Il est quasiment rare de voir les entreprises atteindre les assignations alors qu’elles peuvent aussi contribuer aux recettes budgétaires au-delà de ce que l’État attend d’elles. Il y a toujours des disparités entre les bénéfices qu’elles réalisent et les montants qu’elles déclarent.
La réaction de la Direction générale des impôts (DGI) a été immédiate après l’attaque en règle du président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), Albert Yuma Molisho. Son discours-programme pour l’année 2016 est le reflet des préoccupations des entrepreneurs à propos des tripatouillages des lois fiscales depuis 2013. Le « désordre » a atteint son comble l’année dernière quand s’est posée la question de la répartition des impôts, droits et taxes relevant des provinces et des entités territoriales décentralisées. C’est ainsi que la FEC en appelle urgemment à une action concertée entre le gouvernement et les entités décentralisées afin de mieux organiser les services du fisc à travers le pays. Le désordre engendré par cette situation donne libre cours aux tracasseries fiscales dans les provinces nouvellement créées. Mais c’est depuis 2013 que les entrepreneurs se plaignent. Cette dénonciation a sans doute fait mal à la DGI, qui a décidé de présenter aux entrepreneurs, le 28 janvier, les innovations fiscales dans la loi de finances pour l’exercice 2016.
En organisant cette séance de travail, conjointement avec la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD), la DGI poursuivait un triple objectif : vulgariser la loi de finances et la législation fiscale, renforcer le partenariat avec les opérateurs économiques et prévenir les litiges entre les contribuables et l’administration des impôts. Le message du directeur général, Dieudonné Lokadi Moga, était en fait une demande aux opérateurs économiques de se conformer à la législation fiscale en vue de permettre à l’État de disposer de ressources nécessaires pour la mise en œuvre de son programme de développement.
Innovations fiscales
La loi de finances pour l’exercice 2016, qui a été promulguée le 31 décembre 2015, apporte plusieurs innovations. La principale concerne l’impôt professionnel sur le revenu (IPR). Dans la foulée, la loi de finances fixe à 10% le taux de l’impôt sur le capital-pension payé au salarié qui va à la retraite par son employeur à travers la caisse de pensions de retraite complémentaires. La loi fait obligation de préciser ce taux d’imposition. Elle fixe également à 60% le bénéfice fiscal avant imputation et la proportion de l’imputation des pertes professionnelles d’un exercice comptable. La loi vise à consolider le système de report déficitaire illimité (modifications apportées à l’ordonnance-loi de 1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus). De même les micro-entreprises sont astreintes à payer l’impôt sur les bénéfices et profits (IBP) le 30 avril, au plus tard, de l’année qui suit celle de la réalisation des revenus (modification apportée à l’ordonnance-loi de 2013 portant régime fiscal applicable aux entreprises de petite taille en matière d’impôt sur les bénéfices et profits).
Dieudonné Lokadi a insisté sur la nécessité d’uniformiser la date de dépôt de la déclaration de l’impôt sur les bénéfices et profits de toutes les catégories des contribuables. Quant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le seuil d’assujettissement s’applique désormais aux professions libérales (amendement à l’ordonnance-loi de 2010 instituant la taxe sur la valeur ajoutée). Pour cela, le directeur général de l’administration fiscale pense qu’une harmonisation s’impose avec le régime fiscal applicable aux entreprises de petite taille. En matière de procédures fiscales, la loi fait désormais obligation de mentionner le numéro téléphonique et l’adresse électronique sur la fiche d’identification du contribuable à communiquer obligatoirement à l’administration fiscale. C’est pour permettre l’échange de correspondance ou d’informations par voie électronique entre l’administration des impôts et le contribuable. La loi budgétaire innove aussi en donnant la possibilité d’adresser aux contribuables des lettres de relance, valant mise en demeure, de déclarer ou de payer, soit sur le support papier, soit par la voie électronique. Pour sa part, le receveur des impôts est désormais habilité à statuer sur la demande du redevable en matière de contentieux de recouvrement dans un délai de trois jours ouvrables… Toutes ces innovations ont été introduites dans le but d’éviter les interprétations sur les procédures en matière de contentieux d’assiette et de recouvrement. Elles permettent l’exécution de certaines procédures par voie électronique et l’ajustement du taux des pertes fiscales imputables (amendement à la loi de 2003 portant réforme des procédures fiscales).
Quant au directeur général adjoint de la DGRAD, Philipe Kasereka Pilipili, il a mis l’accent sur les taxes relevant du gouvernement central et celles relevant de la compétence des provinces. C’est là où le désordre fiscal est manifeste. Par exemple, la taxe sur la pollution fait polémique. Les gouvernements provinciaux exigent aux opérateurs économiques assujettis de s’acquitter auprès de leurs services, alors que la loi de finances 2016 l’a retenue comme un acte relevant de la compétence du pouvoir central. Le budget du pouvoir central équilibré en recettes et en dépenses est de l’ordre de 8 476 milliards de francs.