LA CRISE sanitaire due au Covid-19 n’en finit pas de faire des ravages dans la finance mondiale mais aussi dans les économies nationales. Normal que les institutions financières internationales et les gouvernements cherchent la parade. Depuis que Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, s’est adressé aux Congolais, les propos et les gestes dans la classe politique sont jugés « trop dangereux » par les temps qui courent. Ils ne sont guère enclins à rassurer les partenaires de la République démocratique du Congo et les investisseurs.
Depuis quelques jours, on assiste à un enchaînement de petites escalades, depuis que le président de la République les a annoncées et qu’il les a même entamées le mardi 3 novembre, les consultations politiques présidentielles, au lieu de rassurer, affolent au contraire, surtout dans les milieux de la finance et des affaires. C’est que de Kinshasa à New York en passant par Paris et Londres, cela est perçu comme la faillite de la coalition politique (FCC-CACH) au pouvoir. Le pire dans tout cela, c’est que tout le monde se méfie de tout le monde. Pas très rassurant ! D’autant que tout le monde parle de chercher une « nouvelle majorité » et, par conséquent, un nouveau 1ER Ministre, et donc un nouvel exécutif. Comme si changer de 1ER Ministre et de gouvernement est facile à faire.
Crise de confiance
En clair, le grand casino national de la politique est préoccupé par l’échéance électorale de 2023. Normal aussi qu’on cherche à savoir qui détient précisément le pouvoir afin de se projeter à l’horizon 2023. C’est que la classe politique nationale est prisonnière d’une logique absurde : le maroquin ministériel dépend du degré de l’engagement politique. C’est qu’on n’entrevoit pas, à la crise actuelle pourrait succéder une autre de plus en plus mal à répondre. Ce serait prendre les Congolais en otage.
Alors, que faire pour débloquer la situation ? La crise actuelle n’est pas une crise politique, c’est une crise de confiance. Pour la rétablir, il faut donner l’exemple en revenant aux fondamentaux de l’économie surtout en cette période de crise sanitaire qui fait des ravages dans l’économie mondiale. Les conflits politiques existent, sous-tendus d’oppositions partisanes et d’intérêts électoraux divergents. Pour autant, la situation où l’on tirerait à hue quand l’autre tirerait à dia serait suffisamment nuisible aux deux pour qu’ils veillent à l’éviter.
Dans une coalition ou une cohabitation, c’est selon, chacun est obsédé par l’échéance électorale suivante et agit en fonction d’elle. En RDC, au contraire, les besoins quotidiens de la gestion de l’État l’emportent sur les batailles politiciennes.
La RDC a toujours été une nation profondément contradictoire, ambitieuse et inquiète, intrépide et fragile, orgueilleuse et pessimiste. Laurent Désiré Kabila, un ancien président de la République, parlait en souriant mais sévèrement de la classe politique congolaise comme « une kermesse de gens inutiles et corrompus ». D’ordinaire, les Congolais en général ont une passion pour la gloire. Cela s’applique avant tout aux politiciens. L’orgueil congolais qui occupe un grand espace au sein de la société, se transforme le plus souvent en déni de réalité. Une attitude qui consiste à refuser de voir les choses telles qu’elles sont réellement pour diverses raisons.
Changer de 1ER Ministre, aujourd’hui, pourrait signifier que Sylvestre Ilunga Ilunkamba a échoué dans sa mission. Est-ce qu’il a réellement démérité ? À 72 ans, plutôt discret, ce professeur d’économie à la retraite était le choix du consensus, entre Joseph Kabila (FCC majoritaire au Parlement) et Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo (CACH, le président élu) pour le poste de 1ER Ministre. Si la taille de son cabinet (66 membres) est à coup sûr un handicap, sa réussite dépendait largement de l’état d’esprit qu’il devait imprimer dans la relation des Congolais au pouvoir d’État. Dans cet attelage politique de coalition en trompe-l’œil, Sylvestre Ilunga Ilunkamba a fait montre de sagesse pour éviter le crash et avoir la main mise sur les membres de son gouvernement, qu’il n’a pas choisis, du reste, ainsi que d’une grande capacité de conciliation. Au point que le FCC dont il est issu lui reproche de s’accommoder bien trop du chef de l’État, alors que le CACH l’accuse d’être plutôt plus à l’écoute de sa famille politique.
On aurait dû s’en douter le 20 mai 2019 quand Ilunga Ilunkamba a été désigné 1ER Ministre et en septembre de la même année quand son gouvernement a été investi par l’Assemblée nationale. Et voilà la RDC replongée, à nouveau, dans l’une de ses tourmentes politiques spasmodiques qui jalonnent son existence. Et voilà tous les responsables politiques nationaux à la recherche de la « formule magique » qui permettrait de sauver l’alternance (?) sans humilier le peuple frondeur. L’élan tant attendu peine à se concrétiser, deux ans presque après l’élection présidentielle de décembre 2018. En tout cas, sur les berges de la rive gauche du fleuve Congo, rien n’est si sûr qu’on va fêter la Noël et le Nouvel An sous des favorables augures. En dépit de la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19, le cabinet Ilunga fait tout pour stabiliser le cadre macroéconomique. Des observateurs s’accordent que Sylvestre Ilunga est le 1ER Ministre de l’équilibre ayant la confiance des partenaires.
Au tournant de l’An II
Changer de 1ER Ministre en ce moment trouble ne sera pas un exercice aisé. Il a fallu cinq mois pour trouver un 1ER Ministre du consensus, il a fallu quatre autres mois pour former le cabinet. Mais combien en faudra-t-il pour mettre en place un nouveau gouvernement ? Changer de 1ER Ministre ne serait donc pas la solution idéale compte tenu des enjeux du moment. Encore que le prochain 1ER Ministre devra avoir la confiance du peuple et des partenaires.
La politique économique suivie au cours des cinq dernières années a permis au pays de renouer avec la stabilité macroéconomique et la croissance. De l’avis des observateurs, malgré l’épidémie de Covid-19, Sylvestre Ilunga est parvenu à consolider les progrès réalisés qui doivent constituer le point de départ de l’étape suivante. Celle du renforcement de la résilience de l’économie. La mobilisation des recettes nationales reste le principal défi à relever. Si l’on veut conduire le pays à l’émergence à l’horizon 2030, il faudrait donc une stabilité certaine du gouvernement.
Aucun investisseur sérieux ne va mettre son argent dans le pays s’il n’y a pas de gouvernement. Aucun partenaire financier ne s’intéressera à notre pays s’il n’y a pas de gouvernement. Depuis le 6 septembre 2019, Ilunga Ilunkamba laisse l’impression de travailler loin des pressions des politiciens de tous bords. Il a placé son action sous le signe de fierté et de responsabilité. Pour un homme de son âge, et de surcroît professeur d’université, fierté et responsabilité signifient avoir le sens de l’honneur ou le sentiment d’une dignité morale. En clair, le temps du bricolage et autres tactiques sinueuses est révolu… Les Congolais exigent de leurs dirigeants moins de discours mais plus d’actions concrètes. Ils exigent un développement économique réel du pays conduisant à l’amélioration de leur vécu quotidien.