Cap sur l’économie

La délégation congolaise et le patron de la Monusco M. Klober à la 7è réunion du CAT à Goma, (Photo BEF)
La délégation congolaise et le patron de la Monusco M. Klober à la 7è réunion du CAT à Goma, (Photo BEF)

La République démocratique du Congo a abrité, du 21 au 23 mai, la 7ème réunion du Comité d’appui technique (CAT), du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. Les assises se sont tenues à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, en présence de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations unies pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson, de l’Envoyé spécial de l’Union africaine (UA) pour la région des Grands Lacs, Boubacar Diarra, des Hauts représentants des chefs d’Etat au Mécanisme régional de suivi, ainsi que du ministre congolais de l’Intérieur, Richard Muyej Mangez. Au nombre des recommandations formulées à l’issue des travaux de Goma, il y a le renforcement du mécanisme de vérification des frontières, le renforcement de la coopération bilatérale et multilatérale, la mise en œuvre des projets rapides d’intégration économique en faveur des populations de la région des Grands Lacs.

A ce sujet, l’Envoyé spécial de l’UA et co-président du Comité d’appui technique de suivi de l’accord d’Addis-Abeba a indiqué que le Comité de suivi, en accord avec la Banque mondiale, a établi un tableau d’actions pour favoriser la croissance économique dans la région. Le plan d’action pour la mise en œuvre des engagements régionaux pris au titre de l’Accord-cadre a prévu 79 activités dont 28 concernent l’engagement 4 de l’Accord, qui recommande de « renforcer la coopération régionale, y compris l’approfondissement de l’intégration économique, avec un accent particulier sur l’exploitation des ressources naturelles ». Et, sur les 79 activités, 15 ont été définies comme activités prioritaires par le Comité d’appui technique.

La conférence sur l’investissement privé

Parmi les activités prioritaires définies par le Comité d’appui technique, se trouve la conférence sur l’investissement du secteur privé dans la région des Grands Lacs. Cette conférence est une recommandation formulée par les chefs d’Etat de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) lors de la troisième réunion du mécanisme régional de suivi et du cinquième sommet ordinaire de la CIRGL. Selon le CAT, le bureau de l’Envoyée spéciale du secrétaire général des Nations unies pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson et le secrétariat de la CIRGL, ont déjà pris des dispositions pour organiser conjointement cette conférence sur l’investissement privé. « Des consultations sont en cours avec le gouvernement de l’Angola, qui assure la présidence en exercice de la CIRGL, pour l’organisation, à Luanda, d’un forum consultatif régional au niveau ministériel entre pays signataires de l’Accord-cadre, avant la conférence elle-même », selon le CAT. Le forum va réunir les ministres chargés des Finances, de l’Economie, du Commerce et de l’Intégration régionale, des Infrastructures ainsi que des représentants des agences nationales d’investissement, du secteur privé et des institutions de développement et de financement. La conférence sur l’investissement privé dans la région des Grands Lacs vise, entre autres objectifs, à élaborer une vision partagée entre les décideurs et les acteurs privés sur la manière dont le secteur privé peut apporter sa contribution dans la résolution des problèmes pressants de la région. Les participants à la conférence devront aussi examiner et approuver le projet de Document sur les opportunités d’investissement (DOI). Et en prélude à cette conférence, le CAT indique que le bureau de l’Envoyée spéciale Mary Robinson et le Pacte mondial (UN Global Compact) organisent conjointement une table ronde de haut niveau sur les « investissements responsables » le 11 juin, à Addis-Abeba, en Ethiopie, lors de la réunion annuelle du Pacte mondial.

Relance de la CEPGL

La 7ème réunion du Comité d’appui technique du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba a aussi mis un accent sur la relance de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL). Le CAT a noté une lenteur dans le processus politique pour une intégration effective de la région. Malgré les efforts des donateurs dont l’Union européenne, la RDC, le Burundi et le Rwanda doivent œuvrer ensemble pour le renforcement de la CEPGL. Et c’est la tenue d’un sommet CEPGL qui pourra revitaliser la communauté et ainsi donner un coup de pouce à l’intégration régionale. Au cours d’une réunion ministérielle tenue en février à Bujumbura, les ministres se sont engagés à encourager les chefs d’Etat à convoquer un sommet avant la fin cette année.

