La République démocratique du Congo compte actuellement près d’une soixantaine de représentations diplomatiques et consulaires (y compris le consulat fermé d’Anvers en Belgique). Celles-ci relèvent naturellement du ministère des Affaires étrangères, qui, comme tout service d’assiette, canalise ses recettes vers la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD). Mais la régie financière n’a, en pratique, ni pouvoir ni procédé de vérification des recettes provenant de l’extérieur du pays.
Vignettes uniformes
D’ailleurs, la DGRAD ne s’est officiellement engagée à doter le ministère des Affaires étrangères des vignettes uniformes (imprimés de valeur) que lors de l’élaboration du budget pour l’exercice 2018. La contribution minimale attendue de ce ministère est de près de 15 milliards de francs (14 950 000 000 FC), soit près de 8,3 millions de dollars au taux budgétaire de 1 813,4 FC le dollar, dont 4 332 292 894 FC, soit près de 2,4 millions de taxes inhérentes aux visas. Officiellement, le ministère des Affaires étrangères délivre, à travers les représentations diplomatiques et consulaires cinq types de visas, à savoir le visa de transit (aller simple ou aller-retour), le visa de transit d’un mois (avec une ou plusieurs entrées), le visa de transit de deux mois (avec une ou plusieurs entrées), le visa de transit de trois mois (avec une ou plusieurs entrées), le visa de transit de six mois (avec une ou plusieurs entrées).
Le ministère des Affaires étrangères complète, en effet, leurs faits générateurs de recettes avec ce droit administratif relatif à la délivrance de visas de transit. Il sied toutefois de préciser que la Direction générale de migration (DGM) émet aussi des visas mais bien distincts de ceux du ministère des Affaires étrangères, en fait, des ambassades et autres représentations consulaires.
Consommation à la source
Cependant, lors des conférences budgétaires sur la loi de finances publiques 2018, des experts du ministère des Affaires étrangères ont fait état de « l’absence d’un mécanisme de contrôle du nombre des visas accordés par les postes diplomatiques et consulaires, de l’insuffisance des crédits budgétaires accordés aux postes diplomatiques occasionnant ainsi la consommation à la source des recettes recouvrées ».
Toutefois, située à Bruxelles, l’ambassade de la RDC auprès du royaume de Belgique, avec ressort au royaume des Pays-Bas, au Grand-duché de Luxembourg et à l’Union européenne (UE), a rendu publics, au début de l’année, les tarifs révisés des différents types de visas. Les prix varient de 85 à 310 euros. Ils sont majorés de 25 euros pour toute demande express. Le paiement se fait par carte bancaire via le terminal Bancontact au guichet de l’ambassade (voir tableau). Et en cas de refus de l’octroi du visa, d’annulation du voyage et de désistement, les frais payés ne sont pas remboursés.
Enfin, les recettes sont là
Mais selon les livres des recettes disponibles et au ministère du Budget et à la DGRAD, le Trésor public ne perçoit quasiment rien de la délivrance des visas. En 2015, alors que l’État espérait gagner au moins près de 300 millions de francs, soit plus de 325 000 dollars à travers la délivrance des visas de transit aller simple ou aller-retour, rien n’est venu.
En 2016, les visas précités devraient rapporter, au bas mot, 420 millions de francs, soit un peu moins de 440 000 dollars. Hélas, aucune représentation diplomatique ou consulaire n’a expédié le moindre centime. Mais au premier trimestre 2017, curieusement, les visas de transit aller simple ou aller-retour ont rapporté près de 38 000 dollars au Trésor public.
À quoi tient donc cette girouette financière des ambassadeurs et consuls congolais ? Dans l’ambiance de la mise en application de l’Accord de la Cité de l’Union africaine, grâce auquel l’UDPS Samy Badibanga Ntita est devenu 1ER Ministre, des rumeurs persistantes ont fait, en effet, état d’un rappel imminent de certains diplomates établis en Europe et en Amérique du Nord pour être remplacés par des personnalités proposées par l’opposition, a fait comprendre un conseiller à la primature. Voilà qui a ramené à l’ordre nombre de diplomates. Au cours de la même période, les visas de deux mois ont rapporté à l’État plus de 280 000 dollars, alors que rien n’a été rapatrié les années précédentes. Idem pour les visas de transit de trois mois avec une ou plusieurs sorties.
Statu quo ante
Quant aux visas de six mois, ils ont rapporté près de 195 millions de francs, soit plus de 210 000 dollars. Mais avec la mise en application controversée de l’« Accord de la Saint-Sylvestre », dit aussi « Accord du 31 décembre », les perspectives d’un chambardement de la diplomatie congolaise s’éloignent, et l’on retourne à la situation financière d’avant le régime des crédits provisoires (premier trimestre 2017). La délivrance des visas n’a plus rien rapporté à l’État. Alors que dans le budget 2017 concocté et présenté devant les chambres parlementaires par le 1ER Ministre, Bruno Aubert Tshibala Nzenzhe, les visas émis dans les ambassades et consulats devraient rapporter, au bas mot, environ 2 milliards de francs (1 998 322 933 FC), soit plus de 2 millions de dollars si l’on s’en tient au taux appliqué à l’époque de la parité 960 FC le dollar. Lors de l’évaluation de l’exercice 2017, les experts du ministère des Affaires étrangères ont reproduit la conclusion qu’ils avaient tirée en 2015 et 2016 : « Manque de fonds de roulement pour nos ambassades, lequel couvre les salaires des diplomates et des engagés locaux, les loyers et les frais de fonctionnement, d’où l’utilisation des recettes à la source ».
La prise en charge des diplomates constitue l’un des maillons faibles de diplomatie congolaise. Cela date de l’époque du régime Mobutu. Il y a peu, les trois ministres concernés par le sujet (Affaires étrangères, Budget et Finances) avaient résolu, au cours d’une réunion, d’élaborer un modus operandi pour apurer les arriérés des salaires des diplomates à l’étranger, la paie de nombreux mois d’arriérés des loyers des locaux faisant office d’ambassades là où la RDC ne dispose pas de propriété immobilière. Mais dans sa circulaire contenant les instructions relatives à l’exécution du budget 2018, le ministre d’État et ministre du Budget, Pierre Kangudia Mbayi, note que « les prévisions liées aux transferts (…) d’ambassades et postes consulaires devront tenir compte des besoins prioritaires de chaque ambassade et poste consulaire ». En clair, un traitement au cas par cas.