DES SOCIÉTÉS européennes s’approvisionnent en bois auprès de l’Industrie forestière du Congo (IFCO). Une entreprise qui foule au pied le code forestier et des lois connexes de la République démocratique du Congo, accuse Global Witness. IFCO est une entreprise créée de bric et de broc, selon Global Witness, avec des droits d’exploitation et d’exportation du bois appartenant naguère à Cotrefor. Cette dernière était liée à un conglomérat libanais et black-listée par le Trésor américain pour présomption de financement du Hezbollah.
D’après la récente enquête de Global Witness, IFCO représente non seulement un danger pour les forêts humides de la RDC, mais tournerait également en bourrique le fisc. En 2018, en quelques cinq mois, l’entreprise aurait empoché plus de 2 millions d’euros à la suite des exportations illégales de quelque 1 400 m3 de bois. Pourtant, les recettes recouvrées par les régies financières au titre des droits de douane, impôts directs et indirects ainsi que les recettes domaniales et des participations dans le secteur forestier se chiffrent à juste 920 379, 36 dollars au quatrième trimestre 2018. Le pays compterait une cinquantaine d’exploitants forestiers.
Par ailleurs, Global Witness déplore le silence des autorités françaises, belges, italiennes, portugaises…, bref de l’Union européenne (UE) sur ces exportations illégales du bois. L’ONG cite nommément dans son rapport les entreprises européennes qui collaborent avec IFCO dans les exportations illégales du bois. Il s’agit notamment de la belge Exott, de l’italienne Tim Trade, des françaises, Edwood, Angot Bois, France Noyer, Timbearth et Carbon Market Timber, de la polonaise JAF Polska, de la portugaise Interarrod, etc.,
Complicité
Ces entreprises auraient donc violé, en connaissance de cause, le Règlement du bois de l’UE, en vigueur depuis six ans, lequel recommande que les exploitants du bois au sein de l’UE démontrent qu’ils ont pris des mesures concrètes pour réduire le risque des importations illégales du bois. L’analyse des images satellitaires effectuée par Global Witness prouve, en effet, que la société Industrie forestière du Congo a coupé du bois en dehors des périmètres autorisés et qu’elle a exploité la forêt à grande échelle, alors même que ses activités ont été frappées d’interdiction dans plusieurs provinces de la RDC.
Ces révélations de Global Witness sont en contradiction, sinon ont atténué les accusations de l’Agence internationale spécialisée dans l’environnement (OIA), qui, fin mars, accusait plutôt les entreprises chinoises de dévaster le bassin du Congo en complicité avec des autorités et des entreprises locales en tête desquelles la SICOFOR ou la Sino-congolaise des forêts. Selon l’OIA, des entreprises chinoises auraient versé des milliers de dollars de pot-de-vin aux autorités de différents pays du bassin du Congo dont la RDC, en vue de couper du bois au-delà des quotas autorisés.
Les entreprises chinoises auraient également monté des réseaux pour éviter de payer des millions d’impôts liés à l’exploitation forestière. Toutefois, plusieurs mois après l’attribution confuse de trois concessions forestières à deux groupes chinois, une autre entreprise chinoise, China Company Forest group, veut exploiter le bois congolais mais certifié.
Les Chinois plus cleans China Company Forest Group a, d’abord, entamé des négociations avec l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM), dernier maillon dans la chaîne de l’exploitation-exportation des ressources naturelles forestières de la RDC. L’OGEFREM dispose d’un parc à bois au port maritime de Boma en vue de l’exportation des essences congolaises en toute légalité. « L’un des principaux rôles de l’OGEFREM, c’est faire la promotion du commerce extérieur en République démocratique du Congo. Dans cette optique, nous avons été en contact avec la compagnie chinoise China Company Forest Group, premier importateur du bois en République populaire de Chine. Une entreprise mixte dont 35 % des parts appartiennent aux privés et 65 % au gouvernement chinois. Ces investisseurs sont très intéressés à investir dans le domaine de l’exploitation forestière en RDC », a déclaré Patient Sayiba, le directeur général de l’Office de gestion de fret multimodal.