Le mécanisme de vérification des frontières affaibli faute de financement

L’activité prioritaire sur les 15 fixées par le CAT concerne « le renforcement des capacités du Mécanisme conjoint de vérification élargi (MCVE) et du Centre conjoint de fusion des renseignements (CCFR) afin de permettre à ces deux organes de s’acquitter efficacement de leurs mandats respectifs. Cette activité fait partie de l’engagement 1 au niveau régional, qui recommande de « ne pas s’immiscer dans les affaires internes des pays voisins ». Mais, sur le terrain, le Mécanisme est plombé. Le Haut représentant du Président de la République démocratique du Congo au Mécanisme régional de suivi, le Lieutenant-Général Denis Kalume Numbi, a fait le déplacement du Bureau du CCFR pour se rendre compte des réalités. Peu de progrès ont été enregistrés dans le cadre du renforcement du Mécanisme conjoint de vérification élargi. A la base de cette léthargie, l’absence de financement et du personnel, indique le CAT. Le MCVE n’aurait pas encore obtenu de financement pour son budget 2014, dont le montant s’élèverait à près de 2,6 millions de dollars. Conséquence, « les missions de vérification ont été réduites au minimum, ce qui empêche le MCVE de s’acquitter de son mandat de manière adéquate », précise le CAT. La CIRGL, sur demande des Etats membres, a promis de donner une liste détaillée, rubrique par rubrique, des besoins financiers du MCVE. Question de permettre aux membres du CAT de demander à leurs chefs d’Etat respectifs de faciliter le décaissement des contributions de leur pays. La CIRGL espère ainsi que « le respect de cet engagement faciliterait énormément la capacité opérationnelle du MCVE ».

L’espoir reste permis

Malgré ces problèmes rencontrés dans la mise en œuvre de l’Accord-cadre, les participants à la 7ème réunion du CAT ont plaidé pour la poursuite des efforts de pacification et d’intégration économique dans la région des Grands Lacs. L’Envoyée spéciale du secrétaire général des Nations unies pour les Grands Lacs a déclaré : « Je continue à louer les efforts de paix, de développement économique par les gouvernements des pays de la région car la paix est une affaire de tous. Nous devons donc nous unir pour consolider cette paix qui est acquise suite à l’esprit de collaboration ». Pour Mary Robinson, « après six réunions à Nairobi, c’est pour la première fois qu’elle se tient à Goma et, dans cet environnement, il est mieux de dire qu’il y a eu progrès ». Il y a des progrès, a-t-elle reconnu parce que « le M23 a été vaincu, les réunions sur le comité de vérification conjointe sont là et il faut continuer avec la démobilisation. Il est mieux que les rebelles du M23 retournent au pays, et tous ne sont pas amnistiables ». Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC, Martin Kobler, a appelé, pour sa part, tous les acteurs à travailler pour briser le cycle de violences au Nord-Kivu, en choisissant la paix dans la région des Grands Lacs. Il a exhorté les organisations régionales et internationales à apporter un appui pour le retour effectif des déplacés et des réfugiés dans leurs milieux d’origine. Du côté de la RDC, le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, a déclaré que Kinshasa prendra en compte toutes les recommandations issues de ces assises. Des recommandations « qui vont concourir à la paix durable et au développement de la province du Nord-Kivu », a-t-il affirmé, avant de saluer l’engagement de l’Envoyée spéciale des Nations unies pour les Grands Lacs et de toutes les organisations régionales pour le retour de la paix au Nord-Kivu. Le Haut représentant du Chef de l’Etat congolais au Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre, le Lieutenant-Général Denis Kalume Numbi, a exprimé sa satisfaction à l’issue des travaux de Goma. Car si les six premières réunions ont eu lieu à Naïrobi, la septième s’est tenue à Goma à la demande du Président de la République, Joseph Kabila. Pour Denis Kalume Numbi, ces assises ont permis aux Hauts représentants des chefs d’Etat de palper du doigt les réalités sur le terrain. Les membres du CAT, conduits par l’ambassadeur Boubacar Diarra, Envoyé spécial de l’Union africaine pour la région des Grands Lacs, et le Coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, François Muamba, ont visité les environs de Goma pour s’enquérir de la situation sécuritaire et humanitaire de la région. Ils se sont rendus dans certains camps de déplacés ainsi que les camps DDRR (Démobilisation, désarmement, réinstallation et réinsertion d’ex-combattants) aux alentours de Goma. Ils ont aussi pris langue avec des acteurs impliqués dans le processus de stabilisation dans l’Est de la RDC, notamment la Monusco, des partenaires internationaux, des membres du gouvernement provincial et de la société civile. Pour le Haut Représentant du Chef de l’Etat, « cette visite et ces contacts directs avec les acteurs leur ont permis de se faire une idée, une vision différente contraire à la désinformation et à l’intoxication. Ils vont apprécier l’application de l’Accord-cadre en tenant compte de cette réalité du terrain ». La 7ème réunion du CAT était la première organisée à Goma depuis la signature de l’Accord-cadre, le 24 février 2013, dans la capitale éthiopienne. La réunion a examiné notamment les progrès accomplis dans la mise en œuvre de cet accord signé par onze pays africains pour restaurer la paix dans l’Est de la RDC. Il s’agit principalement de l’évaluation de sept engagements pris au niveau régional. Ces engagements sont notamment : ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des Etats voisins ; ne pas tolérer ni fournir une assistance ou un soutien quelconque à des groupes armés ; respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des Etats voisins ; renforcer la coopération régionale y compris à travers l’approfondissement de l’intégration économique avec une attention particulière à la question de l’exploitation des ressources naturelles ; respecter les préoccupations et intérêts légitimes des Etats voisin, en particulier au sujet des questions de sécurité ; ne pas héberger ni fournir une protection de quelque nature que ce soit aux personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de génocide ou de crimes d’agression, ou aux personnes sous le régime des sanctions des Nations unies ; et faciliter l’administration de la justice, grâce à la coopération judiciaire dans la région.