RIO DE JANEIRO, Le gouvernement brésilien met aux enchères lundi à Rio sa plus grande concession de pétrole pré-salifère lors d’une cérémonie placée sous haute sécurité avec 1.100 policiers et soldats mobilisés en vue des manifestations annoncées par les syndicats du secteur pétrolier.
Ces premières enchères d’attribution de gisements pré-salifères (en eaux très profondes) découverts en 2007 sont fixées à 14H00 locales (16H00 GMT) dans un hôtel de la zone ouest.
Le gisement proposé est celui de Libra, situé dans l’Océan Atlantique à 183 km du littoral dans le bassin de Santos (sud-est). Il constitue le plus grand des champs pré-salifères du Brésil, avec une zone de 1.500 km2, soit environ un dixième de la surface totale des gisements en eaux profondes.
Il recèle selon les experts des réserves de pétrole récupérables de 8 à 12 milliards de barils, qui pourront permettre de produire 1,4 million de barils de brut par jour dans cinq ans, selon l’Agence nationale du pétrole (ANP).
Les réserves brésiliennes, qui totalisent aujourd’hui 15,3 milliards de barils, pourraient ainsi doubler grâce au champs de Libra. Le gisement pourrait aussi permettre au géant brésilien de doubler ses réserves de gaz, actuellement de 459,3 milliards de mètres cubes.
Pour ces enchères, onze entreprises ont déposé des garanties, dont sept figurent parmi les 11 ayant la plus grande valeur sur le marché dans le monde, a annoncé l’ANP récemment. Il s’agit de China National Corporation (CNPC) (2e), Shell (3e), Ecopetrol (6e), Petrobras (7e), Total (8e), China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) (10e) et Repsol/Sinopec (Sinopec – 11e).
“La plus grande zone d’exploitation de brut du monde”
Le ministre des Mines et de l’Energie, Edison Lobão, a assuré qu’il livrerait au consortium gagnant “la plus grande zone d’exploitation de pétrole du monde”.
Ces premières enchères d’attribution pré-salifères serviront de test à l’avenir du secteur, prévoient les experts.
“Les marchés tablent sur le fait que les compagnies asiatiques seront les vedettes de ces enchères car les +majors+, les grandes compagnies américaines, n’y participent pas. Elles se contenteront d’observer ces enchères” qui serviront de ballon d’essai au secteur pré-salifère, a déclaré la semaine dernière à l’AFP, Carlos Assis, responsable du Centre d’énergie et ressources naturelles du consultant mondial Ernst&Young (EY).
Le géant pétrolier brésilien Petrobras, contrôlé par l’État, sera le seul opérateur et aura 30% de participation obligatoire dans la concession du gisement de Libra et d’une manière générale dans toutes les concessions des gisements pré-salifères, d’après une loi de 2010.
A l’initiative de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, cette loi vise à destiner la manne pétrolière à l’Education (75%) et à la Santé (25%).
Selon des estimations de la Fondation Getulio Vargas (FGV, privée) diffusées dimanche par le quotidien O Globo, les investissements dans le pré-salifère pourraient atteindre 1.700 milliards de dollars dans le pays au cours des 30 prochaines années et permettront la création de 87 millions d’emplois.
L’Etat brésilien devra recevoir au moins 41,6% du pétrole produit à Libra, selon l’appel d’offres et l’enchère sera remportée par l’entreprise ou consortium offrant le plus de pétrole à l’Etat brésilien, ont déjà annoncé les autorités.
Manifestations “contre la privatisation du pétrole”
Opposée à ces enchères dont elle réclame la “suspension immédiate”, la Fédération unique des travailleurs du pétrole (FUP) a déclenché jeudi une grève illimitée suivie par d’autres syndicats pétroliers et appelé à manifester lundi à Rio.
La FUP, à laquelle est affiliée la majorité des salariés de Petrobras et qui réunit 12 syndicats du secteur, dénonce les “risques pour la souveraineté et les pertes que la nation brésilienne subira si des compagnies pétrolières multinationales s’approprient Libra”.
“Nous ne sommes pas en train de privatiser le pétrole du pré-salifère, au contraire, nous nous approprions cette richesse immense qui se trouve sous la mer et à l’intérieur de la terre”, a déclaré samedi le ministre des Mines et de l’Energie.
La présence de l’armée a été sollicitée par le secrétaire à la Sécurité publique de Rio, José Mariano Beltrame, soucieux des manifestations annoncées par les travailleurs du pétrole.
Dès 11H00 locales un groupe de 200 manifestants, dont certains étaient masqués, ont tenté de forcer un barrage policier près de l’hôtel avant d’être repoussés par les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, a constaté un journaliste de l’AFP.
Deux bateaux de la Marine sont ancrés également en face de l’hôtel situé dans le quartier de Barra da Tijuca, à l’ouest de Rio.