L’Agence pour le développement et la promotion du projet Grand Inga (ADPI) a fait savoir la semaine dernière dans un communiqué que les sociétés Three Gorges et ACS en lice pour le contrat de construction du méga-barrage hydroélectrique d’Inga III ont été invitées à se regrouper pour soumettre une offre optimisée. Cette décision retarde ce projet pharaonique, en gestation depuis une trentaine d’années, alors que le gouvernement avait annoncé précédemment son intention de désigner le concessionnaire avant la fin de 2016 pour lancer les travaux en 2017. Les deux consortiums concernés sont la ProInga menée par ACS Servicios, Communicaciones y Energia et Cobra Installaciones y Servicios, d’une part, et la Chine d’Inga conduite par la China Three Gorges Corporation. Three Gorges Corporation est gestionnaire du gigantesque barrage des Trois-Gorges en Chine, tandis qu’ACS fait partie du groupe de BTP espagnol qui porte le même nom.
C’est en considération de leurs dossiers de réponse, des enjeux du projet et des développements pertinents du marché et de la demande qu’elles ont été invitées à prendre toutes dispositions utiles afin de constituer un groupement unique. L’ADPI est un organisme rattaché au cabinet du président de la République, Joseph Kabila Kabange, Elle n’avance aucune date quant à la livraison des premiers MW que pourrait produire Inga III. En septembre 2016, le chargé de mission de l’ADPI, Bruno Kapandji Kalala, aavancé l’échéance de 2021. Inga III doit venir compléter les deux centrales vieillissantes entrées en service entre 1972 et 1982 aux chutes d’Inga sur le fleuve Congo, à 260 km en aval de Kinshasa.
Le futur barrage doit produire 4 800 MW dans un pays où moins de 10 % des habitants ont accès à l’électricité. L’Afrique du Sud a en effet signé une option préférentielle pour récupérer 2 500 MW et la majeure partie du reste de la production est censée aller vers les groupes miniers du Katanga, gênés dans leur activité par une pénurie chronique d’énergie. À la mi-2016, la Banque mondiale a brutalement suspendu sa participation au projet (sous forme d’un don de plusieurs dizaines de millions de dollars), reprochant aux autorités d’avoir donné « au projet une orientation stratégique différente » de ce qui avait été convenu initialement. Inga III aura une capacité électrique d’environ 4 800 MW. Sa production est destinée en grande partie à l’exportation vers l’Afrique du Sud (2 500 MW), à l’alimentation des populations de la région (1 000 MW) et à l’approvisionnement de l’industrie minière du pays (1 000 MW). L’Etat congolais espère qu’il contribuera significativement à la réduction du coût de l’énergie dans la région. Sa construction coûtera environ 12 milliards de dollars.
La construction de cette centrale entre dans le cadre du Projet Grand Inga qui ambitionne d’installer des centrales hydroélectriques d’une capacité totale de 42 000 MW sur le fleuve Congo. Les centrales Inga I (360 MW) et Inga II (1 400 MW) ont déjà été construites dans ce cadre. Et le rôle de la SNEL dans ce projet est de plus en plus comparable à celui d’un spectateur. Sûr, sûr, le début des travaux de la construction de la centrale d’Inga III, basse chute, annoncé pour octobre 2017, devrait être renvoyé à plus tard. Fort probable, les partenaires sud-africains ne devraient guère apprécié. Après moult reports, le chargé de mission de l’ADPI, Bruno Kapandji Kalala, avait annoncé en septembre 2016 que les premiers mégawatts de cette centrale – dont la capacité installée est de 4 8000 MW – devraient être disponibles en 2021. L’Afrique du Sud a, en effet, signé en 2011, un traité énergétique avec la RDC, à travers lequel 2 500 MW sur les 4 800 d’Inga III Basse Chute devraient lui être vendus en priorité.
Doute et désistement
Et le reste sera orienté vers le copper belt katangais où les minings ne tournent plus à plein régime, conséquence de la pénurie chronique d’énergie. La crédibilité du projet s’est déjà érodée, à la mi-2016 quand la Banque mondiale a à brûle-pourpoint suspendu sa participation au projet, après y avoir injecté plus de 73 millions de dollars. La Banque mondiale a, en effet, reproché aux autorités congolaises d’avoir donné au projet une orientation stratégique différente que celle qui a été convenu initialement.
