LA VOLONTÉ, tout court, suffit pour réformer, car, dit-on, qui veut peut. Pour cela, il faut oser pour réformer et commencer quelque part, a confié un participant au sortir des états généraux de l’Agriculture. La réforme a un coût. C’est le coût du changement, c’est-à-dire le changement de culture et de mentalité. La réforme est avant tout un processus qui ne doit plus s’arrêter quand il est déclenché. Aux Congolais, donc, de transformer les faiblesses qui ont été méthodiquement identifiées en opportunités.
Les participants à ces assises sur le thème « L’agriculture, clé de la croissance économique durable et de la réduction de la pauvreté en République démocratique du Congo » ont formulé 105 recommandations et pistes de solutions au total, si l’État veut réellement faire de l’agriculture « le véritable pilier de croissance économique et sociale ». Elles vont dans le sens d’accroître les investissements publics dans le secteur, créer des mécanismes incitatifs en faveur des jeunes, attirer les investissements étrangers et trouver des marchés pour les produits agricoles.
Il s’agit aussi d’accélérer la transformation des produits agricoles, encourager les nationaux à monter des fermes agricoles dans les villages pour développer l’agriculture à la base, et enfin créer une banque nationale de développement de l’agriculture et de l’élevage.
La tenue de ce forum national est un moment important dans l’agenda du gouvernement, a expliqué Jean-Michel Sama Lukonde, le 1ER Ministre, à l’ouverture des assises. La diversification de notre économie et la création de conditions d’une croissance exclusive, a-t-il rappelé, constituent le cinquième pilier du programme d’action du gouvernement, censé matérialiser la vision de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le chef de l’État.
« Cette diversification repose, d’abord et essentiellement, sur l’agriculture ainsi que sur la pêche et l’élevage. Aucune croissance économique, aucun progrès social, bref aucun développement durable d’une nation n’est possible s’il ne repose sur ce secteur primaire de l’économie », a posé Sama Lukonde. Et c’est fort de cette conviction, a-t-il enchaîné, que le président de la République a décrété, et à charge pour le gouvernement de le traduire en action concrète, « la revanche du sol sur le sous-sol ».
Slogan politique creux ?
Si le slogan politique depuis des décennies a toujours été de faire de l’agriculture la priorité des priorités dans le développement du pays, en tout cas l’engagement politique a fait défaut. « Mon gouvernement a pris clairement l’option de ne plus reposer tous les espoirs du développement national uniquement sur le secteur des mines. Désormais, aux côtés notamment du tourisme, de la transition écologique, l’agriculture redeviendra réellement dans ce pays la priorité des priorités », a déclaré ferme le 1ER Ministre.
On veut bien croire à sa réaffirmation de cet engagement de l’État mais a-t-il les moyens de sa politique ? « Pour y arriver, le gouvernement lancera bientôt une campagne forte en faveur de l’agriculture. D’ores et déjà, il est prévu, dans les jours qui viennent, la création d’une grande banque nationale de développement, qui aura, entre autres pour vocation, de financer le développement de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage. » C’est dans ce contexte que le gouvernement Sama lance un appel invitant les élites du pays à se construise un toit et à avoir une ferme au village.
Pendant les assises, les participants ont fait un diagnostic des forces et faiblesses de l’agriculture au pays et ont dégagé des perspectives. Ils ont identifié et analysé les différentes contraintes qui handicapent la production, la transformation, la certification biologique et équitable, la recherche agronomique et la commercialisation des produits agricoles.
Aujourd’hui, la tâche du gouvernement est multiple : assurer la visibilité et la promotion des produits locaux bio de qualité pour stimuler la consommation locale ou du made in Congo/DRC. Il devra également encourager les producteurs et les transformateurs locaux à contribuer à la sécurité alimentaire, à la création d’emplois ainsi qu’à l’amélioration du cadre de vie décent de la population en termes de sécurité alimentaire, d’accès aux services sociaux de base tels que l’eau potable, l’éducation, l’énergie, l’habitat décent, etc.
Si le gouvernement cherche à recréer les conditions normales pour le travail de la terre et attirer des investisseurs dans le secteur agricole, l’état des lieux de l’agriculture auront le mérite d’avoir aidé à réorienter les efforts du gouvernement pour la production locale des aliments de bonne qualité. Autre pari à gagner : la professionnalisation de l’agriculture.
La recette de Sama
Le chef du gouvernement des warriors tient mordicus à réussir là où ses prédécesseurs ont échoué : créer et faire de la Banque nationale de développement de l’agriculture un fleuron de l’économie nationale. La banque agricole aura pour principale vocation de financer le développement de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage en RDC. « Le dernier plan national d’investissement agricole (PNIA 2013-2020) avait pour objectif de stimuler une croissance annuelle soutenue du secteur de plus de 6 % indispensable pour réduire la pauvreté, assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la population congolaise et générer durablement des emplois et des revenus », a souligné le 1ER Ministre.
L’objectif n’a été atteint, a dit-il déclaré, citant le dernier rapport IPC qui classifie les territoires de la RDC à un niveau généralisé de crise alimentaire sévère et même de famine dans certains territoires. Rien à faire, il s’est engagé à « renforcer la gouvernance du secteur agricole avec un accent particulier sur l’encadrement de l’agriculture familiale et la promotion des chaînes de valeur agricole locale et diversifiée, ainsi que de la recherche et des financements innovants.
Le gouvernement entend donc mettre en place des stratégies conduisant à faire sauter les contraintes pour faire de l’agriculture la clé de la croissance économique durable et de la réduction de la pauvreté en RDC. Pour cela, il faudra notamment sécuriser et moderniser les systèmes de production agricole afin d’améliorer durablement la productivité des filières par un meilleur accès aux facteurs de production, aux marchés et l’environnement juridique et judiciaire en vue d’une bonne gouvernance du secteur agricole.
Les états généraux de l’agriculture 2021 auront été finalement une occasion pour le pays d’améliorer sa gouvernance et le financement du secteur agricole. Avec ses 80 millions d’hectares de terres arables, la RDC a vocation d’un pays essentiellement agricole. Pourtant, 8 millions d’hectares seulement de cet espace arable sont effectivement consacrés aux cultures et aux pâturages. Le secteur agricole national est caractérisé par plusieurs contraintes qui en freinent le développement, notamment l’absence d’une politique adéquate, le faible financement, le vieillissement des plantations familiales, l’abandon des plantations industrielles et la perte de confiance des investisseurs privés dans les cultures d’exportation, la carence d’intrants, la détérioration des infrastructures rurales, particulièrement les pistes de desserte agricole, la faiblesse de la recherche agronomique, la non maîtrise des techniques d’irrigation, l’insécurité foncière et la baisse sensible de la productivité des produits pérennes et industriels.
Et pourtant, le pays a des potentialités agricoles indéniables portant essentiellement sur la disponibilité des terres cultivables, la fertilité naturelle des sols, la grande diversité climatique et d’importantes ressources naturelles encore sous exploitées. Il faudra donc que le gouvernement mette en œuvre des stratégies de relance et de développement des filières agricoles d’exportation, telles que le café (arabica et robusta), le cacao, l’huile de palme, le caoutchouc, le coton, le thé, le quinquina, etc. afin que la RDC redevienne pays producteur et exportateur d’une gamme variée de produits agricoles dans le monde.