Ce n’est pas encore le spectre apocalyptique de la Somalie des années 1990. Mais, en ce moment où la classe politique et la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) focalisent l’attention de l’opinion sur une lettre attribuée à feu Etienne Tshisekedi sur le choix de… son fils comme 1ER Ministre, ou encore sur cette vidéo qui fait le buzz sur la Toile, montrant le massacre des populations civiles par des présumés militaires des FARDC sur l’autel de la répression des miliciens de Kamwina Nsapu au Kasaï, il y a des communiqués des humanitaires et des images alertant sur un chaos collectif qui arrive au galop. La Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (MONUSCO) en ferait même des soucis sécuritaires. Le 31 janvier déjà, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) avait lancé à Kinshasa un appel des fonds d’un peu moins de 120 millions de dollars (précisément 119 125 000 dollars) pour répondre aux urgences humanitaires en République démocratique du Congo au cours de l’année 2017. L’ONG internationale Vision du monde et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont déjà apporté une assistance financière à près de 15 000 personnes, soit 49 à 70 dollars selon la taille du ménage, afin de leur permettre de regagner leurs villages situés dans le territoire de Pweto.
Conflit intercommunautaire
Par ailleurs, après avoir fui les conflits intercommunautaires pygmées-bantous, quelque 35 000 personnes errent depuis fin décembre 2016 dans les brousses de la province du Tanganyika et n’ont pas toujours reçu d’assistance faute de ressources disponibles, indique le PAM. En 2016, le Tanganyika a enregistré la plus forte progression de population des déplacés, passant de 220 000 personnes en septembre à 370 000 fin décembre, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). La RDC comptait plus de 2,2 millions de personnes déplacées internes, dont 52 % des femmes et jeunes filles, indiquent des statistiques d’OCHA, au 31 décembre 2016.
Près de 90 % de ces personnes déplacées internes ont fui les violences armées notamment au Nord-Kivu (40 %). Le territoire d’Irumu dans la province d’Ituri compte près de 8 % des 225 000 personnes déplacées internes des provinces du Bas-Uele, Haut-Uele, Ituri et Tshopo. Selon la cheffe du secteur urgence de l’UNICEF, Rigol Aude, la RDC fait face à 4 crises graves, dont la crise nutritionnelle et celle des épidémies de choléra et de rougeole. Si le choléra est resté endémique dans l’ancienne province du Katanga, la rougeole se propage pratiquement dans les provinces du pays en proie à des épizooties qui ravagent des cheptels entiers et des fermes, de la Lomami au Sud-Ubangi en passant par le Sankuru. Dans cette dernière province, le Monkey Pox gagne du terrain particulièrement dans la cité de Lodja, selon le médecin chef de santé de Lodja, Dr Blaise Ndjate.
Au Kasaï oriental voisin, c’est l’irruption des maladies tropicales négligées… qui cause la désolation au sein des familles déjà rudoyées par la faim. Parmi ces maladies, il y a la filariose et la schistosomiase pour lesquelles, selon le médecin coordonnateur du Programme de lutte contre les maladies tropicales négligées (PLMTN) pour le Kasaï oriental, Dr Georges Mbuyi. Une campagne de traitement a été menée sans grand succès faute de moyens financiers. Dans la région, comme au Katanga voisin, la saison des vaches maigres s’annonce à pas de géant. Des milliers de personnes sont exposées au risque de l’insécurité alimentaire due aux attaques des chenilles sur les cultures de maïs, de manioc et de banane. Selon le porte-parole de l’équipe-pays de l’ONU, Florence Marshall, ces insectes ont fini par envahir le plateau de Bateke, à la périphérie de Kinshasa.
Un mouvement de grogne serait-il monté dans la capitale du cuivre ? En tout cas, selon les médias publics, le Gouv de la province du Haut Katanga, Jean-Claude Kazembe, a appelé, mi-février, la population de Lubumbashi au calme. Il a été négocier en Tanzanie une bonne cargaison de maïs, aliment de base des populations du Sud-Ouest de la RDC (Kasaï-Katanga). Sur le marché local, le sac de farine de 25 kg est, en effet, passé de 10 à 20 000 francs, puis à 40 000 francs tandis que le « kambeketi (petit seau) est passé de 1 500 à 4 500 francs. Pour autant, la denrée se fait toujours rare, même en Zambie où depuis des lustres, les Katangais et les Kasaïens se sont toujours approvisionnés. Selon un rapport de la mission conjointe de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et des ministères de l’Agriculture, et de la Pêche et de l’Élevage, des chenilles légionnaires ont dévasté 80 % de plus de 66 000 ha du territoire de Kambove ainsi que plus de 2 000 ha de cultures, dont le maïs, à Pweto, précisément dans la zone de Kilwa. Cette invasion des chenilles sur des milliers d’hectares touchent depuis mi-décembre les zones frontalières à la Zambie. Selon la FAO, la chenille légionnaire a la capacité d’affecter presque tous les types des récoltes et plus particulièrement les céréales occasionnant ainsi des pertes de production agricole, principale source des revenus et de nourritures de nombreux ménages. Les territoires de Kambove, Kisenga, Kipushi et Pweto sont sévèrement touchés.
Le spectre de la famine
La police a mis la main, il y a quelques jours, sur des vendeurs des maïs impropres à la consommation. Des inciviques qui profitant de la crise alimentaire, commercialisent en effet du maïs en très petite quantité mélangée avec une grande quantité de farine pour bétail. Ce qui provoque de vives intoxications alimentaires aux conséquences parfois fatales. À Lubumbashi, dans les années 1991 et 1992, les Shabiens avaient consommé, à la suite de la crise alimentaire, une farine de maïs destinée au bétail, communément appelé « Vimba ». Il s’en est suivi mort d’hommes, surtout des enfants.
Dans la commune annexe, où se concentrent des familles de plus démunies de la ville de Lubumbashi, le bourgmestre Augustin Kaozi Bin Malisasa a sensibilisé ses administrés à ne pas consommer n’importe quoi à cause de la faim. Le bourgmestre s’est lancé dans une traque de petits commerçants de maïs et meuniers qui s’adonnent à la vente de cette farine de maïs de la mort.