De l’électricité dans les concessions de Perenco

En voulant valoriser le gaz naturel qui s’échappe de son exploitation du pétrole, le pétrolier franco-britannique met en place l’une des applications africaines du protocole de Kyoto. Le gaz brulé par torchère pollue l’atmosphère et ne contribue donc pas à la lutte contre le changement climatique.

UTILISER le gaz naturel qui s’échappe de l’exploitation pétrolière à Muanda pour produire de l’électricité afin d’en accroître l’offre dans le pays, le projet de Perenco-Rep a séduit le Conseil des ministres. Le principe est relativement simple. Perenco-Rep a décidé de capter le gaz au lieu de le laisser s’échapper dans l’atmosphère et de l’utiliser pour produire de l’électricité. 

Perenco-Rep compte produire jusqu’à 350 MW dans ses centrales gazières, plus que le double de la puissance installée à la centrale hydroélectrique Zongo II dans le Kongo-Central. La première unité de traitement de gaz, prévue pour être opérationnelle en 2021, sera installée à Muanda dans la même province, où la compagnie exploite le pétrole congolais des zones terrestres. Elle coûtera 250 millions de dollars et il en sortira 200 MW d’électricité, ont fait savoir les dirigeants de la compagnie. De quoi éclairer des dizaines de milliers de foyers à Muanda, et vendre aux cimenteries qui naissent dans le Kongo-Centrale ainsi qu’aux compagnies minières du Katanga.

Perenco-Rep prévoit également une autre unité de traitement d’environ 150 MW pour un investissement de 180 millions de dollars. Le gaz à traiter proviendra de 4 zones d’exploitation pétrolière dont Perenco-Rep détient des permis, trois sur la base côtière et un sur l’espace maritime. Une ligne très haute tension sera construite (Muanda-Boma-Inga) pour relier les unités de traitement à la grande centrale hydroélectrique Inga. 

Équation à résoudre

Reste l’équation juridique et environnementale. Des divergences de fond et de forme se dressent devant le projet. Le Conseil des ministres avait chargé Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, de réunir autour de lui des juristes de son cabinet et de la présidence de la République pour les aplanir, et surtout approfondir le dossier. C’est ainsi que le chef de l’exécutif a présidé le jeudi 3 septembre au siège du gouvernement sur le boulevard du 30 Juin, Place Le Royal, une importante séance de travail de la commission ad hoc. 

Celle-ci est composée des ministères de Plan, Budget, Intérieur et Sécurité, Coopération internationale et Intégration régionale, Décentralisation, Ressources hydrauliques et Électricité, Hydrocarbures, Environnement, Justice, Recherche scientifique et technologique, Communication et Médias, Affaires sociales et Enseignement supérieur et universitaire, ainsi que des juristes venus de la présidence de la République et du cabinet du 1ER Ministre. 

À l’issue de cette réunion, la commission ad hoc a ficelé un rapport qui a été présenté le vendredi 4 septembre au Conseil des ministres. Il en résulte que la commission ad hoc a émis un avis favorable au projet de Perenco-Rep de produire et commercialiser l’électricité obtenue par la transformation du gaz naturel. Cependant, la réalisation dudit projet devra se faire dans le strict respect de la loi n°14/011 du 17 juin 2014 relative à la libéralisation du secteur de l’électricité en République démocratique du Congo et de ses mesures d’application, sous l’autorité du ministre des Ressources hydrauliques et de l’Électricité, et  sous le contrôle de l’Autorité de régularisation de l’électricité. 

Par ailleurs, l’approbation du projet d’ordonnance du 9è avenant à la convention du 11 août 1969 relative à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures dans la zone terrestre de la RDC requiert la clarification des dispositions relatives à la production et la commercialisation de l’électricité, conformément à la loi n°14/011 du 17 juin 2014.  Pour rappel, Perenco-Rep avait obtenu, le 25 octobre 2017, le 8è avenant à la convention de 1969. Grosso modo, avec cet addendum, la compagnie pétrolière s’engage à un nouvel investissement de 1,5 milliard de dollars. Perenco-Rep souhaite également renouveler ses droits sur les concessions 179, 180 et 191. Pour cela, il faut un arrêté ministériel. Selon les dirigeants de cette compagnie, le renouvellement du contrat sur la concession maritime permettra d’augmenter la production à 17 000 barils/jour. 

