DÉSIRÉ Balazire Bantu est un homme de parole. En janvier dernier, lors de la cérémonie d’échange de vœux entre le management et le personnel de la compagnie aérienne nationale, le directeur général de Congo Airways déclarait que l’année 2019 aura été une année difficile mais Congo Airways envisageait l’avenir avec optimisme.
À l’attention des membres du conseil d’administration, des cadres de la société et des agents, Désiré Balazire Bantu prévenait que l’année 2020 n’allait pas être de tout repos. Et c’est comme si il voyait déjà venir la pandémie de Covid-19. En effet, depuis 2018, Congo Airways fait face à une concurrence déloyale et a perdu près de 65 000 passagers par rapport à 2017. Le bilan 2019 n’est pas reluisant pour la compagnie. Les avions de la flotte Q400 n’ont pas été tous disponibles du fait de la lourde maintenance dont le check-c. Cela a laissé des traces sur la productivité et les recettes de la compagnie.
Par ailleurs, les coûts des services ont été très élevés, notamment le carburant, la maintenance et les services extérieurs. Néanmoins, la compagnie aérienne nationale a su garder la tête hors de l’eau. Des lignes ou escales ont été ouvertes : Kinshasa-Kolwezi via Mbuyi-Mayi, Goma-Lubumbashi-Kalemie via Kinshasa…
Avec son Plan d’expansion, Congo Airways ambitionne de prendre une nouvelle dimension. Cette année, il était prévu que l’aéronef E175 fasse son entrée dans la flotte de Congo Airways, 9 nouvelles escales soient ouvertes, et les services cargo, handling et maintenance soient opérationnels. Bref, Congo Airways veut élargir son réseau et étoffer sa flotte.
Un choix d’évidence
Le nouvel accord conclu avec l’avionneur Embraer pour l’acquisition de deux E190-E2 full options à 256 millions de dollars (prix du catalogue) sera inclus dans le carnet de commandes d’Embraer pour le deuxième trimestre de 2020. « Ces nouveaux appareils remplaceront nos anciens turbopropulseurs et nous permettront d’étendre nos opérations au sein de la République démocratique du Congo et également dans la région vers l’Ouest, le Sud et le Centre de l’Afrique », a déclaré Désiré Balazire Bantu.
Et d’ajouter : « Malgré les circonstances actuelles difficiles, les fondamentaux de notre marché n’ont pas changé. Nous prévoyons donc que l’élan de croissance que nous avons constaté dans le passé redémarre. J’ai dit en décembre que nous aurions peut-être besoin de passer une commande supplémentaire pour des E2 du fait de l’agilité requise pour s’adapter aux changements du marché, nous en sommes actuellement à ce stade. Alors que nous nous préparons pour des succès à venir, nous aurons l’appareil le plus efficace, de la bonne taille et flexible pour servir nos clients lorsque le marché sera de retour. »
Quant à Raul Villaron, vice-président d’Embraer Commercial Aviation en charge des ventes pour l’Afrique et le Moyen Orient, « c’est un plaisir de souhaiter la bienvenue à une autre compagnie aérienne à la famille Embraer et des opérateurs E2, spécialement en Afrique où le trafic régional était en forte croissance avant la crise actuelle ».
D’après lui, l’Afrique a longtemps été un marché avec peu de fréquences et de routes longues à demande modérée : « Alors que les compagnies aériennes montent à nouveau en puissance, la famille E2 apparaît comme le choix évident. En effet, sa taille est mieux adaptée aux routes précédemment exploitées par des monocouloirs plus grands, en permettant à la fois de conserver les fréquences et d’ajuster la capacité à la nouvelle demande. » L’avionneur Embraer promet d’« apporter son soutien à Congo Airways qui améliore l’offre destinée à ses clients ». C’est ainsi que les deux appareils seront configurés en double classe avec une capacité totale de 96 sièges dont 12 sièges décalés en classe d’affaires. Le début des livraisons est prévu pour le deuxième trimestre 2022. Cette commande d’appareils de type E2 est la deuxième reçue d’un client africain. Actuellement, 189 avions Embraer sont en service en Afrique chez 54 compagnies aériennes dans 27 pays.
