DE NOMBREUX pays africains ont récemment connu une croissance dynamique après plusieurs décennies de stagnation grâce à l’expansion des produits de base suite à une forte demande de la Chine et dans une moindre mesure d’autres économies émergentes, telles l’Inde et le Vietnam. Nombre de pays africains, comme la République démocratique du Congo, disposent d’énormes potentialités dans la production des produits de base, notamment les minerais, et l’Afrique a ainsi connu une résurgence remarquable des IDE depuis 2002 particulièrement dans le secteur des ressources minières.
L’essor des ressources a connu son envolée en 2003 avec une progression exponentielle des prix des minerais suivie de la flambée des prix des biocarburants agricoles en 2006 et enfin d’autres matières premières agricoles en 2007. La dépréciation des prix des subventions agricoles des pays développés au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ajouté à l’inélasticité dans la production des minerais avaient très certainement provoqué le décalage des prix des produits de base face à la demande asiatique en 2015.
Toutefois, bien que l’amélioration des prix dans le monde soit une aubaine pour les économies nationales touchées par la crise sanitaire, les analystes recommandent que des stratégies urgentes soient envisagées pour améliorer l’impact de la hausse des prix des produits de base sur le vécu quotidien des populations. La question centrale reste néanmoins celle de savoir combien de temps va durer la hausse actuelle des prix des matières premières. Va-t-elle disparaître progressivement comme les précédentes ?
Un « super cycle » long ?
Pour les multinationales qui exploitent les ressources minières en Afrique, l’embellie des cours mondiaux des produits de base est un « super cycle » pourvu qu’elle connaisse une durée de vie plus longue que les précédents booms. Pour les minings, le moteur fondamental de la demande en minerais, c’est l’intensité des métaux face à la croissance du PIB mondial. Les entreprises minières transfrontalières supposent que l’expansion actuelle sera un « super cycle » long sans précédent seulement si la Chine et l’Inde conservent une croissance vigoureuse.
Cependant, comment savoir que la croissance actuelle des économies africaines boostée par les ressources naturelles peut être transformée en industrialisation et développement durable. L’Afrique a toujours exploité ses ressources minières mais les mines n’ont pas assuré le développement escompté des populations pauvres et vulnérables du continent.
Pendant la colonisation européenne, le secteur minier africain a été intégré aux économies européennes à travers la fourniture de matières premières pour leur industrialisation. Après les indépendances, les dirigeants africains se sont penchés sur le renforcement du secteur minier et sa contribution au développement économique et social du continent. Ils ont pensé que ce développement ne pouvait être possible que si l’État disposait d’une bonne part ou mieux, de la pleine propriété des compagnies minières.
D’où la nationalisation d’importantes entreprises privées dans nombre de pays dont la RDC avec la création de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES). Plus de 50 ans après, la prise de contrôle par l’État des industries a eu plus de résultats négatifs que positifs. Dans la quête de l’amélioration des conditions de vie des populations.
Théorie de la malédiction
Un débat intellectuel important est né d’ailleurs de ce constat : les ressources naturelles sont une aubaine ou une malédiction pour le développement économique des pays producteurs de matières premières. Des économistes soutiennent que les ressources naturelles sont un facteur déterminant essentiel de l’avantage comparatif et donc de la croissance économique, tandis que d’autres font observer que la dépendance excessive des économies aux exportations des ressources naturelles maintient les pays producteurs dans un état de sous‑développement.
Singer‑Prebisch fait remarquer que l’échec apparent des efforts de développement de nombreux pays est le fait du rapport de forces inégal entre les pays « pauvres et sous‑développés de la périphérie » et les pays riches et industrialises du « centre ». En raison de ces inégalités structurelles, les ressources vont de la périphérie au centre, enrichissant les pays industrialisés aux dépens des pays pauvres, privant les pays en développement du capital et de la technologie nécessaires à leur industrialisation et perpétuant les inégalités et les disparités. Bref, les relations économiques existantes et la nature de l’intégration mondiale enferment les pays en développement dans un état perpétuel de sous‑développement et de subordination économique.
Face l’échec, l’Union africaine (UA) a adopté la Vision minière africaine (VMA) en 2009. Un cadre d’orientation qui vise « l’utilisation stratégique par l’Afrique de ses ressources minières pour assurer son développement inclusif reposant sur une assise large ». Onze ans après sa création, la VMA ne bénéficie de toute l’attention voulue auprès des parties prenantes principales du secteur minier. La pandémie de Covid-19 démontre que les dirigeants et les citoyens africains doivent agir maintenant pour que les objectifs de la VMA aient une chance de se concrétiser. C’est question d’« une politique transformatrice, capable d’impulser le développement durable sur le continent ».
La Chine a pris un poids croissant dans l’économie mondiale, notamment en matière de demande en minerais stratégiques (cuivre, cobalt, nickel, etc.). Aujourd’hui, presque toutes les matières premières sont échangées en grandes quantités à travers le monde, contribuant ainsi à l’essor rapide de l’industrialisation et du développement qui caractérise l’économie moderne. Plusieurs facteurs ont contribué à la mondialisation des ressources naturelles, notamment la croissance démographique, la colonisation, l’industrialisation et la montée des pays en développement.
L’apparition d’un marché mondial des ressources naturelles est un phénomène relativement récent, étant donné qu’avant, il était trop coûteux de transporter des matières premières en vrac sur de longues distances. Aujourd’hui, les matières premières sont considérées comme des intrants essentiels à la production de tous les produits manufacturés. La façon dont le monde gère les ressources naturelles déterminera, à coup sûr, en grande partie la viabilité de l’économie mondiale.
Les leçons à tirer
L’un des principaux obstacles qui empêchent les pays africains d’atteindre leur potentiel de développement, c’est la mauvaise gouvernance. Il y a donc nécessité d’adopter une nouvelle approche développementaliste de la gouvernance des ressources naturelles en Afrique, en insistant sur une transformation socioéconomique inclusive et participative des pays africains, une transformation que les citoyens peuvent s’approprier.
D’après la Banque africaine de développement (BAD), la valeur ajoutée totale du seul secteur de la pêche et de l’aquaculture en Afrique est estimée à 24 milliards de dollars. Environ 30 % des réserves mondiales de ressources minérales se trouvent en Afrique. Les réserves de pétrole avérées du continent représentent 8 % des réserves mondiales, et ses réserves de gaz naturel comptent pour 7 % des réserves mondiales. Les ressources minérales représentent environ 70 % des exportations totales de l’Afrique et environ 28 % de son Produit intérieur brut (PIB). Les revenus liés aux récentes découvertes de pétrole, de gaz et de ressources minérales pourraient accroître les recettes de l’État de 9 à 31 % au cours des dix premières années de production dans des pays comme le Mozambique, la Tanzanie et l’Ouganda.
Il va sans dire que les industries extractives sont perçues comme des moteurs puissants de croissance économique et de financement du développement. Outre la construction d’industries manufacturières, l’exploitation des ressources naturelles pourrait fournir les recettes nécessaires à l’investissement dans les services sociaux tels que la santé et l’éducation (Africa Progress Panel 2013).