Le financement d’une économie mondiale à moindre émission de gaz à effet de serre préoccupe les esprits. Une commission a remis une feuille de route au président français pour la réussite de la prochaine conférence de Paris.
À quelques mois de l’ouverture de la Conférence de Paris sur le climat (COP21), qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre, outre les États, différentes organisations peaufinent déjà des stratégies pour ne pas rater cette rencontre dite de la dernière chance. C’est le cas de la commission mise en place début mars par François Hollande.
Composée d’économistes, d’acteurs financiers et des représentants d’entreprises, cette commission a remis ses propositions de financement d’une économie décarbonisée au président Français, le 18 juin. Elle est dirigée par l’ancien ministre vert Pascal Canfin et l’économiste Alain Grandjean. Entre autres, la commission propose l’instauration de différents prix cibles du carbone adaptés à chaque pays.
Dans le rapport intitulé « Feuille de route 2°C » qu’elle vient de publier, une dizaine de propositions est faite et un accent est mis sur « quatre leviers de financement » qui doivent être touchés : le «signal prix carbone», les «infrastructures bas carbone», la «mobilisation des banques de développement», ainsi que la «réglementation financière et la mobilisation des acteurs financiers privés».
Une batterie de recommandations
La commission suggère la création d’un «corridor carbone» avec une fourchette de prix cible comprise entre un minimum de 15 et 20 dollars la tonne de CO2 avant 2020 et croissant jusqu’à atteindre 60 ou 80 dollars au maximum entre 2030 et 2050. La mesure s’adapte au développement des pays compte tenu des différences qui existent entre eux.
En outre, la commission conseille de tirer profit des « opportunités historiques » de la baisse récente des prix du pétrole pour « sortir des subventions aux énergies fossiles ». La commission plaide aussi pour : l’encouragement de financement des infrastructures bas carbone comme les équipements urbains durables, l’efficacité énergétique, la mobilité décarbonée, etc.
Dans ce rapport, il est suggéré aux États de définir des «stratégies nationales de financement» de la «décarbonation» de leurs économies. Le suivi de ces stratégies pays par pays devrait être confié, selon la commission, au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale. Le rôle que jouent les banques de développement est également mis en exergue en ce qu’elles peuvent accorder des garanties aux financements d’investissements dans les pays du Sud, concernant le changement climatique.
«Ce ne sont pas les 100 milliards de dollars promis par les pays du Nord à ceux du Sud à la conférence sur le climat de Copenhague en 2009 qui vont faire toute la transition bas carbone, ce sont des milliers de milliards de dollars annuels qui vont faire basculer d’un monde carbone vers un monde bas carbone», a déclaré Grandjean après la remise du rapport à François Hollande.
En ce qui concerne la future taxe sur les transactions financières que onze pays cherchent à mettre en place, la commission estime qu’elle atteindra 10 milliards d’euros de «recette minimum». Pascal Canfin affirme avoir «beaucoup insisté» auprès de Hollande pour cette taxe. Celle-ci doit être «la plus ambitieuse possible, de façon à pouvoir collecter à l’échelle des onze États qui sont parties prenantes de cette initiative autour de dix milliards d’euros (…), de façon à financer davantage d’argent pour la lutte contre le changement climatique dans le Sud, et particulièrement dans les pays les plus vulnérables», a-t-il indiqué.
Le souhait de l’ancien ministre vert est de voir le politique prendre la main et qu’au-delà de la COP21, la France porte aussi ces propositions dans les instances comme le G7, le G20 ou le conseil d’administration du FMI. Un appel à la réaffectation d’une partie des revenus des marchés du carbone existant à travers le monde aux investissements dans les pays en développement a été lancé par la commission.
Le combat contre le réchauffement en Afrique
À la COP21 se réuniront les délégations de 195 pays, qui tenteront d’arracher un accord international sur le climat. Avant la tenue de ce forum, il est demandé à chaque pays de fournir un document qui reprend les engagements qu’il est prêt à consentir, une sorte de plan ambitieux de réduction de gaz à effet de serre. Au départ, tous les pays devaient fournir leurs documents à la date limite du 31 mars. Ce délai est repoussé au 1er octobre prochain.
Sur les trente-neuf États qui se sont acquittés de cette tâche, il n’y a que trois pays africains : le Gabon, le Maroc et l’Éthiopie. Le Gabon, premier pays africain à envoyer sa déclaration, s’engage d’ici à 2025 à réduire d’environ 50% ses émissions de gaz à effet de serre. Le Maroc accepte, quant à lui, de réaliser une réduction de 13% d’ici à 2030, conditionnant une réduction supplémentaire de 19 % pendant la même période à un appui financier international.
L’Éthiopie promet 64% de réduction d’ici à 2030 et, pour y arriver Addis-Abeba compte s’appuyer sur sa stratégie de croissance verte adoptée en 2011. Le coût de cette lutte s’évalue à 150 milliards de dollars et le pays annonce que, sans l’apport extérieur, il ne s’en sortira pas seul.
Une lutte à coup de milliers de milliards de dollars
La lutte contre le changement climatique nécessite plusieurs milliers de milliards de dollars. Grâce à l’argent qu’elles mobilisent, les banques multilatérales de développement donnent un appui important à une croissance décarbonée dans les pays en développement et les économies émergentes.
Le quatrième rapport conjoint sur le financement climatique des banques multilatérales de développement publié le 16 juin par la Banque mondiale, indique que six banques multilatérales de développement ont mobilisé plus de 28 milliards de dollars en 2014. Cet argent a servi à aider les pays en développement et les économies émergentes à diminuer la teneur du changement climatique et à s’y accommoder.
Ces banques sont la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque européenne d’investissement, la Banque interaméricaine de développement et le Groupe de la Banque mondiale.
Pendant quatre ans, elles ont récolté plus de cent milliards de dollars. « Pour assurer une transition réussie et ordonnée vers une économie mondiale résiliente et sobre en carbone, les besoins se chiffrent visiblement dorénavant en milliers de milliards de dollars. Parallèlement à la conception du cadre d’action pour réunir ces sommes, il s’agit, dans l’immédiat, de respecter l’engagement pris par les pays développés de mobiliser 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020 », indique le rapport.