Une commission mixte DGRAD-Budget de conciliation des recettes issues des ventes des dossiers d’appel d’offre devrait être mise sur pied dans les prochains jours, d’après le gouvernement. L’an dernier, quand l’affaire a éclaté au grand jour, le gouvernement a fait la même annonce, mais rien n’est venu. Quand les prémisses sont fausses, la conclusion ne peut qu’être absurde, selon la logique élémentaire. Puisque les recettes posent problème, le nombre des dossiers d’appel d’offre vendus l’est aussi.
Or 60 % des dépenses annuelles de l’État relèvent des marchés publics. Donc, même les dépenses effectuées par l’État sont sujettes à caution. Cela se sait et n’étonne plus. Le ministère du Budget compte quatre principaux actes générateurs de recettes, à savoir les droits de vente des cahiers spéciaux de charge ou dossiers d’appel d’offre, la vente de la nomenclature des dépenses et recettes, la vente du budget mécanisé ainsi que les droits de vente de publication du ministère du Budget.
De tous ces actes, seul celui lié à la vente du DAO (dossier d’appel d’offre) rapporte des recettes depuis quelques années. En 2015, selon le ministère du Budget, la vente des DAO a rapporté 21 505 310 FC sur des prévisions de 1 600 000 000 FC. En 2016, 5 150 000 FC sur 1 564 770 642 FC attendus, et en 2017, les recettes n’ont pas été rendues publiques alors que les assignations étaient de 376 149 000 FC.
Naturellement, la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGDA) n’acquiesce pas le montant des recettes avancées par le ministère du Budget. Il est fréquent, a-t-on appris, que la régie financière qui encadre les recettes parafiscales n’émette pas sur la même longueur d’onde avec ce service d’assiette. Selon la DGRAD, le ministère du Budget n’a jamais atteint, ces quatre dernières années, 2 % de ses assignations. En 2015, le ministère du Budget n’avait réalisé que 1.3 % de ses prévisions, en 2016, 0.33 % en 2016 et en 2017, il devrait se limiter à moins de 1.7 %. Alors que les procédures de passation des marchés publics ont pratiquement érigé la fraude en norme, selon le récent rapport du Bureau d’expertises comptables et de commissariat aux comptes (BEC Sarl) sur l’audit définitif de conformité des marchés publics entre 2013 et 2015.
Les marchés dérogatoires (gré à gré) représentent en termes de volume 48.48 %, selon le rapport du BEC Sarl. « La plupart des marchés initiés par procédure dérogatoire de gré à gré n’ont aucunement respecté les dispositions de l’article 42 de la loi 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics et des articles 143, 144 et 145 du décret n°10/22 du 22 juin 2010 portant manuel des procédures de la loi relative aux marchés publics », note le BEC Sarl. Qui rappelle que les conditions essentielles pour obtenir un marché de gré à gré portent sur la détention d’un brevet d’invention, d’une licence ou d’un droit exclusif, les raisons techniques ou artistiques détenues par un seul prestataire, l’extrême urgence… les marchés spéciaux.
Hélas, ces conditions ne sont pas toujours respectées. Et la Direction générale de contrôle des marchés publics (DGCMP) se retrouve enjambée sinon complice des forfaitures dans les marchés dérogatoires. L’autorité spéciale de la DGCMP a été accordée en violation de la loi pour le marché conclu entre l’Office des Routes (OR) et la firme SGBTP pour un montant de 174 424 74 dollars portant travaux de sauvegarde de la nationale n°1, tronçon Kenge-Kikwit. Il s’y ajoute, poursuit l’audit, que ce contrat n’a même pas été soumis à l’autorité d’approbation, le ministère de tutelle, les ITPR. Le BEC Sarl fait également état de ce marché non prévu dans le plan prévisionnel initial de passation des marchés relatif aux travaux de lutte antiérosive du site Bolikango dans la commune de Ngaliema attribués par l’Office de voiries et drainages (OVD) à la société chinoise Zhengwei Technic Congo pour un montant de 2 294 840, 22 dollars toutes taxes confondues (TTC). Ce marché a été attribué et son exécution entamée bien avant la formulation de la demande d’autorisation de passer un marché en attente directe (gré à gré).
L’audit du BEC Sarl met notamment à nu les pratiques du Bureau central de coordination des projets (BCECO) qui a passé outre les refus de la Direction générale de contrôle des marchés publics de lui accorder l’avis de non-objection pour passer des marchés de gré à gré. Le BCECO fondait ses marchés de gré à gré sur des « autorisations données par le 1ER Ministre, notent les auditeurs du Bureau d’expertises comptables et de commissariat aux comptes. Il sied de rappeler qu’à l’époque des faits, Augustin Matata Ponyo, ancien DG du BCECO, était à la Primature. Comme par complaisance ou complicité, l’État a résolu de créer un acte générateur de recettes ayant pour effet de laisser les coudées franches aux pratiques honnies de gré à gré. Il est annoncé un arrêté interministériel Finances-Budget fixant le taux des droits sur les dossiers des marchés publics passés par la procédure de gré à gré. Le ministère des Mines gère les droits de vente des cahiers de charge (DAO) pour l’attribution de gisements miniers.