L’école d’aujourd’hui n’a presque plus rien à voir avec l’ancienne

La situation actuelle est si préoccupante. Préoccupante, le mot paraît si faible, tant le système éducatif n’assure plus son rôle comme il le devrait. Il est urgent de le refonder.

Cela va quasiment faire un demi-siècle que les Congolais se préoccupent des problèmes de l’école. Des organismes observent systématiquement la situation de l’enseignement dans notre pays, en collectant des témoignages afin de mieux connaître notre système éducatif. Globalement, c’est un problème qui concerne toute la société. Les témoignages reçus sont souvent alarmants. C’est ce qui fonde ces organismes à lancer un appel pour la refondation de l’école. L’appel ne cherche pas la polémique mais il dénonce un problème grave. Celui de la destruction de l’école dont les conséquences sont observables. Il en va de l’avenir intellectuel, culturel, scientifique, technique, économique, social et politique de la République démocratique du Congo, et peut-être de sa survie à long terme.

Situation préoccupante

L’école d’aujourd’hui n’a presque plus rien à voir avec celle qui existait il y a seulement 35 ans. Elle n’assure plus son rôle comme elle le devrait. Il est urgent de la refonder. La situation de l’école est vraiment préoccupante. Parmi les nombreux témoignages reçus, certaines personnes disent ne plus savoir où scolariser leurs enfants. Les écoles privées se multiplient et ne garantissent plus la qualité recherchée. De manière générale, les parents ne sont pas rassurés de confier leurs enfants à l’école, en raison de la baisse du niveau. Par exemple, à la fin du cycle secondaire, la majorité des élèves ne maîtrise pas l’orthographe. Les bases ne sont pas acquises et malgré tout, le passage dans la classe supérieure est permis. Les années passent et les lacunes s’accumulent.

Un spécialiste de l’enseignement explique que c’est à la fois un problème de programmes, un problème de méthodes et un problème d’exigence. Le mot qui convient le mieux pour décrire la situation est « déstructuration ». Selon lui, l’enseignement en RDC est déstructuré. Il n’y a plus d’apprentissage des éléments en tant que tels, plus de reprises systématiques pour les règles de grammaire, les conjugaisons… Les bases élémentaires sont très mal transmises. La formation des enseignants est de moins bonne qualité. En réalité, le système éducatif congolais se délite depuis les années 1980 et cela va en s’accélérant. Les enseignants jeunes ont eux-mêmes subi un enseignement dégradé. Mais, il ne faut pas les rendre responsables car ils sont comme les élèves les victimes de la destruction de l’école.

Celle-ci est le résultat de toutes les politiques d’éducation menées sous tous les gouvernements depuis une trentaine d’années au moins. La baisse des exigences dans le supérieur est liée à la dégradation de l’enseignement élémentaire. Les lacunes accumulées sont rarement rattrapées. Les professeurs des universités sont consternés de la situation. La multiplication des cours privés et des soutiens scolaires illustre bien la démission de l’école. Les enfants, en plus de leur journée, doivent suivre des cours supplémentaires pour acquérir les connaissances que l’école ne leur transmet plus comme elle le devrait et le pourrait. La déchéance de l’école accentue les inégalités sociales car les frais  scolaires ne sont plus à la portée de toutes les bourses. Les enfants défavorisés en paient un lourd tribut. On les prive de la plus importante voie d’ascension sociale qui ait existé en RDC.

Les remèdes

Les solutions pour refonder l’école sont nombreuses. Premièrement, il faudrait réécrire les programmes et les manuels. Deuxièmement, la qualité de la formation devrait être concrète, très riche et exigeante sur le plan des connaissances disciplinaires. La formation pédagogique des instituteurs est particulièrement importante. Troisièmement, il faudrait rétablir partout un bon niveau d’exigence et donc de travail.

Comprendre la situation particulière du système éducatif congolais requiert une analyse de son origine et de son évolution socio-historique. Cela permet de se référer aux enjeux de pouvoir structurés autour de l’école. Cela revient à identifier les acteurs, les modes opératoires et les stratégies qui ont donné une dimension sociétale et politique, dynamique et polémique à la question scolaire depuis 1908 lorsque l’État indépendant du Congo (EIC) avait été cédé par Léopold II à la Belgique.

Pour les premiers évêques congolais, l’éducation scolaire devait certes être unifiée et former un enseignement national, mais ce ne pouvait être qu’à travers une « conception pluraliste de l’éducation » au sein de laquelle les différentes parties collaborent sans renoncer à leur autonomie respective. En 1992, suite à une grève illimitée des enseignants non payés, la Conférence épiscopale du Zaïre et l’Association nationale des parents d’élèves du Zaïre (ANAPEZA) entérinèrent la prise en charge des enseignants par les parents dans le réseau catholique sous forme d’une « prime de motivation ». La formule s’institutionnalisa dans l’ensemble des réseaux jusqu’aujourd’hui. La question financière demeure au cœur des problèmes de non-scolarisation et de déscolarisation.