Faut-il prendre très au sérieux les perspectives de Moody’s sur l’Afrique

L’agence de notation a récemment ramené de « stable » à « négative » la perspective entourant ses notes souveraines mondiales pour 2020. Pour cause : une situation politique inédite et difficile à anticiper allait freiner la croissance et accroître le risque de chocs économiques ou financiers.

MOODY’S a abaissé les perspectives des notes de la Grande-Bretagne, de l’Afrique du Sud, de l’Inde, du Mexique, de la Turquie et de Hong Kong. L’agence de notation avertit que les incertitudes politiques et les conflits commerciaux, à commencer par celui qui oppose les États-Unis et la Chine, vont pénaliser les économies ouvertes et celles qui exportent des matières premières. Un climat général de plus en plus tendu risque aussi de fragiliser les institutions nationales et internationales, donc d’accroître le risque de crise tout en réduisant les moyens d’y faire face. 

L’Afrique inquiète

Ces perspectives se fondent sur la base d’une étude qui porte sur les 142 pays notés par Moody’s, représentant au total 63 200 milliards de dollars de dettes souveraines. « Il y a peu de points positifs et le risque de voir émerger davantage de points négatifs augmente », souligne l’agence. 

« Les politiques imprévisibles engendrent un environnement économique et budgétaire imprévisible », poursuit-elle. Si le conflit entre les États-Unis et la Chine reste la principale illustration de cette tendance, les tensions sont à la hausse aussi dans le Golfe, entre le Japon et la Corée du Sud, entre l’Inde et le Pakistan, entre les États-Unis et l’Union européenne (UE) ou encore entre cette dernière et la Grande-Bretagne.

Dans cet environnement délétère, l’agence Moody’s est pessimiste pour l’Afrique subsaharienne. En dépit d’une légère reprise de la croissance, elle trouve que l’Afrique subsaharienne est trop endettée pour faire face à d’éventuels chocs externes commerciaux, financiers ou climatiques. Les prévisions de l’agence de notation Moody’s pour l’Afrique subsaharienne en 2020 sont « négatives ». 

Certes, elle reconnaît que la croissance va reprendre sur la zone, passant de 3,1 % en 2019 à 3,5 % cette année, que le déficit budgétaire moyen reculera de 3,3 % à 3 % et que la dette médiane des pays subsahariens par rapport à leur produit intérieur brut (PIB) baissera de 54,5 % à 51 %.

Mais ces améliorations lui semblent trop faibles pour permettre à la région de surmonter d’éventuelles turbulences, car elle souffre de trois maux, selon l’agence : « une trop grande dépendance des pays exportateurs de matières premières à la demande mondiale », « une croissance trop modeste » pour augmenter les revenus par tête et donc la capacité des gouvernements à dégager des recettes et « une plus grande dépendance » que par le passé vis-à-vis de dettes commerciales onéreuses.

Pour Moody’s, les pays les plus capables de s’adapter à une chute de leurs recettes et donc les plus flexibles pour tailler dans leurs dépenses sont le Rwanda, le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Les moins adaptables sont le Ghana et la Namibie. Compte tenu du faible niveau de ses réserves, la Zambie n’a, quant à elle, « aucune chance » de parvenir à rembourser ses dettes dans un proche avenir.

Les pays qui afficheront la croissance la plus forte resteront les pays importateurs de matières premières, à l’instar de la Côte d’Ivoire, de l’Éthiopie et du Rwanda qui afficheront en 2020 un taux de croissance supérieur à 7 %. Les grandes économies que sont le Nigeria et l’Afrique du Sud demeureront languissantes avec + 2,5 % et 1 % respectivement. Les pays pétroliers amélioreront leurs comptes, mais modestement.

L’agence de notation s’inquiète particulièrement du changement de structure de la dette. Les prêts consentis à l’Afrique subsaharienne sont de plus en plus souvent des prêts commerciaux, beaucoup plus onéreux que les prêts concessionnels de la Banque mondiale ou de la Banque africaine de développement. 

En 2013, 65 % de la dette externe du Kenya était composée de prêts concessionnels ; en 2018, cette proportion est tombée à 39 %. De nombreux prêts sont à échéance rapide et, à partir de 2022, les remboursements promettent d’être lourds : cette année-là, la Zambie devra régler 750 millions de dollars, puis un milliard de dollars en 2024 – tout comme l’Éthiopie – tandis que le Kenya devra s’acquitter de deux milliards de dollars.