Le projet de produire de l’électricité paraît résilient parce que Perenco-Rep détiendrait des réserves estimées à 20 milliards de m3 en offshore et à 10 milliards en on shore. Depuis que cette compagnie est installée à Muanda pour la production du pétrole brut, le gaz est plutôt brûlé par torchère, polluant ainsi l’atmosphère et causant le réchauffement climatique. Selon des experts du ministère de l’Environnement et du Développement durable, Cleamag, un bureau d’études, avait été chargé par les entreprises pétrolières de mener une étude sur la pollution et la destruction des écosystèmes dans la ville de Muanda. 

Un rapport boute feu

Le rapport du Sénat de novembre 2013 avait suscité une vive polémique. Ce rapport accusait Perenco-Rep de polluer l’air, l’eau et le sol à Muanda. Le gouvernement en a eu aussi pour son grade. En effet, le rapport déplorait « l’irresponsabilité » gouvernementale face à la pollution dans cette contrée côtière, et recommandait à l’exécutif de « prendre ses responsabilités » et d’« obliger l’entreprise Perenco-Rep à répondre aux recommandations de la commission d’enquête ».

En tout cas, le ministère de l’Environnement et du Développement durable envisageait de se doter d’un plan Polmar. Celui-ci consiste à établir des cartes de sensibilité qui décrivent les endroits sensibles et stratégiques dans la lutte contre les pollutions pétrolières en milieu marin. Le plan Polmar fait obligation aux États côtiers de tenir à jour les cartes de sensibilité et de disposer d’un cadre de concertation permanente avec les sociétés pétrolières et les ports maritimes en vue de faire face à l’urgence en cas de déversement accidentel des hydrocarbures dans la mer ou l’océan. 

Le rapport sénatorial qui avait fait grand bruit à l’époque, faisait obligation à la compagnie pétrolière d’« investir dans le respect des normes environnementales » et de « décontaminer le sol et les eaux » dans Muanda, en assumant ses responsabilités pour le maintien de l’écosystème. Il avait notamment recommandé que les fonds issus de la lutte contre la pollution pétrolière, quelque 88 millions de dollars, soient transférés à la Banque centrale du Congo (BCC) pour une gestion efficiente de la dépollution de la cité, mais aussi des actions sociales en faveur des populations. 

Ce rapport, on s’en souvient, avait été rejeté par le Comité de concertation de Muanda bénéficiant d’une dotation mensuelle de 210 000 dollars au titre d’assistance sociale de Perenco-Rep, mais aussi de 600 000 dollars des autres pétroliers producteurs. Pour cette structure regroupant quelque 70 villages modernisés et électrifiés au gaz fourni par la compagnie pétrolière, sans la présence de Perenco-Rep, Muanda serait un grand village. 

Des études, comme celle du cabinet Ernst & Young, montrent que la gestion économique du gaz naturel représente une opportunité phénoménale pour l’Afrique. La valorisation du gaz en électricité peut devenir un moteur essentiel de croissance économique et de développement durable. C’est même un atout majeur pour la croissance de l’emploi local et le développement de l’infrastructure. 

En septembre 2014, le forum économique I-PAD a recommandé au gouvernement congolais de se pencher plus sérieusement sur les grandes perspectives du développement qu’offre l’industrie du gaz et du pétrole, aux côtés de l’industrie minière. À Muanda, Perenco-Rep utilise déjà le gaz pour faire tourner la centrale thermique de Kinkazi. 

Pour Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, la valorisation du gaz congolais est essentielle pour le développement du pays. Le secteur gazier de la RDC est un des plus faibles au monde de par son impact local et le partage des revenus qu’il génère. 

Pour nombre de spécialistes, il semble plutôt étrange que la RDC n’ait jamais vraiment développé d’industrie gazière ou ne semble même jamais intéressée à en développer une, malgré ses réserves éventuelles.