Echanges à fleuret moucheté entre l’Asadho et la RVA

Le gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta Yango, a institué, à la mi-mai, une nouvelle taxe d’embarquement des passagers sur les vols domestiques et internationaux. Dans la capitale, l’institution de cette nouvelle taxe a provoqué un tollé général. L’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) est la première à avoir embouché la trompette de la contestation.

Aéroport International de N’djili à Kinshasa, (Photo Radio Okapi)
Aéroport International de N’djili à Kinshasa, (Photo Radio Okapi)

 

L’Association africaine de défense des droits de l’Homme (Asadho) a souligné, le 19 mai, sa préoccupation pour la gestion opaque des fonds provenant de la redevance de fonds de développement pour les infrastructures aéroportuaires (Idef), communément dénommée « Go Pass », ainsi que par la mise en place d’une nouvelle taxe aéroportuaire appelée « taxe de statistique d’embarquement dans les avions ». Pour cette Ong, la taxe destinée au développement des infrastructures aéroportuaires, instituée depuis le 30 mars 2009, n’est toujours pas gérée de manière transparente par la Régie des voies aérienne (RVA), malgré plusieurs interventions de la société civile, du ministre de Transport et Voies de communication, Justin Kalumba, des parlementaires, du ministre de la Justice et des Droits humains et de la Cour des comptes. Elle a noté que, malgré les inquiétudes que la gestion de ces fonds suscite, aucune mesure sérieuse n’est prise par les autorités compétentes pour garantir la transparence. « À tout ceci, il faut ajouter le fait que les quelques travaux faits avec cet argent sont de mauvaise qualité et/ou surfacturés », a noté l’ONG. Faisant dans la surenchère, l’Asadho estime que, devant ces réalités, « si le peuple ne se lève pas pour réclamer une gestion transparente de toutes ces taxes, l’argent qu’elles génèrent servira à quelques individus ou groupe d’individus avec la complicité de certaines autorités publiques ». C’est pourquoi elle a sollicité du Premier ministre des mesures urgentes obligeant la RVA à rendre publics et mensuellement les fonds perçus à titre de redevance pour le développement des infrastructures aéroportuaires d’une part, et d’autre part, la liste et le budget des ouvrages financés avec le Go Pass. De même, elle sollicite l’initiation d’un audit des fonds et des ouvrages financés par ladite taxe et de supprimer la taxe de statistique d’embarquement dans les avions.

Des alertes données en son temps 

En 2010, l’Asadho avait déjà exigé une enquête parlementaire sur l’affectation des recettes perçues par la RVA pour la réhabilitation des infrastructures aéroportuaires en RDC. En 2012, Justin Kalumba, lors d’une visite effectuée à l’aéroport de Kinshasa, avait annoncé l’audit des fonds générés par la taxe Go Pass pour lui permettre de voir clair sur leur destination. « À ce jour, personne ne sait si cet audit avait été fait ou pas », a souligné l’Ong. En 2013, le ministre de la Justice et des Droits humains avait, par ailleurs, instruit le procureur général près la Cour d’appel de Kinshasa/Matete d’ouvrir une information judiciaire sur la gestion de l’argent généré par le Go Pass. À ce jour, personne ne connaît les conclusions de cette information judiciaire qui était annoncée publiquement. En mars 2014, la Cour des comptes avait fait état d’une gestion non orthodoxe de fonds générés par le Go Pass. Cette alerte n’a jamais été suivie.

Réhabilitation des infrastructures 

Le 21 mai, l’administrateur directeur général de la Régie des voies aériennes (RVA), Abdallah Bilenge, a déclaré que les recettes de la taxe de fonds de développement pour les infrastructures aéroportuaires (Idef) étaient gérées de manière transparente. Pour lui, cet argent a permis de réhabiliter les infrastructures de plusieurs aéroports dans le pays. L’Idef a été instauré en mars 2009. Abdallah Bilenge explique qu’avec une moyenne de 400 000 passagers voyageant chaque année à partir des aéroports du pays, cette taxe a rapporté environ 80 millions de dollars en quatre ans. Il affirme d’autre part qu’une partie de cet argent a permis de réhabiliter la piste de l’aéroport de N’djili à Kinshasa. « Nous avons commencé le premier chantier, la réhabilitation de la piste de N’djili. Le coût de ce marché est autour de 60 millions de dollars. C’est un prêt d’Exim Bank, remboursé par l’Idef. Il nous reste 20 millions de dollars de recettes sur les 4 ans », affirme-t-il. Les recettes de l’Idef ont également permis de construire d’autres infrastructures à l’aéroport de N’djili. « Quand vous passez à l’aéroport de N’djili, vous voyez des infrastructures. Il y a un bloc technique, une centrale électrique, une caserne anti-incendie qui est en train d’être construite également. Et les mêmes travaux se font également à Lubumbashi. Les aéroports de Mbandaka et de Kananga sont également en train d’être réhabilités. Et au mois de juin, nous allons réhabiliter Gemena, Isiro et Kalemie », promet-il. A Kinshasa, on rappelle André Kimbuta n’a rien inventé. Le gouverneur de la ville n’a fait que suivre les pas de ses homologues du Katanga et ceux des deux Kasai, Dans ces différentes provinces, une taxe de statistique de 5 dollars est exigée à tous les voyageurs depuis plus d’une année. Une taxe d’embarquement local dans les avions a également été instituée, depuis novembre 2013 par le gouvernement provincial du Bas-Congo.