Selon les médias publics, le numéro un de l’OGEFREM a servi de relais entre la délégation de China Company Forest Group conduite par Song, le directeur général de cette entreprise mixte, et Amy Ambatobe, le ministre sortant de l’Environnement et du Développement durable, fin juillet 2018. La société China Company Forest Group voudrait, dans un premier temps, acheter des grumes, les exporter pour une transformation en Chine. Par la suite, la firme parapublique négociera des concessions forestières et des permis de coupe du bois avec l’État congolais.
Song n’exclut pas la possibilité de monter une usine de transformation de bois en RDC, avec à la clé, la création d’emplois. Mais cette société pose des préalables pour investir en RDC. Elle veut se rassurer que le bois qu’elle va exporter est celui qui est certifié conforme à l’exportation. En tout cas, le gouvernement de Pékin, actionnaire majoritaire dans China Company Forest Group, tient à ne plus être cité dans les sales affaires d’exportation de bois extraits de concessions sujettes à caution, non reconnues par l’État et les services attitrés, étant donné que tous ces services ne sauraient guère être impliqués dans l’exportation frauduleuse sans qu’aucun d’eux ne rejette le pot-de-vin.
Selon nos sources, China Company Forest Group s’est d’ailleurs entretenu avec Alain Kalangiro, le chargé de mission du Fonds forestier national (FFN). Question de se rassurer que ses investissements seront orientés sur le bois ayant obtenu l’avis favorable de toutes les autorités et leurs services respectifs. Fodeco & Somifor Il sied de rappeler qu’il y a plus d’une année, le 1er février 2018, le gouvernement avait accordé des autorisations à deux compagnies chinoises, FODECO (Forestière pour le développement du Congo) et SOMIFOR (Société la millénaire forestière) d’exploiter trois concessions d’une superficie totale de 650 000 ha. Critiqué par Greenpeace, section RDC, d’avoir réhabilité trois contrats annulés en 2016 par l’État pour cause de moratoire sur le gel de l’exploitation de nouvelles concessions octroyées en 2012 ainsi que de l’accord conclu en 2015 avec l’Initiative pour les forêts de l’Afrique centrale (CAFI), le ministre de l’Environnement s’en défendra plusieurs jours après, attestant que le moratoire sur l’octroi de nouvelles concessions acquises en 2002 n’aurait dû jamais être adopté.
Qu’il y a eu mauvaise interprétation de la loi et des textes réglementaires. Que les concessionnaires avaient introduit un recours. Que le gouvernement s’était rendu compte que les concessions en question n’étaient concernées par le moratoire. Par cet acte, Greenpeace a laissé entendre que la RDC pourrait ne plus recevoir les 200 millions de dollars promis par la CAFI. Pour autant, le gouvernement n’a jamais avancé, voilà six mois, combien il a perçu auprès de deux industriels chinois. Par ailleurs, selon la Rainforest UK Foundation, deux de ces trois concessions attribuées aux Chinois empiètent la zone des tourbières découvertes en 2017 dans l’ex-province de l’Équateur. Cette zone humide de 145 000 Km² est supposée contenir quelque 30 milliards de tonnes de carbone. Naturellement, une exploitation intensive risque de laisser échapper dans l’atmosphère du CO2 en masse. Des inquiétudes d’ores et déjà rejetées par Ahmy Ambatobe, le ministre de l’Environnement et du Développement durable. « L’exploitation industrielle du bois est légale, et même encouragée, si cela se fait dans les normes », a soutenu le ministre.
Pourtant, quelques mois plus tôt, en 2017, le même Ambatobe avait annulé cinq contrats signés avec quatre entreprises d’exploitation forestière, à savoir les Bâtisseurs du Congo, Action pour le Congo, Ilosado, ainsi qu’Ondika. Pour le ministre de l’Environnement et du Développement durable, ces contrats conclus du temps de son prédécesseur étaient entachés de nombreuses irrégularités. Deux poids, deux mesures ? Répondre par l’affirmative ne serait pas du tout téméraire. En tout état de cause, il se trouve que la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD) n’a plus perçu, depuis des années, le moindre centime des forestiers au titre des recettes domaniales ou de participations.