Cobalt : les enjeux économiques

La recherche pour l’amélioration des performances des batteries des véhicules électriques a mis le cobalt au cœur des enjeux économiques et scientifiques. Pour le moment, le cobalt donne aux batteries une densité électrique et une durée qui font espérer la croissance de l’industrie de l’automobile électrique. Mais pour combien de temps ?

DU POINT DE VUE prospectif, c’est maintenant qu’il faut se préparer pour l’avenir. La recherche ne se satisfait pas des trouvailles actuelles. Et pour ne pas dépendre trop du cobalt, les recherches sont menées dans des laboratoires pour découvrir des produits plus performants qui remplaceraient le cobalt, ou du moins qui en diminueraient l’usage. 

Face à cette course effrénée pour la découverte des éléments alternatifs, pour combien de temps le cobalt restera un minerai stratégique ? D’ores et déjà, les spécialistes notent que la capacité de production de batteries des véhicules électriques pour lesquelles le cobalt est recherché, est fonction du taux de pénétration du véhicule électrique. En d’autres termes, elle sera tributaire de l’acceptation des usagers à délaisser les véhicules à moteur thermique pour les véhicules à moteur électrique. 

Or, font remarquer des experts, cette acceptation dépend de l’autonomie que vont procurer les batteries (distance à parcourir avant la recharge). C’est ainsi que les laboratoires poursuivront toujours les recherches pour améliorer la technologie actuelle des batteries. D’ailleurs, soulignent-ils, le cobalt n’intervient dans la fabrication des batteries qu’à hauteur de 6 à 12 %, ce qui est minime à l’échelle d’une batterie. Mais lorsqu’on se projette à l’horizon 2050 où l’on estime la production de véhicules électriques par millions, l’avenir du cobalt est prometteur, car la pénurie ou la rareté fait flamber les prix. Mais si, à contrario, un élément alternatif au cobalt venait à être trouvé, c’est sûr on assistera à un effondrement aussi spectaculaire que la flambée actuelle.   

La météo des marchés

Vu sous l’angle économique, on est à se demander si la RDC profite réellement de l’exploitation minière et quelle est politique d’exploitation minière qui soit rentable. Le prix du cobalt affiché sur le marché international est celui du métal à 99, 99 %. Depuis le boom minier des années 2000, le constat est que le pays ne dispose d’aucune usine de traitement pour produire le cobalt métal (cathode ou granulé de cobalt). La RDC se contente des exportations des concentrés, sinon des du minerai brut grossièrement traité.

Les taxes prélevées le sont sur la base des revenus des entreprises provenant de la vente des concentrés. Or, les concentrés sont vendus entre 43 et 45 % du prix du métal sur le marché. Donc, si le LME (London Metal Exchange) du cobalt est à 84 000 dollars la tonne, la RDC doit calculer ses taxes à hauteur de 36 000 dollars la tonne.

Dans certains milieux de la société civile au Katanga, on fait fort dans la revendication. « Il faut promouvoir la construction des usines de raffinage du cobalt ou tout autre minerai qu’on veut exploiter », c’est le sentiment ambiant. En tout cas, ici, on ne veut pas connaître le sort de la Côte d’Ivoire, qui n’a vu sa première usine de fabrication des chocolats qu’en 2015 alors qu’elle est le premier producteur mondial de cacao. 

Aussi, puisque le minerai de cobalt se trouve en petite quantité dans les grands gisements de cuivre ou du nickel, il faudra espérer que les prix du cuivre et du nickel ne découragent pas les investisseurs à développer l’exploitation de ces minerais dont dépend le cobalt.

Exploitation artisanale

Alors qu’il ne contribue pas au développement du pays, selon certains experts, l’exploitation artisanale du cobalt est indexée par la communauté internationale comme provenant de l’exploitation des femmes et des enfants. Les conditions pénibles et inhumaines dans lesquelles se déroule cette exploitation artisanale, parfois avec la complicité des autorités politiques et militaires, appellent au réveil de la conscience collective.

Le professeur Bruno Kadiat Mangand constate que face à la demande de plus en plus forte de ressources minérales, due à la montée en puissance des pays émergents, la RDC qui concentre l’essentiel des réserves mondiales de cobalt et autres produits stratégiques, a pris des allures d’eldorado pour les grandes compagnies minières d’Europe, d’Amérique du Nord, et bien sûr pour la Chine. 

Comme la plupart de ses collègues, il se demande si l’État en profite réellement, si le gouvernement est en mesure de capter une partie des revenus miniers et de les mettre au service d’un développement économique, social et environnemental du pays. Ou au contraire, cet appétit pour el sous-sol congolais va tourner au pillage du pays. Pour Bruno Kadiat, le secteur minier constitue un secteur d’activité hautement stratégique pour l’économie nationale, et s’inscrit au cœur des politiques nationales de développement socioéconomique. Par-delà les risques, explique-t-il, l’activité minière doit servir de levier de développement économique et social de la RDC. Elle doit permettre de diversifier et renforcer l’assise économique du pays, tout en facilitant un meilleur partage de la croissance et un désenclavement de certaines régions rurales…