Grâce à un financement du gouvernement et de la Banque mondiale, la Société nationale des chemins de fer retrouve peu à peu des couleurs. Mais le bout du tunnel est encore loin.
La Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) est sous perfusion depuis déjà plusieurs années. Cette entreprise, qui aurait dû être déclarée en faillite, subit actuellement une thérapie conduite par la Banque mondiale pour sa relance. Cependant, elle a perdu de sa superbe et en l’espace de 35 ans, sa présence est réduite à 12 % dans le secteur du transport. Sylvestre Ilunga Ilunkamba, son directeur général, a livré ces statistiques, le 20 octobre, au cours de la réunion du comité exécutif de l’Association des chemins de fer de l’Afrique australe (Sara), à Lubumbashi (Haut-Katanga). En 1980, par exemple, la SNCC transportait 80 % des produits vers diverses destinations, le reste étant assuré par la voie routière. Actuellement, elle n’en est qu’à 10 %. Ilunga Ilunkamba est convaincu que la Sara pourra aider son entreprise à redevenir ce qu’elle était.
« Avec la Sara, la SNCC pourrait voir la performance de son matériel roulant, l’accroissement de la fluidité du trafic mais aussi la sécurisation des voies qui sont en cours de réalisation s’améliorer davantage », a-t-il affirmé, soulignant que son entreprise se trouve sur la bonne voie avec, notamment, l’acquisition, en septembre, de dix-huit locomotives neuves sur les 28 promises par le gouvernement et la Banque mondiale. La Sara regroupe l’Afrique du Sud, le Malawi, le Zimbabwe, le Botswana, la Namibie, la Zambie, l’Angola, la Tanzanie, le Swaziland et la RDC.
Lancé depuis 2011, le projet de transport multimodal financé par la Banque mondiale vise à améliorer l’interconnexion des transports terrestre, aérien, fluvial et ferroviaire en République démocratique du Congo.
C’est dans ce cadre que la SNCC a reçu dix-huit locomotives neuves et réhabilité trois cent trente wagons en l’espace d’une année. Deux cent cinquante wagons sont en attente de réhabilitation. Avec le soutien du gouvernement, l’entreprise a également entamé le renouvellement de plus de 700 km de la voie ferrée. Cependant, la SNCC continue de traverser une situation financière difficile et n’arrive pas encore à couvrir les coûts des différents travaux.
Pour Mohamed Dalil Essakali, chef de projet du transport multimodal à la Banque mondiale, quelques années d’efforts sont encore indispensables avant que la société atteigne son équilibre. Malgré les progrès enregistrés au cours des douze derniers mois, le chemin est encore semé d’embûches. Si, en 1975, la SNCC produisait trois milliards d’unités de trafic, ce qui représente en valeur monétaire actuelle à peu près 500 millions de dollars, elle n’en produit plus que 250 aujourd’hui, soit l’équivalent de 45 millions de dollars, c’est-à-dire dix fois moins.
Pièces de musée
Les 3 641 km de voies ferrées qu’elle exploite sont en mauvais état (dont 500 en très mauvais état). Elles nécessitent un remplacement total. D’une centaine de locomotives en propre il y a trente-huit ans, il n’est plus resté à la SNCC que 20 locomotives, dont dix en location. Toutes ces locomotives, de très vieille génération, sont bonnes pour le musée. Les traverses et les ballasts ont été vandalisés ou emportés. L’herbe a repris possession de la voie. Pour augmenter le volume du trafic, ses recettes et couvrir ainsi ses besoins, la SNCC ne peut encore se passer de l’appui financier du gouvernement.
Les dix-huit nouvelles locomotives réceptionnées en juillet, dont le coût s’élève à plus de 31 millions de dollars, ont été acquis grâce au financement de la Banque mondiale à travers le projet de transport multimodal.
Dans le cadre de la relance de l’entreprise, la Banque mondiale finance même le fonds de roulement du cheminot. Elle vient en appui au fonctionnement quotidien de la société, intervient dans les coûts opérationnels, finance les mises à la retraite… Cet effort est dû à l’importance locale et régionale de la SNCC. Un financement a été mis en place sur la base d’un modèle financier de 600 millions de dollars. Initialement, Kinshasa devait intervenir à hauteur de 350 millions de dollars et la Banque mondiale à raison d’environ 250 millions de dollars.
Nouveaux corridors
En même temps, Kinshasa expérimente, avec ce projet, un partenariat public-privé comme modèle d’approche pour une réforme réussie de cette entreprise. Actuellement, la République démocratique du Congo compte 4 006 km de chemin de fer dans l’ensemble (3 641 km gérés par la SNCC et 365 km par la Société commerciale des transports et des ports (SCTP). Plus de la moitié est à réhabiliter. Le pays vise loin avec la réhabilitation de la SNCC. Dépendant de l’Afrique du Sud pour évacuer leur production, les miniers de la Copperbelt congolo-zambienne veulent désormais faire jouer la concurrence avec d’autres corridors. Le nouveau projet de réhabilitation de la voie ferrée entre Kasumbalesa (frontière zambienne) et Dilolo (frontière angolaise), entre autres, permettra une évacuation par le chemin de fer de Benguela, en Angola. Dans le cadre de ce programme financé par la Banque mondiale, près de 200 tonnes de rails ont été livrées fin mars à la SNCC. Les rails seront posés entre Tenke, siège de Tenke-Fungurume Mining et Dilolo. Le gouvernement a aussi commandé, en 2013, 47 locomotives dont neuf ont déjà été livrées. Les compagnies minières du Katanga et de la Zambie ont pris langue avec les Namibiens en vue d’écouler leurs exportations via le corridor Lubumbashi-Ndola-Walvis Bay.
Plusieurs initiatives sont en cours, notamment la tenue d’une rencontre à Kitwe, en Zambie, pour promouvoir l’utilisation de ce corridor. C’est le résultat d’une précédente conférence organisée en septembre 2013, à Lubumbashi, par le Walvis Bay Corridor Group (WBCG).
Au cours de cette rencontre, les pays de la SADC (South African Developement Community) avaient affirmé leur volonté d’améliorer la performance des chemins de fer dans leur espace, en vue de changer les conditions de vie des populations. À l’Ouest du pays, pendant ce temps, les opérateurs économiques de Matadi saluent la construction dans cette ville des ports et ports secs (terminal intermodal directement connecté par route ou par chemin de fer à un port).
Les nouvelles installations portuaires en construction sont Mbengo Matadi, qui se construit vers le pont maréchal Mobutu; Gecotrans, érigé vers Mpozo à l’entrée de Matadi; Ledya, vers le port Ango-Ango. À la fin des travaux, les ports internationaux de Matadi et de Boma seront de plus en plus désengorgés. La rapidité des opérations de dédouanement sera assurée et les tarifs devront logiquement être revus à la baisse.