Ces patrons qui fleurissent Goma et ses environs

Le chef-lieu du Nord-Kivu symbolise aujourd’hui la réussite personnelle et l’émergence d’une classe moyenne congolaise. La ville respire un air de modernité depuis une quinzaine d’années et vit à sa manière la libéralisation du secteur de l’électricité.

Malgré une conjoncture économique défavorable en République démocratique du Congo, particulièrement en 2017, provoquée notamment par la baisse des cours des matières premières, la ville de Goma maintient son rythme de croissance et ses performances. C’est sans doute pour cela que les Rédactions de l’hebdomadaire Business et Finances décernent la palme de « Meilleurs Entrepreneurs de l’année 2017 » à ces hommes qui transforment la ville de Goma et, par-delà, la partie est du pays. Comme l’ont constaté les Rédactions de Business et Finances, l’année dernière, les opérateurs économiques ont vu leur marge de manœuvre très sensiblement réduite. L’innovation a été quasiment absente dans presque tous les secteurs. Alors qu’ailleurs les exécutifs provinciaux sont à court d’idées pour donner une consistance au développement économique et social dans leurs provinces, au Nord-Kivu, les autorités politico-administratives ont trouvé la parade. Elles ont institué, presque, une entente cordiale avec le secteur privé.

Le résultat est là : si elle ne ressemble pas à un Émirat, en tout cas, la ville de Goma en a tout l’air depuis un certain temps. C’est donc juste récompense pour couronner les efforts des hommes d’affaires de ce coin du pays. En jetant son dévolu sur ces artisans de la modernisation de la ville de Goma, grandement affectée par l’éruption volcanique de Nyrangongo en janvier 2002, Business et Finances veut, en quelque sorte, leur rendre hommage pour le travail qu’ils abattent dans un environnement politique et économique difficile et instable. Et, de surcroît, hostile au climat des affaires. Voilà une initiative dont on devra s’inspirer ailleurs, dans les autres provinces, si l’on veut gagner le pari de la décentralisation et du développement économique.

Goma voit grand 

De fait, le Nord-Kivu, cet « Émirat » riche en réserves agricoles, minières, pétrolières et gazières, entend désormais faire rimer performance économique et développement sociale.

« Et tout se fait très vite », commente un professeur visiteur dans les universités de la province : « On veut tout, tout de suite, c’est la logique locale, et l’argent est disponible. » « C’est un pays bluffant, renchérit un humanitaire onusien. Tout s’est construit en deux décennies à peine et les Gomatraciens ont conscience que leur ville et leur province ne se développeront que par eux-mêmes. Une conviction qui confère la pérennité à ce qu’ils fondent par ailleurs. » Tout se passe dans la discrétion mais surtout dans la transparence. Il semble que cela est une vertu culturelle dans cet « Émirat ».

Mais jusqu’à quand va-t-on se refuser à promouvoir l’image d’une ville, d’une province où tout est en train de bouger malgré la guerre ? Mondialisation oblige, les « princes » de cet « Émirat », surtout la nouvelle génération, cherchent, eux, à s’ouvrir au pays et au monde, diversifier leurs affaires, sortir de leur carcan culturel pour voir ailleurs, notamment à Kinshasa, la capitale du pays.

La preuve : des hommes d’affaires Nande et autres rachètent villas, construisent immeubles, ouvrent magasins… Les Kinois, d’habitude férus des douceurs du farniente, sont éberlués.

Une telle effervescence transforme peu à peu la ville de Goma en un « petit paradis ». À l’instar de Dubaï. Ici, les critères changent, et de véritables lobbies se créent. Si cet engouement pour la modernité provoque quelque réserve, il ne trouve pas d’oppositions réelles. Qui peut reprocher à une province, à une ville de caresser l’ambition de devenir la plaque tournante de l’économie et de l’entreprenariat ? Le partenariat entre autorité provinciale et secteur privé au sujet des routes et de l’électricité ne fait pas encore polémique.  D’autant plus que le partenariat en question vise le bien-être de la population. Bref, ceux que l’on accusait naguère de « repli identitaire et de refus de l’autre » s’impliquent désormais dans « un discours culturel international » selon l’expression du professeur Jean-Marie Kidinda.