l’Afrique centrale et des Grands Lacs paraît une région particulièrement importante pour l’AUF : « Non seulement historiquement car c’est une région formée de beaucoup de pays francophones au cœur de notre mission, mais aussi parce que c’est une région qui a un emplacement géographique très particulier. » Il y a dans cette région, 102 universités et centres de recherche membres de l’AUF. On y compte 11 implantations et 9 campus numériques (Ndjamena, Bangui, Libreville, Kinshasa, Lubumbashi, Brazzaville, Bujumbura, Yaoundé et Ngaoundéré).

Rien à faire, le réseau actuel va être mis à niveau pour passer à la version CNF 5.0. Et l’AUF compte ouvrir trois autres CNF en 2021. « Nous allons introduire l’intelligence artificielle dans le réseau pour améliorer l’adaptation des services fournis aux caractéristiques et aux besoins des utilisateurs. Aujourd’hui, dans le domaine de la recherche, on utilise le tutorat intelligent. Une application de l’intelligence artificielle pour l’encadrement des utilisateurs », annonce le recteur de l’AUF. 

Lorsqu’il est embarqué dans une machine, le tutorat intelligent va progressivement apprendre les usages de l’utilisateur, en l’occurrence l’enseignant, l’étudiant, etc. « À force d’utiliser les machines dans nos CNF, elles vont apprendre les usages et les besoins, et offrir de plus en plus de services adaptés aux pays. Avec l’embarquement de l’intelligence artificielle, le compromis entre le global et le local va encore être raffiné », rassure Slim Khalbous.

D’autres thèmes ont été épinglés par les personnes interrogées comme des préoccupations majeures. D’abord, on retiendra l’absolue nécessité de mettre ensemble les compétences des étudiants, des enseignants et des gouvernants. D’après Slim Khalbous, l’AUF va toujours continuer à jouer son rôle d’intermédiaire, de facilitateur pour mettre ensemble des milliers de personnes. Le recteur de l’AUF se réjouit que « la mission de la mise en relation des partenaires et des acteurs soit toujours une attente importante pour l’AUF ».

Employabilité

Un autre résultat important issu de la consultation, c’est l’employabilité des diplômés. C’est une préoccupation d’avenir, estime le recteur de l’AUF, eu égard de la dimension de l’entrepreneuriat et de ce qu’elle peut apporter comme solution dans la massification de l’enseignement dans la plupart des pays membres. Employabilité et entrepreneuriat constituent donc une grande thématique. L’AUF a quelques actions par ci par là jusque-là. Mais dans sa nouvelle stratégie, l’employabilité des diplômés et le développement de l’entrepreneuriat deviendront un axe clé, rassure Slim Khalbous. Qui souligne que c’est un défi présent pratiquement dans tous les pays.

La formation des formateurs a été également évoquée comme une thématique majeure par les personnes interrogées lors de la consultation. « C’est évident que l’élève ou l’étudiant est le pivot de toute réforme du système éducatif ou universitaire. Mais sans l’enseignant qui est le pilier de cette réforme, rien ne peut être fait. L’enquête a montré qu’il y a une grande préoccupation autour de l’accompagnement de l’enseignant et de la formation de l’enseignant », fait remarquer le recteur de l’AUF. 

Aujourd’hui, par exemple, la thématique du numérique paraît plus compliquée pour les enseignants : « Les accompagner pour qu’eux-mêmes puissent être à l’aise avec la transformation numérique est l’un des objectifs, tout comme aussi accompagner le système scolaire, au primaire et au secondaire, pour améliorer la qualité de l’encadrement des entrants à l’université. »

La consultation mondiale a révélé enfin que la demande pour plus de recherche action est très forte : « Du point de vue du développement, la recherche purement académique est plutôt renfermée sur elle-même et un peu trop fondamentale. Il y a plus besoin d’une recherche appliquée qui donne plus de solutions aux pays et aux sociétés. Tous les efforts devront donc être orientés vers cette recherche à impact social et économique. » 

L’AUF a tenté une expérience dans le contexte de la crise sanitaire de Covid-19 : « Nous avons essayé de transformer cette crise en opportunité en lançant un appel à candidature pour que les jeunes doctorants, les jeunes chercheurs, les jeunes ingénieurs et les étudiants proposent des solutions. Nous avons réceptionné plus de 2 000 réponses issues de 79 pays et nous avons pu financer plusieurs projets qui ont donné des solutions très concrètes. » Des solutions concrètes ont été présentées, notamment des respirateurs pour les hôpitaux, des masques rapidement faits grâce à l’imprimante 3D… Bref, l’AUF a montré que la recherche est capable de porter des solutions à des problèmes de société comme dans le cas de Covid-19.