Congo Maji, E4I, Pole Institute, la confusion est totale

Selon la Regideso, « l’apparition fortuite » d’Entreprise For Impact, alors tiers au contrat de collaboration entre parties, est une violation manifeste de l’article 20 dudit contrat signé le 31 août 2018.

LE 20 NOVEMBRE de l’année passée, la haute direction de la Regideso a écrit (lettre DG/SG/DJA/4484/2020) au représentant de Congo Maji à son siège de Goma. En concerne : Organisation de l’audit contractuel et financier du contrat de collaboration entre la Regideso S.A et Congo Maji Sarl. La Regideso regrette que les séances de travail avec sa délégation à Goma, début octobre 2020, n’aient abouti à rien à cause du « problème lié à la validation du mandat de représentation de Congo Maji » à cette rencontre.

En effet, les experts membre de la délégation de la Regideso et ceux de Congo Maji n’ont pas pu « valider les termes de référence ainsi que le planning pour la réalisation de l’audit » en question, « du fait que le représentant de Congo Maji n’avait pas produit un mandat valable pour l’engager alors qu’il s’agissait d’une étape cruciale nécessitant un engagement ferme de chaque partie en vue du lancement de cet audit ».

Lors de sa mission à Goma, la délégation de la Regideso était « surprise » de constater que Congo Maji était représentée aux discussions par son comptable sans document officiel qui lui conférait ce pouvoir. Plus grave encore, à la séance suivante, le même délégué a produit une lettre signée par Mark Dweyer de l’Entreprise For Impact (E4I) le désignant comme directeur financier et gérant intérimaire de Congo Maji. Papy Byamungu Saïdi, ancien directeur exécutif et gérant de la société à sa création, avait démissionné. Mais Congo Maji n’avait pas informé la Regideso de ce changement.

« L’apparition fortuite de l’Entreprise For Impact, considérée comme tiers au partenariat entre parties, constitue une violation manifeste aux dispositions de l’article 20, alinéa 2 du contrat de collaboration signé par les deux parties le 31 août 2018. En effet, conformément à la disposition précitée, le prestataire a l’obligation de demander l’accord de l’exploitant pour la nomination ou le remplacement du personnel clé. Tel n’a pas été le cas », a écrit la haute direction de la Regideso.

La Regideso attendait que Congo Maji lui communique au plus tard le 30 novembre 2020 le nom de la personne habilitée à la représenter et à l’engager valablement, ainsi qu’à lui transmettre les derniers statuts de la société Congo Maji Sarl. Cela, pour permettre les deux parties à reprendre les travaux d’harmonisation et de validation des termes de référence de l’audit dont le lancement devait intervenir en décembre dernier. Dépasser ce délai, « la Regideso tirerait les conséquences de droit qui s’imposent, car il ne sera pas question de tolérer un quelconque dysfonctionnement susceptible d’impacter négativement sa noble mission de donner de l’eau potable à la population de la ville de Goma », conclut la haute direction de la Regideso.

Ce n’est pas tout. Cette dernière a également écrit (lettre DG/SG/DJA/4491/2020) à la même date du 20 novembre au directeur du programme Imagine basé à Goma. En concerne : le partenariat entre la Regideso et Congo Maji. En clair, la Regideso se plaint du « dysfonctionnement constaté depuis un certain temps au niveau de la gouvernance » de ce partenariat. « Nous avons constaté une certaine confusion au niveau des acteurs chez notre partenaire. Ce désordre est entretenu principalement par un groupe d’expatriés dont le rôle n’a jamais été clarifié dès le départ. Cependant, ce sont eux qui, en réalité, exercent de l’emprise au sein de la société Congo Maji, ce avec la bénédiction de certains cadres du programme Imagine et de Mercy Corps. » Une véritable charge d’accusation en règle, c’est le moins que l’on puisse dire.

Et la haute direction de la Regideso de rappeler : « Au départ, Mercy Corps voulait s’occuper directement de la gestion de la composante Fourniture des services. Devant le refus de la Regideso de ne pas confier cette sous-traitance à une ONG, qui est en même temps l’agence d’exécution du programme, Mercy Corps avait présenté l’offre spontanée de Congo Maji Sarl comme une PME de droit congolais qui allait bien assurer les prestations de cette composante. »

Lynchage en direct

À Kinshasa et à Goma, on s’étonne qu’après avoir fermé les yeux sur ce qu’elle qualifie de « dysfonctionnement », en réalité, un hold-up financier sur fond de business humanitaire, pense-t-on, la Regideso retrouve la lucidité pour lyncher quasiment en direct ses partenaires dans le projet. « Aujourd’hui, nous réalisons que ce sont ces expatriés, cadre de cette ONG, qui ont fini par récupérer le contrôle de Congo Maji et sèment du désordre. En l’occurrence, la délégation de la Regideso, dépêchée au début du mois d’octobre à Goma a été surprise de constater que c’est l’Entreprise For Impact (E4I), constituée par des expatriés non connus par la Regideso, qui a désigné le représentant de Congo Maji aux réunions, ce qui ne l’a pas permis de prendre des engagements concernant l’harmonisation des termes de référence et le lancement de l’audit proprement dit », déroule la haute direction de la Regideso.

Et si cela ne suffisait pas : « Nous comprenons donc pourquoi Congo Maji est minée par des interférences de ces personnages dans l’ombre qui, au lieu de travailler dans le cadre de la coopération décentralisée, à travers leur ONG sans but lucratif, se livrent plutôt aux affaires pour gagner de l’argent. Ces mêmes agents seraient à la base des intoxications et des incompréhensions qui émaillent entre la Regideso, Mercy Corps et les provinces concernées dans le cadre du programme Imagine. »

La fin de la lettre adressée au responsable de ce programme de développement est aussi tonitruante que son début : « La Regideso attire votre attention sur la responsabilité qui vous incombe particulièrement dans la mise en œuvre et la réussite de la composante Fourniture des services dont l’objectif principal est d’appuyer notamment la Regideso dans l’amélioration de ses performances. En effet, ces désordres entretenus par ces structures opaques qui accompagnent le programme Imagine, ne sont pas de nature à aider les populations de l’Est du pays concernées par le projet. Nous attendons donc votre implication pour mettre fin à cette confusion entretenue à dessein. » 

Un flou artistique

Qui entretient justement la confusion depuis 2018, et bien avant même ? Le contrat de collaboration pour l’exploitation des bornes fontaines dans la ville de Goma devait être signé au plus tard le 30 juin 2018, afin de permettre le démarrage opérationnel en août de la même année. Voilà comment la société Congo Maji a-t-elle été créée le 23 janvier 2018 à Goma, bien avant même que Mercy Corps ne fasse son offre spontanée, le 7 avril 2018, et la signature de la lettre d’intention, le 14 mai 2018, en vue du contrat de collaboration avec la Regideso. 

Malgré les réticences de la Regideso (qui exigeait les preuves des infrastructures, de gestion transparente, mais surtout les preuves des fonds), c’est vrai au départ, et même celles de l’autorité provinciale, la lettre d’intention fut quand signée entre la Regideso et Mercy Corps. À Kinshasa et à Goma, on a laissé entendre que cela a été un passe-droit. Au siège central de la Regideso à Kinshasa, on rapporte que Jean-Pierre Engau, alors secrétaire général de la Regideso, et Mark James Dweyer, actionnaire majoritaire dans la société Congo Maji Sarl, détiennent les secrets de ce partenariat à rebondissements.