LE départ officiel s’accompagne d’une période de transition jusqu’à la fin de l’année 2020. En clair, le Royaume-Uni continuera d’appliquer les règles de l’Union européenne (UE) durant cette période, sans toutefois prendre part aux décisions communautaires. Il s’agit de permettre une sortie en douceur, laisse-t-on entendre. D’ailleurs, ce laps de temps doit permettre aux deux parties de négocier leur future relation, en particulier un accord de commerce. Mais cette période de transition est jugée particulièrement courte pour une telle négociation.
Ce qu’il faut retenir du Brexit est que les milieux d’affaires sont sereins, particulièrement à Londres. Une économie britannique qui résiste, une union douanière à portée de main… La communauté du business semble rassurée avant le nouveau round de négociations.
La peur a disparu
Dans la tête des Britanniques, il y a beaucoup moins d’inquiétude que pendant la campagne du référendum de 2016, quand les opposants farouches au Brexit avançaient leur « Fear project », le projet de la peur. Il s’agissait alors de détailler les calamités qui allaient s’abattre sur le Royaume-Uni si la sortie de l’UE était mise en œuvre.
À Londres, toute peur semble avoir disparu, même chez les patrons, les politiques, les économistes, les éditorialistes, pourtant très majoritairement « remainers ». En effet, l’économie britannique ne s’est pas effondrée (1,4% de croissance en 2019 et 1,4 % attendu en 2020) au lendemain du 31 janvier. La livre sterling a repris une tendance haussière (+8 % en six mois face à l’euro), la City est rassurée sur sa prééminence financière, et l’Union douanière semble à portée de main.
Emmanuel Sales, le fondateur de la Financière de la Cité, une société de gestion indépendante qui avait lancé dès janvier 2017 un fonds Brexit, investit majoritairement en actions anglaises. Pour lui, le jour de la sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union européenne, les entreprises britanniques ne devaient pas sortir forcément perdantes de ce divorce. À l’époque quand il a créé ce fonds, il pensait que la sortie du Royaume-Uni de l’UE ne serait pas forcément une mauvaise chose pour le pays. Dans la presse européenne, il y a une approche quasi-théologique du Brexit, comme un combat entre le Bien (l’Union européenne) et le Mal (le Royaume-Uni).
« C’est oublier que la première raison qui a poussé les Anglais à voter pour le Brexit, c’est le sentiment de fracture sociale du pays et l’envie d’y remédier en privilégiant l’économie nationale. Le Royaume-Uni en a les moyens, grâce à une banque centrale indépendante qui tient son rôle de banque de réserve, sa position dans l’économie mondiale, et une attractivité intacte », explique-t-il. Depuis 3 ans, le fonds a progressé de 22 %, avec une excellente année 2018, où il a progressé de 4,8 % alors que les indices européens et mondiaux se sont effondrés de plus de 10 %. En 2019, le fonds n’a gagné que 14,1 % alors que beaucoup de marchés ont plus progressé…
Entre un investissement qui souffre, une croissance plombée et un chômage historiquement bas, le Royaume-Uni connaissait une situation économique paradoxale à la veille du Brexit et trois ans et demi après le vote qui a vu les Britanniques choisir de quitter l’UE. Combien a coûté le Brexit ? Difficile d’y répondre précisément, mais des tendances claires ont été observées, notamment un affaissement de l’investissement, avec une année 2018 particulièrement mauvaise.
La croissance, de son côté, a ralenti, passant de 1,8 % en 2017 à 1,4 % en 2018, selon le Bureau national des statistiques (ONS). Et pour 2019, la croissance pourrait tomber à 1,3 %, soit le rythme d’expansion le plus faible depuis 2009, selon des estimations d’économistes compilées par le Trésor. Pour autant, la situation n’est pas entièrement noire.
Premièrement, le Royaume-Uni n’est pas le seul pays à voir sa croissance ralentir, dans un contexte mondial dominé par les incertitudes et les tensions commerciales. Celle de la zone euro est ainsi attendue à 1,1 % en 2019 par la Commission européenne. Ensuite, le marché du travail britannique affiche une santé insolente, avec un chômage à 3,8 %, le plus faible en 45 ans, et un taux d’emploi jamais vu, à 76,3 % à fin novembre. Les salaires, quant à eux, continuent de progresser plus vite que les prix (+3,2 % sur un an avec une inflation autour de 1,5 %), même s’ils n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant la crise financière de 2008 et si les inégalités demeurent criantes.
La victoire de Boris Johnson, le 1ER Ministre britannique, aux élections législatives et la clarification qu’elle a apportée après des mois d’atermoiements pourraient avoir un effet positif sur l’économie, selon plusieurs indicateurs. Le 24 janvier dernier, la première estimation des indices PMI, qui mesurent la croissance de l’activité, a fait état d’un rebond à un niveau plus vu depuis septembre 2018, et ce après cinq mois de recul. De plus, une enquête publiée la même semaine par le CBI, la principale organisation patronale britannique, a montré un net rebond de l’optimisme des entrepreneurs dans le secteur manufacturier.
La confiance est ainsi passée à +23 % sur une période de trois mois achevée en janvier, un niveau plus observé depuis 2014, contre -44 % dans la précédente enquête. Une amplitude qui n’avait jamais été observée depuis la création de cette étude en 1958. Autre signe d’embellie post-électorale: les prix de l’immobilier dans la capitale, Londres, en plein marasme depuis des mois, ont fortement rebondi en janvier. Le 1ER Ministre a également promis de mettre fin à l’austérité et prévoit d’injecter des milliards de livres dans de vastes programmes d’infrastructures. Outre une hausse du salaire minimum de 6,2 % au 1er avril pour les plus de 25 ans, le gouvernement a annoncé la semaine dernière un relèvement du seuil de contribution à la sécurité sociale, une promesse de campagne en direction des bas revenus. Des mesures de nature à stimuler la consommation et donc la croissance.