LA GUERRE commerciale entre la Chine et les États-Unis est probablement loin d’être terminée, mais Donald Trump a néanmoins annoncé un accord commercial « très important » – quoique partiel – avec la Chine. « Nous sommes parvenus à un accord très important de phase 1 », a-t-il déclaré à la presse dans le Bureau Oval après une rencontre avec Liu He, le principal négociateur chinois, en compagnie de Steven Mnuchin, le secrétaire américain au Trésor, et de Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce. « Il y avait beaucoup de frictions entre la Chine et les États-Unis, maintenant c’est l’amour! », a-t-il lancé, n’hésitant pas à évoquer l’impact sur « la paix dans le monde » de cette nouvelle entente entre les deux premières économies mondiales. Pour manier l’hyperbole, le président, qui brigue un second mandat, n’en garde pas moins les pieds sur terre et a longuement commenté les achats agricoles substantiels concédés par Pékin et devant bénéficier à une partie de son électorat.
En échange, la Chine a obtenu que Donald Trump renonce à l’augmentation de 25 à 30 % des tarifs douaniers punitifs sur 250 milliards de dollars d’importations chinoises aux États-Unis, qui devait entrer en vigueur mardi 8 octobre. Il reste toutefois encore à coucher sur le papier les termes de la négociation. Un processus qui, selon l’hôte de la Maison Blanche, pourrait prendre quatre à cinq semaines. Il n’a pas exclu de signer, « ou pas », un document avec le président chinois Xi Jinping au Chili en marge du sommet de l’Association des pays riverains du Pacifique en novembre.
Deux autres phases, aux contours très flous, pourraient ensuite suivre pour compléter ce premier accord. Steven Mnuchin, qui s’exprimait devant le président, s’est montré prudent. « Nous avons une entente fondamentale sur les points clés. Nous avons fait beaucoup de progrès, mais il nous reste encore du travail à faire », a-t-il relevé. « Nous ne signerons pas un accord tant que nous ne pouvons pas dire au président que tout est couché sur le papier ». Cette phase 1, à en croire Trump, comprend des achats de biens agricoles pour 40 à 50 milliards de dollars par an. C’est environ deux fois et demi le pic des achats annuels de la Chine. Elle importait en 2017 pour 19,5 milliards de dollars de produits agricoles américains, un nombre tombé à un peu plus de 9 milliards en 2018 sous l’effet de la guerre commerciale. « Je recommande dès à présent à nos agriculteurs d’acheter plus de terres et des plus gros tracteurs » pour répondre à la hausse de la demande, a plaisanté le président américain. Les agriculteurs ont été particulièrement visés par les représailles chinoises. L’administration Trump a dû débloquer 28 milliards de dollars d’aide fédérale pour atténuer leurs pertes.
Le sort de Huawei
Politiquement, Donald Trump est sous pression comme jamais depuis son entrée à la Maison Blanche. Les démocrates ont lancé une enquête en vue d’une procédure de destitution, qui semble soutenue par les électeurs selon plusieurs sondages. Et sa politique brouillonne en Syrie lui vaut des critiques très virulentes jusque parmi ses plus proches soutiens. L’entente trouvée vendredi 11 octobre avec la Chine comprend aussi des éléments sur la propriété intellectuelle – un droit souvent bafoué en Chine -, une plus large ouverture du secteur des services financiers chinois et un volet sur les taux de change.
Le négociateur chinois a, lui, parlé de « progrès substantiels dans de nombreux domaines ». « Nous sommes contents », a ajouté Liu He, laissant entendre que les discussions allaient continuer. En revanche, aucune décision n’a été prise sur les tarifs douaniers de 15 % concernant des produits de grande consommation qui doivent entrer en vigueur en décembre.
Les principaux indices de Wall Street ont en tout cas terminé en forte hausse, même s’ils se sont légèrement repliés au moment où les premiers détails ont filtré. « On a attendu toute la journée d’avoir des détails sur cet accord (…) et le peu qui en ressort semble être plus limité que ce qu’on espérait », a souligné Christopher Low, de FTN Financial. « Il n’en reste pas moins que c’est une très bonne nouvelle et que les gains du jour s’ajoutent à ceux engrangés la veille dans l’anticipation de cette annonce », a-t-il ajouté. Le sort du groupe de télécoms chinois Huawei, que les États-Unis ont lourdement sanctionné, l’accusant de collaborer avec les services de renseignement de Pékin, n’est pas partie prenante de l’accord. La guerre commerciale entre Washington et Pékin fait sentir ses effets sur l’ensemble de l’économie mondiale. Le Fonds monétaire international (FMI) estimait récemment que les tensions commerciales et leurs effets secondaires, comme le gel d’investissements ou encore les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement internationales, allait amputer d’ici 2020 le PIB mondial de 700 milliards de dollars, soit l’équivalent de l’économie suisse.