Où est passé l’équivalent des 80 millions de dollars récupérés par le Trésor sur la paie des fonctionnaires et agents de l’État ? Des députés d’opposition ont jeté un pavé dans la mare. Lundi 23 avril, au Palais du peuple, l’opposition parlementaire, UDPS, UNC, MLC et alliés, livre à la presse une déclaration dans laquelle elle recommande au chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, de démettre le ministre d’État et ministre du Budget, Pierre Kangudia Mbayi. Les députés de l’opposition reprochent notamment au ministre issu pourtant de ses rangs « la disparition » des 80 millions de dollars, reliquats de la paie des fonctionnaires bancarisés. Mais aussi l’application des deux taux de change selon qu’il s’agit de la perception des recettes dues à l’État ou des dépenses publiques dont la paie dans les institutions publiques.
L’actuel ministre du Budget est entré au gouvernement dans le cabinet de Samy Badibanga Ntita sous l’étiquette de l’Union pour la nation congolaise (UNC). Puis, il a été reconduit au même poste dans le gouvernement du successeur de Badibanga, Bruno Aubert Tshibala Nzhenzhe. Mi-2017, l’UNC a retiré sa confiance en ce gouvernement et, par conséquent, a enjoint Pierre Kangudia de démissionner. Refus catégorique de ce dernier qui s’est donc coupé de son parti dont il sera par la suite exclu.
Banque centrale du Congo
À propos du reliquat de la paie des fonctionnaires et agents de l’État, rappellent ces députés, le ministre du Budget avait reconnu l’existence de cette somme devant la commission économique et des finances de l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de budget 2018. Il avait déclaré que cet argent serait logé à la Banque centrale. « Mais aujourd’hui, nous ne connaissons pas la destination de cet argent », a dénoncé le député Toussaint Alonga, l’un des députés de l’opposition signataires de la déclaration du 23 avril.
Il est également reproché au ministre du Budget de ne pas appliquer le taux budgétaire dans la paie des fonctionnaires et agents de l’État ainsi que de ne pas présenter un correctif budgétaire à la suite de la hausse du prix du cobalt. Toussaint Alonga avait précédemment déposé, le 20 avril, au bureau de l’Assemblée nationale une question orale avec débat adressée au ministre du Budget. Il lui demande de venir s’expliquer à la représentation nationale notamment sur les raisons pour lesquelles toutes les recettes effectuées par l’État sont taxées au taux du jour alors que les dépenses les sont au taux de 930 francs le dollar.
« Nous avons pris notre respectueuse liberté de poser cette question orale avec débat au ministre du Budget pour qu’il nous dise à qui profite la différence des taux qu’on est en train d’appliquer aux fonctionnaires congolais », a fait comprendre à la presse le député Toussaint Alonga. Pour qui, plusieurs zones d’ombres enténèbrent la gestion de l’argent des contribuables congolais au ministère du Budget.
Entretemps, le mouvement revendicatif sur fond de grève se répand dans les services publics. Médecins, professeurs d’université, infirmiers, magistrats, enseignants… tous sont vent debout. En filigrane, le réajustement des salaires, mieux tenir les promesses de l’année passée. En rappel, l’indexation des salaires et émoluments au taux de change moyen entre le franc et le dollar (1 400 francs le dollar). Pour le député UNC, Baudouin Mayo, le 1ER Ministre aurait dû remonter à janvier 2017 pour réparer le préjudice subi par les fonctionnaires et agents de l’État car la loi de finances couvre toute l’année.
Le 2 juin 2017, répondant aux préoccupations exprimées par les députés, Bruno Tshibala avait déclaré : « Je m’interdis de faire des promesses démagogiques et populistes que le gouvernement ne saurait pas réaliser. La question technique et financière qui se pose est de savoir si, avec un taux de croissance très largement inférieur au taux de change et d’inflation, le gouvernement peut se permettre de prendre le risque d’envisager de distribuer une richesse qui n’existe pas et faire sombrer le pays dans une spirale inflationniste des prix et des salaires. » D’après lui, les augmentations prévues dans le projet du budget 2017 étaient en fait des « projections et non des richesses déjà réalisées » que le gouvernement peut commencer à distribuer à travers des rémunérations. Et d’ajouter : « II faut donc traiter avec prudence cette question de l’enveloppe salariale que nous devons encadrer dans les limites de ce que la trésorerie publique nous offre chaque mois ».
L’opinion se rappellera des 88 millions de dollars issues de recettes parafiscales volatilisés en 2012. La Banque centrale et la DGRAD, service colleteur, s’en sont renvoyé la responsabilité sans que le gouvernement n’en fît la lumière. Finalement, plus personne n’en parle. La liste de grosses sommes d’argent disparues ces trois dernières années pourrait bien former un bon chapelet… faute d’orthodoxie financière.