Utiliser les ordures ménagères pour produire de l’électricité et des engrais organiques, l’idée a séduit plusieurs pays africains depuis quelques années. Certains pays africains ont tenté l’expérience, et cela leur a réussi. C’est le cas notamment de la Côte d’Ivoire à travers la Société ivoirienne de traitement des déchets (SITRADE), qui gère des décharges d’ordures ménagères autour d’Abidjan. Le principe est relativement simple. En se décomposant, les déchets produisent du méthane, un gaz à effet de serre très nocif. Après le CO2 et le fréon, le méthane est la troisième cause du réchauffement climatique de la planète. En Côte d’Ivoire, SITRADE a décidé de le capter au lieu de le laisser s’échapper dans l’atmosphère et de l’utiliser pour produire de l’électricité. Les déchets décomposés sont ensuite convertis en engrains organiques, du compost pour l’agriculture.
La première unité de traitement a été installée à Adjamé-Bingerville, dans la banlieue d’Abidjan, la capitale ivoirienne, où se trouve l’une des décharges de la
SITRADE. Elle coûté environ 9 millions de dollars et sa capacité de traitement est de 200 000 tonnes de déchets par an. Il en sort 34 GWh d’électricité, de quoi éclairer plus de 30 000 foyers, vendus à la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE), qui les redistribue sur son réseau. L’unité a également la capacité de produire 30 000 tonnes de compost par an. Trois autres décharges de la SITRADE de la banlieue d’Abidjan (Yopougon, Abobo et Koumassi) étaient aussi concernées par ce projet.
Marché carbone
Reste l’équation économique : la vente d’électricité et de compost ne couvre pas l’investissement et les coûts de fonctionnement. La SITRADE a donc sollicité la Convention des Nations unies sur le changement climatique (UNFCC), qui gère le Mécanisme de développement propre (MDP) lié au protocole de Kyoto. Pour résumer, une entreprise du Nord qui veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre va « acheter » à la SITRADE le méthane qu’elle ne rejette pas dans l’atmosphère. Le fruit de cette vente est investi dans le projet.
En pratique, tout projet qui ne rejette pas le méthane, à l’instar de la SITRADE, doit franchir une à une les étapes lui permettant d’être approuvé par l’UNFCC. Il obtiendra alors les précieux certificats de réduction d’émission attestant qu’il
Contribue bien à la réduction du réchauffement climatique et dans quelle proportion. Le volume de méthane sera alors converti en équivalent monétaire et l’acheteur de « réduction d’émissions de gaz à effet de serre » pourra apporter son financement en échange de certificats de réduction d’émission. Le mécanisme est long et complexe mais il garantit la viabilité financière du projet. Entre-temps, le Fonds africain des biocarburants et des énergies renouvelables (FABER) est venu appuyer la démarche en prenant une participation. Par exemple, le FABER apporte son soutien à la SITRADE.
Et Kinshasa…
Kinshasa pourrait donc s’inspirer d’Abidjan pour une gestion durable des déchets. Depuis que l’Union européenne a retiré sa coopération en matière d’assainissement de la capitale, l’exécutif urbain éprouve d’énormes difficultés pour évacuer au quotidien les tas d’immondices à travers la ville. Les spécialistes chiffrent à 2,4 millions de dollars par mois, le montant nécessaire pour assainir Kinshasa. La problématique de l’assainissement de la capitale soulève des inquiétudes car dans une dizaine d’années, si rien n’est fait, Kinshasa va « disparaître »… Au-delà de la controverse sur les approches « politiques » concernant la gestion de la salubrité à Kinshasa, des experts de la ville recommandent à l’exécutif urbain de se tourner vers l’autofinancement. La gestion durable des déchets est l’un des moyens associés aux autres qui peuvent conduire à l’autofinancement. Le gouvernement provincial de Kinshasa a mis en place avec l’appui du gouvernement central le Programme de gestion des déchets solides (PGDS). Cette structure est placée sous la gestion technique de la Régie d’assainissement et des travaux publics de Kinshasa (RATPK). Mais c’est le Bureau central de d’études et de coordination (BCECO) qui en assure la mise en œuvre. Une procédure bien trouble.