Gestion de la pandémie : la RDC entre tâtonnement et espoir

L’urgence du présent et l’incertitude du lendemain, causés par le Covid-19, ont plongé le monde dans le désarroi, remis en cause l’ordre mondial et bouleversé des normes mondialement acceptées.

LA propagation de la maladie, signalée pour la première fois en Chine en décembre 2019, a atteint l’Europe et les États-Unis un mois plus tard et progresse maintenant dans tous les coins du globe. La pandémie cause ainsi une crise économique mondiale sévère, jamais recensée depuis 1929, et enfonce les économies africaines, déjà fragiles, dans le gouffre. Pour certains pays, comme la République démocratique du Congo, cette crise sanitaire est un calvaire qu’il faudrait surmonter avec courage et intelligence.

La RDC est un pays régulièrement confronté aux épidémies. Le pays a déjà fait face, à dix reprises, à l’épidémie d’Ebola. La dernière vague, dont les résidus demeurent encore, a déjà causé la mort de 2 000 personnes, sans considérer les conséquences économiques et sociales sur les familles des patients. D’autres épidémies, comme la rougeole et le choléra, restent encore actives respectivement dans les provinces de Kwilu et du Nord-Kivu. S’il est admis que ces différentes épidémies ont occasionné nombre de morts comme conséquence, on peut aussi affirmer que l’expérience acquise dans la lutte contre ces maladies a outillé des professionnels de santé au pays grâce aux connaissances et pratiques avérées dans la prévention et l’éradication des épidémies ainsi que dans la prise en charge des patients atteints. 

La dernière vague d’Ebola, par exemple, dans l’Est du pays, a été contenue localement et n’a pas traversé les frontières des pays aussi proches que sont le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi. Par ailleurs, le nouveau coronavirus semble être une toute autre histoire pour les experts de santé publique de notre pays. 

Fait nouveau

Et ce, malgré l’expérience antérieure acquise. La communication autour du Covid-19 pour informer de la situation à travers le pays s’est considérablement améliorée qu’elle ne l’était au mois de mars. Le ministre de la Santé se contredisait à longueur de journées sur la nationalité des patients et leur nombre, explosant ainsi l’incertitude totale dans la population en lieu et place des assurances sur la gestion de la pandémie. Après la nomination du Dr Jean Jacques Muyembe Tamfum, saluée par plus d’un, à la tête du secrétariat technique de la riposte au Covid-19, des progrès ont été observés, notamment par la publication dans les journaux, sur les antennes de radios et télévisions du bulletin journalier du Covid-19, informant sur le développement de l’épidémie sur le sol congolais. 

Quoique certaines informations importantes, comme, par exemple, le nombre total des tests effectués, manquent, ce bulletin journalier a permis une certaine clarification dans l’opinion publique. Cependant, d’autres défis de communication demeurent encore, auxquels l’équipe de riposte devrait immédiatement s’atteler. Des « rumeurs » sur un prétendu commerce des morts pour le Covid-19 ainsi que le manque de réponses aux préoccupations de l’opinion publique sont quelques-uns de ces défis.

Depuis plusieurs jours, des réseaux sociaux brulent dans des commentaires inouïs, et complètement insanes sur un « commerce » qui se serait développé en marge de la lutte contre la pandémie. Des vidéos, des audios et même des témoignages d’individus mentionnent que le personnel de l’équipe de riposte serait en train de soudoyer, en espèces sonnantes et trébuchantes, des familles endeuillées pour déclarer que la mort de leurs proches serait due au nouveau coronavirus, même si ce n’est pas vrai. 

Ces informations seraient aussi à l’origine d’une indifférence, ou carrément d’un déni d’épidémie par une grande partie de la population, à Kinshasa surtout. En effet, bon nombre de personnes ne croient pas à l’existence du Covid-19 et prétendent qu’il serait une anarque orchestrée par des politiciens et certaines élites pour s’enrichir, comme toujours, au détriment de la population. Au sujet du « commerce » des morts, le président de la République, dont dépend le secrétariat général en charge de la riposte à l’épidémie, a demandé aux services compétents de diligenter une enquête. Les premiers résultats indiquent que les allégations émises par les réseaux sociaux ne sont pas fondées. Par ailleurs, l’équipe de riposte a déploré le traitement inhumain dont certains membres de son personnel, séquestrés, ont été victimes. Quoi qu’il en soit, ces « incompréhensions » démontrent la nécessité d’une communication claire, objective, permanente et large.

Pour plus de 3 000 cas et plus de 70 décès, la RDC a un des taux de mortalité les plus élevés du Covid-19 en Afrique. Le pays fait face à une insuffisance criante des respirateurs (autour de 50 pour tout le pays), des infrastructures médicales précaires, un personnel sous rémunéré et démotivé. Comparé à ceux des pays voisins : Rwanda (0 %), Ouganda (0 %), Burundi (0,5 %)), le taux de mortalité en RDC (2,3 %) suscite de sérieuses inquiétudes sur la capacité à maîtriser la maladie d’ici juillet et à l’éradiquer complètement d’ici la fin de l’année.

Des protocoles de traitements ont été proposés et approuvés par le comité scientifique. Bien qu’aucune étude n’ait été jusque-là réalisée pour valider leur efficacité sur des patients, ils demeurent encore largement utilisés par le personnel soignant. 

En dépit de son récent rejet par la France, l’hydroxychloroquine serait largement administrée aux patients en état grave, à en croire un médecin d’un hôpital de Kinshasa qui traite des patients du Covid-19. En outre, l’équipe de riposte a réceptionné en début du mois de mai un lot important de jus Covid-Organic, un traitement préventif à base de l’Artemisia fabriqué au Madagascar. 

Vaccin, un souci de taille

Des traitements traditionnels sont aussi utilisés, comme boire de la tisane chaude ou inhaler la vapeur chaude. Des patients attestent leur valeur curative et en font même la promotion. Acacia Bandubola, l’actuelle ministre nationale de l’Économie, qui s’est remise du Covd-19, affirme avoir suivi le traitement traditionnel. Outre qu’aucun traitement définitif n’est encore, à ce jour, mis au point à l’échelle mondiale, et étant donné que le traitement consiste avant tout à soigner des symptômes de l’épidémie, l’incertitude sur le vaccin constitue aussi un souci de taille dans l’éradication du Covid-19 dans le monde, et en RDC. 

À ce jour, le pays compte plus de 400 malades guéris, sur plus de 3 000 cas contaminés. Le taux de guérison (13 %) est très faible, en rapport avec les standards africains. Les taux de guérisons de certains pays africains sont donnés à titre comparatif : Afrique du Sud (52 %), Cameroun (60 %), Sénégal (49 %), Zambie (73 %), République du Congo (28 %), Rwanda (60 %), Tanzanie (35 %), Burundi (52 %), Burkina Faso (85 %), Togo (47 %)…

Certains professionnels de santé en RDC affirment que le système de santé actuel qui repose sur les zones de santé, est une des meilleures en Afrique. Le problème est que cette politique bien définie sur le papier n’est pas pratiquée dans la réalité. Le pays (avec une population estimée à 90 millions) dispose d’environ 1 médecin pour 10 000 patients. Cette grande déficience du système de santé ne favorise ni une bonne politique sanitaire pour répondre aux crises comme celles du Covid-19 ni de soigner les maladies courantes (malaria, diabète, typhoïde…) dans le pays.

Bien que pris en plein combat contre le nouveau coronavirus, le gouvernement, en étroite collaboration avec des professionnels, devrait déjà entamer le processus des réformes du système et de la politique sanitaire pour préparer le pays à parer aux potentielles crises de santé à venir…