Flou sur le nombre des véhicules importés et des plaques délivrées

Avec des recettes escomptées de 20,5 milliards de francs, les importations de véhicules représentent 26,48 % de l’assiette imposable par nature des produits d’accises en 2018, selon la DGDA. 

 

La Direction générale des douanes et accises (DGDA) fonde ses projections sur la structure de l’exercice 2016 et du premier semestre 2017 de la valeur CIF soumise aux droits d’accises à l’importation. Mais ces bonnes perspectives ne se reflètent pas sur la délivrance des plaques d’immatriculation par l’Hôtel des impôts. Pour l’exercice 2018, la Direction générale des impôts (DGI) compte en effet réaliser 3 497 124 390 FC sur les ventes des plaques d’immatriculation. L’effet escompté à travers l’arrêté du ministre des Finances n°002/CAB/MIN/FINANCES/2017 du 18 janvier 2017 portant majoration de la taxe relative à l’immatriculation des véhicules n’est guère perceptible dans les projections financières de la DGDA. 

D’ailleurs, le gouvernement a recommandé le concours de la Police de circulation routière (PCR) dans le contrôle des véhicules faisant encore usage des anciennes plaques d’immatriculation. Selon le colonel Pierrot Mwana Mputu, porte-parole de la Police nationale congolaise (PNC), un véhicule d’un officiel a été dernièrement mis en fourrière jusqu’à ce que le concerné se soit procuré une plaque minéralogique.Cependant, il sied également de préciser que les recettes de la DGI subissent l’impact de la circulaire ministérielle n° CAB/MIN/FINANCES/2017 du 12 avril 2017 portant répartition du produit de la vente des imprimés relatifs à l’immatriculation des véhicules entre le Trésor public et les partenaires associés à l’opération de production et de distribution des plaques minéralogiques. Il convient également de relever que les prévisions de la DGI reprennent uniquement celles relatives à l’immatriculation des automobiles dont la compétence revient clairement au pouvoir central. 

Intégration budgétaire

Selon la loi de finances publiques (LOFIP), les provinces auraient dû transmettre leurs projets d’édits d’intégration budgétaire au pouvoir central, au plus tard le 20 avril, afin de permettre au gouvernement de déposer le projet de loi de consolidation du budget au plus tard le 31 mai. Hélas, rien n’est venu. Les trois régies financières traditionnelles (DGI, DGDA et DGRAD) sont, en effet, mises à rude épreuve dans leurs activités aux frontières par les nouvelles régies financières provinciales, particulièrement dans les parties est et sud du pays (Mahagi, Kasindi, Faradje… Whisky), par où entrent de nombreux véhicules. Si des experts estiment que l’assouplissement du décret sur les importations de véhicules, fin mars 2017, a porté ses fruits, les prestataires publics qui ont milité pour son amendement, n’en ont pas suffisamment tiré profit… à moins qu’il ne s’agisse des intérêts égoïstes. 

Pour mémoire, les agents des services portuaires à Boma, dont la DGDA, l’Office congolais de contrôle (OCC), l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM) et de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP)) ont, dans un mémo adressé à l’alors 1ER Ministre, Samy Badibanga Ntita, ont écrit que le décret de son prédécesseur, Augustin Matata Ponyo, interdisant l’importation de véhicules de plus de dix ans d’âge avait fini par plomber les activités d’import-export. 

À l’époque, l’on estimait que les navires qui ramenaient plus de deux mille voitures à Boma, n’en déchargeaient que moins de cinq cents. Par conséquent, les recettes liées à l’importation ont sensiblement baissé. Et les services publics prestataires à la frontière ont sollicité du chef du gouvernement le retrait de ce décret sans autre forme de procès. 

Dans le budget de l’État portant exercice 2017, l’apport de l’OCC ou de l’OGEFREM dans les recettes de la RDC est nul, soit 0 FC. Comme en 2016 et 2015. Alors que l’ex-ONATRA qui revendiquait également la levée du décret de Matata, a porté ses assignations 2017 à plus de 725,9 millions de francs. En 2016, pour des assignations de 842 148 293 FC, la SCTP avait réalisé 3 730 156 942 FC, soit un taux de réalisation de 442,93 %. La DGDA, quant à elle, n’a réalisé que 57 % de ses assignations sur les droits d’accises sur les importations des véhicules en 2016, soit 12 022 098 157 FC collectés sur 21 011 631 953 attendus. 

En 2017, les recettes ont été plutôt au rabais. La DGDA n’a réalisé qu’environ 40 % de ses projections, 10 870 525 421 FC sur 21 414 012 619 FC. Les effets du décret du 2 octobre 2012 portant interdiction d’importation de véhicules d’occasion de plus de 10 ans de vie se sont fait encore sentir au point que la DGDA a préféré tabler ses revenus 2018 sur l’exercice 2016. 

En 2015 pourtant, les importations de véhicules ont rapporté plus de 15,7 milliards de francs, soit plus de 17 millions de dollars contre des prévisions de plus de 30 millions de dollars.

« Bill of cost » 

 L’importation de véhicules d’occase couvre en effet plusieurs autres commerces des produits manufacturiers de seconde main, dont les appareils électroménagers. Ce sont les très célèbres « Bill of cost » appelés « bilokos » dans le parler kinois. Plutôt qu’à l’État, l’amendement porté au décret de Matata faisant passer de 10 à 20 ans l’âge des véhicules devant être importés en RDC a, selon toute vraisemblance, profité aux particuliers, aux entreprises d’export-import privés ainsi qu’à des agences en douane.  Et, contrairement à une certaine presse, la RDC est loin d’être l’unique pays au monde à recourir aux vieilles voitures pour soutenir son économie. 

Aux portes de l’Europe, l’Algérie qui a fait le frais comme la RDC de la baisse des cours mondiaux des matières premières, a aussi décidé, dans le cadre du projet de loi de finances 2017, de lever l’interdiction de l’importation de véhicules d’occasion décidée en 2002. « On va lever cette interdiction et élaborer un cahier des charges bien précis qui permet de ne pas importer des véhicules représentant des dangers à la circulation », a laissé entendre le ministre algérien du Commerce, Bakhti Belaïb.  « L’essentiel pour nous est que ce soit un marché transparent où l’acheteur a des garanties suffisants », a-t-il ajouté. Selon les chiffres communiqués par les douanes algériennes, la facture des importations de véhicules s’est chiffrée à 3,14 milliards de dollars en 2015, contre 5,7 milliards en 2014.

En RDC, le gouvernement a installé des centres de contrôle technique notamment dans la capitale pour détecter toute anomalie sur un véhicule. Ce check-up, foi de cet importateur auto, coûte au bas mot 75 dollars. En 2015, le gouvernement s’était engagé à implanter une usine de montage des véhicules dans la capitale. Rien n’est venu depuis lors. Par ailleurs, pour un véhicule d’occase acheté à 1 000 euros en Europe, il va falloir payer 4 000 dollars à la douane, sans compter les sempiternels pourboires. Plutôt des déboires pour les services de l’État.