Embraer est l’avionneur leader mondial dans la construction d’avions commerciaux jusqu’à 150 passagers et compte plus de 100 clients dans le monde. Pour le seul programme EJets, Embraer a reçu plus de 1 800 commandes et 1 500 appareils ont été livrés. Aujourd’hui, 80 clients dans 50 pays comptent des EJets parmi leur flotte. Cette famille d’avions très versatile, d’une capacité comprise entre 70 et 150 sièges, en service au sein de compagnies low-cost mais aussi régionales et à réseau global.
Embraer, leader aérospatial global dont le siège se trouve au Brésil, célèbre son cinquantième anniversaire avec une présence reconnue en aviation commerciale et d’affaires, en défense et sécurité mais aussi en aviation agricole. La société conçoit, développe, produit et commercialise des avions et systèmes tout en fournissant des services et support à ses clients. Depuis sa création en 1969, Embraer a livré plus de 8 000 appareils. En moyenne, toutes les 10 secondes, un appareil produit par Embraer décolle quelque part autour du globe et transporte ainsi plus de 145 millions de passagers tous les ans.
Le constructeur brésilien est devenu le principal exportateur de produits à forte valeur ajoutée du Brésil. Les différents sites industriels, bureaux, centre de service et distribution de pièces d’Embraer, se répartissent entre les Amériques, l’Afrique, l’Asie et l’Europe.
Améliorer les services
En janvier le directeur général de Congo Airways a lancé un appel à la conscience en rappelant aux chefs d’escale « l’obligation d’améliorer les services pour mieux satisfaire la clientèle » et aux responsables de la société à divers services de « s’impliquer dans cette vision ». D’après lui, il est temps que les consciences se réveillent : « Les privés ne sont pas plus professionnels que nous, mais ils profitent de nos faiblesses et de l’ignorance de certains passagers pour les dérouter. Congo Airways opère dans les normes internationales, c’est un atout majeur à faire connaître aux compatriotes. »
Dans sa feuille de route opérationnelle pour 2020, Congo Airways prévoit de relancer à partir de juillet prochain (mais cela sans compter avec la pandémie de Covid-19) ses vols à destination de Douala au Cameroun et Cotonou au Benin. Ces deux lignes ont été ouvertes le 4 décembre 2018 mais avaient été suspendues en 2019. Par ailleurs, Abidjan en Côte d’Ivoire, Libreville au Gabon, Bujumbura au Burundi et Bangui en République centrafricaine constituent les prochaines cibles de Congo Airways.
Et sur le réseau domestique, la compagnie aérienne nationale compte ouvrir trois nouvelles dessertes : Ngadolite, Lodja et Buta. Pour gagner ce challenge, Congo Airways a prévu d’acquérir deux avions Embraer E190 et un avion-cargo pour le fret.
Dans le cadre de la diversification des activités, le directeur général a en outre annoncé la finalisation des activités de handling et la mise en place d’un atelier de maintenance. Pour rappel, le transporteur aérien dispose actuellement d’une flotte de quatre avions (deux Airbus A320-200 et deux Dash 8).
Dans cet élan, Désiré Balazire Bantu se trouve dans le rôle de bâtisseur et investisseur. Dans une interview qu’il nous avait accordée le 2 février 2016, ce brillant technocrate nous rassurait de sa « foi en l’avenir de Congo Airways ». Le temps semble lui donner raison. Sans doute, aujourd’hui, son expérience dans la gestion financière, l’audit et la comptabilité, dans la gestion stratégique et stratégies d’entreprise, dans la gestion du portefeuille, etc., a pesé dans son plan de redressement de Congo Airways. Aujourd’hui, le directeur général a réussi à ramener un climat social apaisé dans l’entreprise.