L’APPLICATION devient non seulement un tremplin pour de nombreuses marques, mais aussi il fait le bonheur des vendeurs et acheteurs. Dans un intéressant article, Slate évoque le rapport de la société d’analyse Ghost Data : « Du faux sac Chanel aux claquettes Gucci en passant par le survêtement Adidas contrefait, tout ou presque transiterait par Instagram », peut-on lire. Selon ce document, 50 000 comptes en lien avec des produits frauduleux ont été identifiés, une augmentation de 171 % par rapport à 2016. Autre chiffre surprenant : pas moins de 20 % des publications Instagram sur des articles de mode contiendraient des produits contrefaits. Au-delà de leur nombre accru, ces comptes seraient extrêmement actifs. Ils ajouteraient en moyenne 1,6 million de stories illicites sur le réseau social chaque mois.
Derrière ce boom souterrain, des fonctionnalités ajoutées au fil des mises à jour sur l’application ont facilité le développement de ces marchands peu scrupuleux. Les fameuses stories Insta, qui disparaissent au bout de 24 heures, ont notamment permis de faire fructifier ce business de manière plus discrète. Les analystes de Ghost Data affirment par ailleurs qu’ils ont été en mesure d’identifier des comptes spécifiques, devenus populaires grâce à cette fonction story. C’est le cas, par exemple, d’un compte publiant des vidéos directement depuis une usine chinoise qui fabrique des baskets Yeezy d’Adidas contrefaites.
Pertes sèches pour le luxe
Les marques de luxe perdraient environ 30,3 milliards de dollars au profit de la contrefaçon en ligne, d’après un rapport sur la contrefaçon des marques dans le monde publié en 2018. Selon Ghost Data, les marques les plus contrefaites sur Instagram seraient Louis Vuitton, Chanel, Gucci, Nike, Fendi et Balenciaga. En dehors de porter atteinte à l’image et aux résultats financiers des marques, les contrefaçons nuiraient également à leur intégrité en étant source de financement du terrorisme et d’autres réseaux d’activités criminelles.
Dans un courriel à Vox, un porte-parole d’Instagram a souligné que la vente de contrefaçons était bien illégale et que l’application travaillait en étroite collaboration avec la police pour identifier les contrevenants et les expulser de la plateforme. « Nous voulons que notre communauté ait de bonnes expériences avec les entreprises sur Instagram, nous prenons très au sérieux les droits de propriété intellectuelle, y compris les problèmes de contrefaçon […] Nous répondons de façon régulière aux signalements de contenus associés à de la contrefaçon dans la journée et bien souvent en quelques heures. De plus, nous continuons à lutter de manière proactive contre les contenus malveillants, y compris ceux susceptibles de contenir des produits contrefaits, avec des systèmes sophistiqués de détection et de blocage des spams », précise-t-il.
Mais comme le note le rapport de Ghost Data, le problème de la contrefaçon sur Instagram ne fait que s’amplifier. Cette enquête arrive à un moment charnière pour le réseau social, qui s’efforce de devenir une plateforme davantage tournée vers l’achat. En mars, Instagram a annoncé qu’elle introduirait une fonction d’achat permettant aux internautes de passer commande directement à travers des publications, notamment celles de certains influenceurs.
Qu’est-ce qu’une contrefaçon ?
Aujourd’hui, il est admis qu’« un bien contrefait est une imitation ou la réplique du produit d’une autre société ». Un bien contrefait copie généralement la marque de commerce (le nom ou le logo) ou les fonctions spécifiques du produit de cette autre société pour imiter un produit authentique. La fabrication, la promotion ou la vente d’un bien contrefait est une violation illégale des marques de commerce dans la plupart des pays, reconnue comme nocive pour les consommateurs, les titulaires de marque de commerce et les vendeurs honnêtes.
Les biens contrefaits peuvent être illégaux même si le vendeur indique explicitement que les biens sont contrefaits, ou s’il dénie autrement l’authenticité des biens. Pendant une décennie, les logos des grandes marques de mode ont été imités, transformés, portés par tous les ambassadeurs du mauvais goût. Sac Dior, lunettes à strass Chanel, casquette Lacoste ou encore sacoche Louis Vuitton, ces accessoires de luxe ont été vulgarisés dans les années 2000 par les premières starlettes de télé-réalité comme Paris Hilton et ses copines. Jean taille basse, piercing, logo XXL et gloss brillant, autant d’éléments qui constituaient la tenue parfaite du début de la décennie. Une vulgarité assumée et démocratisée par la télé-réalité, sacralisée. La vulgarité fascine pourtant le monde de la mode, la transformant en audace ou en provocation.