CARLOS Tavares avait prévenu que les décisions de Bruxelles sur le CO2 auraient des « conséquences sociales ». Au salon de Genève début mars, le patron de PSA et président de l’ACEA (Association des constructeurs européens) avertissait que les constructeurs automobiles pourraient procéder à des « restructurations ». Ford a ainsi annoncé qu’il prévoit de supprimer plus de 5 000 emplois en Allemagne et de réduire aussi ses effectifs en Grande-Bretagne. Volkswagen avait déjà annoncé le 12 mars entre 5 000 et 7 000 suppressions d’emplois d’ici à 2023. Des départs qui s’ajoutent aux 21 000 postes déjà menacés de disparition chez le constructeur allemand avant 2020.
Et ce n’est pas fini. L’impact négatif sur les effectifs de la grande mutation de l’industrie automobile vers une électrification à marche forcée suite aux décisions de Bruxelles sur le CO2, alors même que le diesel (une spécialité tricolore) plonge, est estimé en France à « au moins 15 000 emplois dans les cinq ans » (sur 50 000 liés à la fabrication de moteurs), selon une étude de l’Observatoire de la métallurgie, lequel estime que 40 à 50 sous-traitants de la filière automobile sont « très exposés ».
Volkswagen a ainsi laissé entendre que ses suppressions de postes étaient imputables à la nécessité de financer un énorme programme d’électrification de 19 milliards d’euros (qui comprend les investissements pour le véhicule autonome). « La fabrication d’une voiture électrique nécessite environ 30 % de travail en moins par rapport à une voiture thermique actuelle », expliquait Herbert Diess, le président du directoire du groupe Volkswagen, lors des résultats financiers le 12 mars dernier. Et ce n’est pas tout. L’électrification comprend aussi le risque de transférer 40 % de la valeur vers l’Asie, qui produit l’essentiel des batteries, renchérit Carlos Tavares. « Un défi dramatique, d’une ampleur spectaculaire pour les constructeurs et leurs coûts », résume Harald Krüger, le patron de BMW.
Défi industriel
L’industrie auto européenne est confrontée à un défi sans précédent: les voitures neuves devront en 2021 afficher des émissions de 95 grammes de CO2 au kilomètre en moyenne (contre plus de 120 en 2018, toutes marques confondues). Un rude défi. Avec de fortes amendes à la clé en cas de dépassement, jusqu’à un milliard d’euros selon le Boston Consulting Group (BCG). Une gageure d’autant plus difficile à tenir que le diesel, qui rejette naturellement 20 % de gaz à effets de serre en moins par rapport à un modèle à essence, est mis à l’index par les pouvoirs publics pour ses rejets d’oxydes d’azote ou de particule fines.
Même s’il n’est aujourd’hui pas plus sale qu’un moteur au sans-plomb. Le diesel ne pèse plus du coup que 35 % des ventes de voitures neuves hexagonales (contre 71 % en 2010) et devrait dégringoler à « pas plus de 10 % » à horizon 2020 en Europe, d’après Gilles Le Borgne, directeur de la recherche-développement de PSA. 2021 sera une étape difficile. Mais, sur la période 2021-2030, Bruxelles demande aux constructeurs un effort encore plus draconien, avec une nouvelle réduction prévue de 37,5 % des émissions de gaz à effet de serre, qui concernera aussi les utilitaires.
Une telle diminution obligera les marques à réaliser un tiers de leurs ventes avec des voitures électriques (1,4 % en France en 2018) et un quart avec des hybrides rechargeables (0,7 % aujourd’hui), selon le groupe de travail français inter-fédérations qui travaille avec les pouvoirs publics. Après avoir soutenu des « positions extrêmes » à Bruxelles – selon les mots de Carlos Tavares -, le gouvernement prend d’ailleurs soudain conscience des effets potentiellement dévastateurs de cette mutation accélérée. D’où l’annonce, le 11 mars dernier par Bercy, d’un futur « plan concerté » pour aider la filière automobile, même si celui-ci ne comprend encore aucune mesure concrète!
GM et l’usine de Lordstown
Le ton monte entre le constructeur automobile de Detroit, General Motors, et Donald Trump. Le président américain a demandé à GM de changer d’avis concernant le site de Lordstown, Ohio, que le groupe a fermé. Le géant automobile a répondu que la question de l’avenir du site allait être tranchée entre GM et le syndicat United Auto Workers. « (…) Je ne suis pas content qu’elle soit fermée alors que tout le reste dans notre Pays est en plein BOOM. Je lui ai demandé de la vendre ou de faire rapidement quelque chose. Elle s’est plainte du syndicat UAW – Je m’en fiche, je veux seulement que ce soit ouvert! », a indiqué Trump sur Twitter. L’usine employait plus de 1 600 personnes, à qui des opportunités sur les sites en croissance pourraient être proposées par le constructeur. Trump, lui, n’en démord pas, défendant l’emploi des Américains. « General Motors et l’UAW vont entamer des ‘discussions’ en septembre/octobre. Pourquoi attendre, commencez-les maintenant! Je veux que les emplois restent aux États-Unis et que Lordstown, dans l’une des meilleures économies de notre histoire, soit ouvert ou revendu à une entreprise qui l’ouvrira rapidement! Tous les constructeurs automobiles reviennent aux États-Unis. Comme tout le monde d’ailleurs. Nous avons maintenant la meilleure Économie au Monde, qui fait l’envie de tous. Faites ouvrir cette grande et belle usine de l’Ohio maintenant. Fermez une usine en Chine ou au Mexique, où vous avez investi si massivement avant Trump, mais pas aux États-Unis. Ramenez des emplois à la maison! », tweete ainsi le président américain.
Le site de l’Ohio est le première des cinq usines d’Amérique du Nord à cesser leurs activités cette année, mettant ainsi fin à la production américaine de la Chevrolet Cruze. Le tweet de Donald Trump accentue ainsi la pression publique exercée sur GM pour qu’il reprenne ses activités sur ce site. Il y a quelques semaines, Donald Trump avait d’ores et déjà menacé de réduire les subventions de GM, après l’annonce du constructeur de son intention de réduire la production de plusieurs usines aux États-Unis. GM avait toutefois précédemment indiqué que si la fermeture de l’usine entraînait la perte de 1 300 emplois, environ 417 personnes seraient affectées à d’autres usines. Donald Trump n’a pas hésité à prendre un constructeur japonais en exemple, tweetant: « Toyota investit 13,5 milliards de dollars aux États-Unis, d’autres également. G.M. DOIT AGIR RAPIDEMENT. Le temps presse ! » Toyota prévoit en effet d’investir près de 13 milliards de dollars sur cinq ans aux États-Unis. Selon Trump, « d’autres groupes automobiles bien meilleurs arrivaient en masse aux États-Unis ». Sans qu’on ne sache pour l’instant à quelles entreprises il fait référence ni s’il s’agissait de constructeurs automobiles américains ou