INTERROGÉ sur le sort de Banro en République démocratique du Congo, un notable de la région, que nous appellerons Paluku, car ayant requis l’anonymat, trouve « normal » que de cette « cohabitation forcée » découlent de « nombreuses tensions ».
« D’ailleurs, nous prévient-il, félicitons-nous que ces tensions soient encore latentes, et rarement ouvertes, à l’instar de ce qui se passe pour le moment à Namoya. Mais il va arriver un moment où ça va péter si l’État ne prend pas ses responsabilités. Cela risque, un jour, de déstabiliser tout l’Est du pays, si ce n’est pas encore fait ».
Pourquoi Banro est-elle le mal-aimé des populations dans la région ? Paluku hésite un moment, puis il explique : « Quand la société débarque en RDC en 1996, il n’y avait pas de code minier. Banro était liée à l’État congolais par la convention minière de 1997, puis par ses deux avenants de 2002 et 2010.
L’inaction de l’État
Donc, le code minier de 2002 n’était pas opposable à Banro. Ainsi, la société bénéficiait d’un régime fiscal avantageux, jugé confus autour des modalités de la rétrocession de certains bénéfices aux communautés locales. » Pour Paluku, l’inopposabilité du code minier à Banro a diminué considérablement la portée de ses obligations, notamment celles relatives au bornage de sa concession, aux procédures de gestion des aspects environnementaux, et aux modes de consultation des communautés. « C’est cela qui constitue autant de points de discorde entre Banro et les populations locales », nous dit Paluku. Qui estime que ce « vide juridique » en ce qui concerne la cohabitation entre l’exploitant industriel et les exploitants artisanaux est pour beaucoup dans la situation déplorée. D’autant plus qu’il n’y a pas eu de Zones d’exploitation artisanale (ZEA) opérationnelles dans les provinces du Sud-Kivu et du Maniema.
On reproche à Banro de ne pas répondre comme il se doit aux attentes des communautés locales en termes d’accès à l’emploi, de développement et d’indemnisation des déplacés des concessions. Des défis qui sont porteurs de germes de tensions et de conflits. « En RDC, la contribution des multinationales au développement des communautés locales est un sujet épineux. À cela s’ajoute la problématique de l’insécurité dans les zones minières », fait remarquer Paluku. Qui accuse l’État d’« inaction ».
En effet, tout a été dit sur cette problématique de l’insécurité à l’Est. « Mais que fait l’État pour sécuriser les investissements ? Je suis du même avis que ceux qui pensent que le gouvernement se doit de nettoyer les concessions de Banro de tous les fauteurs de trouble. La notion de la propriété foncière est une notion cardinale dans les affaires. Au moment où le chef de l’État parcourt le monde pour attirer les investisseurs, il est vraiment anormal que ceux qui sont déjà là, ne soient pas sécurisés physiquement et juridiquement », déplore Paluku.
Pour ce qui est de Banro, de nombreuses voix s’élèvent contre les processus de recrutement et l’embauche des personnes non originaires de la région. Des études et des enquêtes ont été menées dans la région, et elles ont abouti presque toutes à un même constat : les autorités nationales et provinciales doivent créer et rendre effectives les ZEA, rendre publiques les cartographies délimitant les concessions attribuées à Banro, soutenir la création de regroupements de creuseurs dans les concessions couvertes par des titres exclusifs afin de les reconvertir en petites entreprises d’exploitation artisanale de sous-traitance, assurer une meilleure prise en charge des agents des services étatiques et des forces armées afin d’éliminer le phénomène des taxations illégales, créer des comptoirs d’achat d’or dans les concessions de Banro, créer des centres d’apprentissage professionnels en faveur des communautés locales…
Par ailleurs, la charge incombe à l’État d’intensifier les campagnes de sensibilisation sur son rôle et celui des investisseurs, mettre sur pied un cadre inclusif et représentatif de concertation entre les creuseurs, la notabilité, la société civile, Banro et les autorités locales…