Depuis l’ex-Zaïre de Mobutu, le pays est le bon élève du FMI

La renégociation de la dette du pays sous le contrôle du Fonds et les mécanismes de ses programmes remontent à 1976, suite à l’aggravation des difficultés économiques et financières. D’où la nécessité de réaménagement de la dette publique. Si les PAS ont permis le retour à une économie plus libérale, les résultats paraissent économiquement et socialement décevants.

DEPUIS une vingtaine d’années, le Fonds monétaire international (FMI) est la cible de plusieurs critiques. On lui reproche notamment d’être un instrument de soumission des pays pauvres, voire moins développés, de freiner leur développement, surtout en Afrique. On lui reproche également d’aliéner politiquement et économiquement ces pays au profit de l’Occident. Parallèlement, des élites dans ces pays revendiquent une réorientation des politiques et programmes des deux grandes institutions financières mondiales, le FMI et la Banque mondiale. 

Que retenir de toutes les critiques dans le cas de la République démocratique du Congo ? Le constat général est que les investissements productifs n’ont pas été stimulés et le coût social demeure encore élevé. Malgré ses ressources enviables du sol et du sous-sol (cuivre, cobalt, diamant, pétrole, gaz, forêts, etc.), la RDC se trouve encore dans le peloton des pays les plus pauvres de la planète. Durant le long règne (32 ans) du dictateur Mobutu Sese Seko sur le pays, qu’il renomma « Zaïre » en 1972, le régime au pouvoir a bénéficié de l’aide occidentale au développement et de nombreux prêts, peu importe les usages qui en furent fait. 

Les « dettes odieuses »

Tous sont à peu près d’accord que toute cette manne a plus contribué à l’enrichissement personnel de Mobutu lui-même et des dignitaires de son régime qu’à améliorer les conditions de vie de la majorité de la population. Selon des estimations, la fortune (quelque 8 milliards de dollars) du maréchal président était l’équivalent de deux tiers de la dette extérieure de l’ex-Zaïre. Durant les années Mobutu, le stock de la dette est passé de 32 millions de dollars en 1965 pour culminer à 5 milliards de dollars en 1980. Puis, il a augmenté pour atteindre un environ 13 milliards de dollars en 1998. 

Le rapport confidentiel d’Erwin Blumenthal, publié en 1982, précise clairement la corruption est érigée en système politique. Suite à ce rapport, il était évident que les prêts octroyés à un régime non démocratique ne peuvent pas être destinés à une utilisation bénéficiant à l’ensemble de la population. Pourtant, après la parution du rapport Blumenthal, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont continué à appuyer l’ex-Zaïre. D’où l’expression de « dettes odieuses ». Les interventions internationales, notamment du FMI par le truchement de l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE), n’ont fait que maintenir la RDC dans un système de dépendance à la dette et aux interventions étrangères.

« En Afrique, de nombreux programmes appuyés par le FMI dépendent largement de l’argent des donateurs. Certes, se passer de l’aide internationale ne sera pas simple, mais il faut oser, il faut commencer… Aujourd’hui, il est important que la RDC se libère du joug des institutions financières internationales pour des raisons de souveraineté»

« Aujourd’hui, il est important que la RDC se libère du joug des institutions financières internationales pour des raisons de souveraineté. Le FMI nuit aux pays qu’il prétend aider », pense un ancien ministre de Laurent Désiré Kabila. D’après lui, les pays riches acquièrent un pouvoir considérable sur le reste du monde en contrôlant les institutions de la gouvernance mondiale. L’une de ces institutions est le Fonds monétaire international. Tout est réglé comme sur du papier à musique : le directeur général du Fonds est un Européen, tandis que les États-Unis d’Amérique disposent de suffisamment de voix pour opposer leur veto à de nombreuses décisions importantes.

« Souvent, le programme du FMI vise à remodeler l’économie. L’autonomie de la Banque centrale est accentuée, les actifs publics sont privatisés… Il y a bien nécessité de mener une réforme sérieuse du FMI, en commençant par en faire une institution plus multilatérale que ce qu’elle ne prétend l’être aujourd’hui. Il faut aujourd’hui laisser la place à des institutions démocratiques qui visent l’amélioration des conditions de vie. Il faut aussi savoir dire non aux institutions financières internationales », préconise cet ancien ministre. 

Ils ont dit non à l’aide

Le Ghana, un pays africain encore pauvre, ne veut plus de l’aide internationale. Pour accélérer son développement et réduire les inégalités, le pays a parié sur les marchés financiers plutôt que sur l’appui du FMI. Nana Akufo-Addo, le président ghanéen, invite d’ailleurs tous les Africains à se réveiller, à cesser de croire à « l’histoire du Père Noël qui va venir pour développer le continent ». Cet ancien avocat a fondé sa vision, « Ghana beyond aid » (Ghana affranchi de l’aide internationale) sur cette doctrine. Et ça semble marcher. Aujourd’hui, le Ghana est l’un des rares pays d’Afrique subsaharienne classés dans la catégorie des pays à développement humain moyen, souligne l’économiste Selin Ozyurt. 

Le FMI relativise en mettant en avant les progrès réalisés par ce pays grâce à ses programmes d’aide. Le programme du FMI de quatre ans, dont le Ghana est sorti en avril 2019, a contribué à stabiliser sa situation macroéconomique. Le défi pour le Ghana, un pays de quelque 29 millions d’habitants est de mieux répartir les fruits de sa croissance. Nana Akufo-Addo fait valoir que là est la clé d’un développement inclusif et qu’il faut pour cela transformer la structure de l’économie. En Afrique, de nombreux programmes dépendent aujourd’hui largement de l’argent des donateurs. Certes, se passer de l’aide internationale ne sera pas simple, mais il faut oser, il faut commencer…

La Malaisie a osé. Le pays a refusé l’aide du FMI qui aurait exigé l’assouplissement, voire le démantèlement de la politique de discrimination positive. Le FMI aurait également exigé plus de transparence dans les comptes publics, où il existe une confusion flagrante entre les intérêts patrimoniaux de l’État et ceux du parti au pouvoir, l’Umno. Mahathir Mohamad, le 1ER Ministre, a limogé son dauphin, Anwar Ibrahim, le vice-1ER Ministre et ministre des Finances, partisan d’un recours au FMI et de mesures contre la corruption. Mégalomanie, pourrait-on ainsi dire. 

Même en Argentine qui a bénéficié du plus grand prêt (57 milliards de dollars) octroyé par le FMI en 2018. Alberto Fernández, le président élu, a refusé le reste du prêt, soit 11 milliards, alors que le pays traverse une grave crise économique. « Si tu as un problème parce que tu es très endetté, tu penses que la solution est de continuer à s’endetter ? » a déclaré Alberto Fernández lors d’une interview.

Les États ne sont pas obligés à des ajustements budgétaires. Par ailleurs, la volonté du Fonds est de « s’engager auprès des gouvernements et travailler dans l’objectif d’une croissance durable et de la réduction de la pauvreté », assure Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI. Est-ce donc l’image d’un dialogue ouvert et volontaire entre les gouvernements et le Fonds ? La négociation des programmes expose-t-elle la souveraineté des États et la crédibilité du FMI ? C’est une équation complexe, avoue un expert du Fonds. D’autant que le panorama économique se révèle souvent sombre. Pour revenir au cas de la RDC, l’on peut dire que depuis 1976, tous les programmes mis en œuvre avec les concours du FMI visaient à résoudre essentiellement le problème du surendettement, mais rien en revanche ne fut correctement envisagé en profondeur.