Franchir le cap de la digitalisation sans attendre

FinAfrique, spécialisée dans les études, la formation et le conseil financier, a publié des chiffres sur l’accès du digital dans les secteurs de la banque et de l’assurance dans 21 pays d’Afrique au Sud du Sahara. Il en ressort que dans ces États, le secteur financier peine à tirer avantage du potentiel des affaires en rapport au niveau d’accès des populations au mobile.

CE NE sont pas les meilleures amies des banques : la mondialisation et la digitalisation. Elles impliquent un travail titanesque mais nécessaire afin de s’engager sereinement vers l’e-révolution. À l’ère de la digitalisation, les banques et les assurances doivent pouvoir s’appuyer sur une politique bien définie et suivie à tous les échelons. Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dans le monde, les règles sont de plus en plus difficiles à contourner. Et la technologie laisse apparaître de nouvelles formes de tentatives, notamment de fraude. La banque traditionnelle a tendance à disparaître car les opérations n’ont plus forcément besoin d’être effectuées au guichet. Il faut donc redoubler de prudence et d’attention. 

On compte aujourd’hui en Afrique, environ 350 millions de comptes de mobile money enregistrés, contre un peu plus de 120 millions de comptes bancaires. Cet écart montre, si besoin en est, le potentiel disponible et la puissance du mobile. Le constat est que le taux de bancarisation évolue encore de façon timide en Afrique, comparé au taux d’inclusion financière qui augmente rapidement, notamment grâce aux services financiers numériques. Aujourd’hui, force est de reconnaître que ce marché est encore immature, et donc il est difficile de s’aventurer à avancer des chiffres potentiellement réalisés par les banques et les assurances en Afrique subsaharienne.

La peur du changement

Leticia Ngahane Konan est l’un des responsables de FinAfrique. Dans une interview à l’agence Ecofin, elle déclare : « Pour pérenniser les activités de banque dans un monde interconnecté, il conviendrait de franchir le cap du digital sans attendre. » Dans son étude, FinAfrique a constaté plusieurs contraintes qui peuvent se résumer à trois aspects : psychologique, matériel et financier. « Il y a la peur du changement de culture d’entreprise, mais également les coûts induits par cette transformation digitale concernant les développements informatiques, la sécurisation de données, la formation des salariés, etc. Il y a aussi le manque d’informations chiffrées sur les études d’impacts de cette transformation, et pour certains pays, le manque d’infrastructures mobiles fiables à l’échelle nationale », explique Leticia Ngahane Konan. D’après elle, le digital représente un canal de souplesse, de rapidité dans les échanges et d’immédiateté en termes d’accès à l’information pour chaque client. Par défaut, poursuit-elle, le canal digital est un vecteur d’efficience dans le suivi de la relation commerciale. « Au cours de nos travaux, un certain nombre d’institutions étaient en cours de construction de leur plateforme d’e-banking ou de développement d’application mobile. On a pu constater une prise de conscience réelle de cet atout digital. Le bon sens nous indique que tout processus doit être optimisé et amélioré dans le temps. »

Quelles améliorations la digitalisation a-t-elle apportées dans les marges nettes des banques et des assurances ? Equity Bank au Kenya, par exemple, a vu, en 2018, ses résultats augmenter d’environ 141 %, et ses transactions d’environ 66 % entre 2015 et 2016 du fait d’avoir transféré, en 2016, 66 % de ses transactions sur le canal mobile, contre seulement 46 % un an plus tôt.

En matière de régulation (normes et processus de mise en œuvre de ces normes), il est regrettable de constater que les régulateurs n’ont pas encore publié les règles à adopter. Certains pays réfléchissent ou mènent des actions pour encadrer cette activité. « Une loi d’orientation de l’économie numérique permettrait aux différents pays de bénéficier pleinement de la profitabilité générée par la transformation digitale sans déperdition de capitaux », estime Leticia Ngahane Konan. Qui ajoute : « L’aspect réglementaire pourrait combiner, par exemple, des éléments sur la protection des données ou de soutien à l’innovation et de déploiement de l’accès au numérique, etc. » Récemment, à la Semaine de l’inclusion financière, organisée à Dakar au Sénégal, la Banque Centrale pour les États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a préconisé des réformes pour la protection des consommateurs face à l’évolution fulgurante de la digitalisation.

« Au préalable, il serait judicieux pour les banques et les assurances de définir chacune sa propre stratégie digitale en formant les équipes, en ajustant son organisation et en définissant sa cible produits/clients », recommande Leticia Ngahane Konan.