AVEC l’urbanisation galopante, la consommation de matériaux de construction (béton, sable, gravier) doublerait et arriverait en tête des matières premières consommées, devant les métaux et le charbon. Pour accompagner l’accroissement de la population et la hausse des niveaux de vie, l’utilisation de matières premières devrait pratiquement doubler d’ici à 2060 dans le monde. C’est ce qu’affirme un rapport de l’Organisation pour le développement et la coopération économiques (OCDE) publié le 22 octobre.
Intitulée « Perspectives mondiales des ressources matérielles à l’horizon 2060 », le l’étude souligne que la consommation des matières premières à l’échelle de la planète représenterait, dans une quarantaine d’années, l’équivalent de 45 kg par jour et par personne. Selon les prévisions de l’OCDE, le nombre d’habitants sur terre devrait franchir le cap des 10 milliards en 2060, contre 7 milliards aujourd’hui, avec un revenu mondial moyen qui atteindrait le niveau actuel de la zone OCDE.
Dans le même temps, la consommation annuelle de matières premières passerait de 90 à 167 gigatonnes (milliards de tonnes), du fait de la tertiarisation de l’économie dans les pays industrialisés, la progression partout du digital, et du prélèvement sur les ressources de notre planète. La croissance démographique aura lieu là où les besoins en infrastructures et en équipements, et donc en matières premières, sont les plus importants : les pays émergents et surtout les pays en développement, en Afrique, en Asie, et au Moyen-Orient. Là où le revenu par habitant va progresser le plus vite.
Ce prélèvement en hausse devrait concerner toutes les matières premières, mais pas de la même façon. La demande de céréales, de fruits et légumes devrait à peine doubler, 20 milliards de tonnes en 2060, malgré la croissance démographique et l’élévation du niveau de vie mondial (40 000 dollars par an et par habitant, estime l’OCDE, comme aujourd’hui dans les pays industrialisés).
Risque environnemental
Avec l’urbanisation galopante, c’est la demande de métaux qui devrait croître le plus vite, de 7 à 19 milliards de tonnes, pour construire véhicules et autres objets électroniques. Mais la consommation qui pèsera le plus sera celle des matériaux de construction – sable pour le ciment, granulats, roche concassée : 82 milliards de tonnes, contre 32 milliards à présent. Soit la moitié du volume de matières premières qui seront prélevées en 2060, contre un quart seulement aujourd’hui.
Les pays en développement en consommeront quatre fois plus. La consommation de matériaux de construction arriverait en tête des matières premières consommées, devant les métaux et le charbon. Une telle consommation de matières premières est un risque pour l’environnement, prévient l’OCDE. Leur extraction et leur transformation émettront plus de gaz à effets de serre : 50 milliards de tonnes, contre 28 aujourd’hui. Et plus de pollution de l’air, de l’eau et des sols. Sept métaux sont particulièrement pointés du doigt par l’organisation, en tête desquels le cuivre et le nickel, métaux les plus polluants par kilo. L’OCDE appelle donc les États à encourager le recyclage et l’efficacité dans l’usage de toutes ces ressources.
Le secteur du recyclage se renforcera, mais « il continuera de peser beaucoup moins lourd que les activités d’extraction de matières premières », note l’OCDE. Le plus inquiétant finalement est que l’OCDE dit avoir pris des hypothèses assez conservatrices de croissance et avoir tenu compte d’une évolution globale des économies composées de plus d’activités de services et de moins d’industrie.
L’intensité en matériaux devrait ainsi baisser, rappelle l’étude et le boom de la construction en Chine va progressivement ralentir. Elle fait également le pari que les procédés de production deviendront quatre fois plus économes qu’actuellement. C’est malgré tout un scénario catastrophe qui se dessine. « Une pression deux fois plus forte sur l’environnement », résume le rapport. Les seules émissions de gaz à effet de serre liées à l’accroissement de l’extraction de ces ressources passeraient de 28 à 50 gigatonnes de CO2 d’ici à 2060, ce qui aggravera la pollution de l’air, de l’eau et des sols, et concourra « notablement au changement climatique ».
Elle met ainsi en avant la nécessité de pousser le plus possible vers le recyclage. Mais il y a du chemin à faire. Le secteur ne représente aujourd’hui qu’un dixième du poids du secteur minier. Dans le cas des plastiques, par exemple, seulement 2 % de l’ensemble est recyclé. « Si aucune action concrète n’est prise pour relever ces défis, l’accroissement de l’extraction et du traitement de matières premières telles que la biomasse, les combustibles fossiles, les métaux et les minerais non métalliques, viendra aggraver la pollution de l’air, de l’eau et des sols, et concourir notablement au changement climatique », préviennent les rédacteurs du rapport de l’OCDE.