L’ADPI est encore rattaché au cabinet du chef de l’État. Mais, au nom de la résilience du continent, la Banque africaine de développement (BAD) continue à financer le projet … mais jusqu’à quand ? Pour 2017, elle va encore décaisser près de 250 millions de dollars pour le Projet d’appui au développement du site d’Inga et de l’accès à l’électricité. La BAD a déjà engagé près de 90 millions de dollars en 2016 sur le même projet. Sans que ces financements ne puissent entraîner ni d’avancée dans le projet Inga III, ni d’amélioration de la desserte en électricité en RDC. Pourtant, les centrales Inga I et Inga II ont déjà fait l’objet de quelques projets, à savoir EDIRA, PMEDE et SAPMP d’une valeur de plus de 1,2 milliards de dollars de la BM.
Hélas, la prestation de la SNEL demeure de piètre qualité, si bien que des voix s’élèvent pour la mise en application de la loi portant principes généraux sur l’électricité qui ouvre, en effet, le secteur à la libéralisation. Des experts s’étonnent par ailleurs que le gouvernement ait prévu d’investir en ressources propres 3 550 312 719 FC, après avoir injecté en 2016 quelque 15 626 434 500 FC pour le renforcement des capacités d’Inga I et II. Ces deux ouvrages ont fait également l’objet de quelques contrats de partage de production, entre la SNEL et les sociétés minières dont KCC, filiale de Glencore.
ANSER… la SNEL rurale
Le projet de recours à l’énergie thermique, cher au directeur général de la SNEL, Eric Mbala, ne figure nulle part dans le budget 2017. Le gouvernement compte plutôt poursuivre les travaux des centrales de Kakobola et Katende avec une enveloppe de 5 800 000 000 FC, soit environ 4 millions de dollars. Autre projet du gouvernement sur ressources propres (3 550 312 719 FC) pour le lancement de l’électricité de la ville de Mbandaka et la poursuite de la mise en œuvre du projet ANSER (Agence nationale de service d’électrification rurale). Des crédits de 200 millions de FC sont également prévus par le ministère en charge de l’énergie pour la même ANSER. En 2016, 1.4 milliard de FC ont été décaissés par l’État pour ANSER sous la rubrique « interventions économiques, sociales, culturelles et scientifiques ». Mais sur terrain, ANSER peine encore à imprimer ses marques.
Le gouvernement prévoit aussi un montant de 300 000 000 FC de la contrepartie des projets pour financer le programme de partenariat public-privé, avec subvention d’investissement du secrétariat général. Ce programme a été jugé superflu par des experts de la société civile dans la mesure où le ministère qui est appelé à gérer des projets en PPP n’a jamais avancé ses motivations pour développer un tel programme. Décidément, ça fait trop désordre. Alors que la RDC s’est engagée avec l’appui des partenaires extérieurs dans l’ambitieux projet S4 ALL (Énergie pour tous à l’horizon 2030). Dans 13 ans donc, quand le pays comptera, selon le PNUD, environ 143 millions d’habitants, dont plus de 50 % vivraient en milieu urbain. Cette croissance démographique et surtout le changement de la répartition de la population entre rural et urbain auront une très forte incidence sur le volume des besoins énergétiques et sur la structuration de la consommation d’énergie.
L’accès universel à l’électricité à l’horizon 2030 (objectif du SE4ALL) suppose que la RDC doit atteindre, au niveau national, un taux d’accès à l’électricité devant passer de 1 % en 2011 (quand le projet a été lancé) à 100 % en 2030 en zone rurale, et de 9 % à 100 % en milieu urbain. Ces projections sont, en effet, contenues dans le rapport « Énergie pour tous » réalisé par le ministère de l’Énergie avec le partenariat du PNUD. Et pour atteindre cet objectif d’électrification universelle à l’horizon 2030, la consommation finale d’électricité serait alors de l’ordre de 149 528 Gwh en 2030 (ou 12 858 Ktep), soit une multiplication par 23,8 du niveau de consommation finale totale d’électricité actuelle, ou par 11,25 fois la consommation finale moyenne d’électricité par tête d’habitant qui passerait ainsi de 0,008 tep/habitant (soit 1 394 kWh/an/hbt) en 2011 à 0,09 tep/habitant (soit 15 685 kWh/an/hbt) en 2030. Ce gap est très important et surtout très supérieur à toutes les prévisions actuelles de croissance du secteur électrique de la RDC à l’horizon 2030, car il s’agira de rendre accessible l’électricité à toute la population du pays (Objectif de l’accès universel à l’électricité).