Haro sur les Italiens de I and I accusés de contrebande massive

En Ituri, particulièrement dans la ville de Bunia, différentes stations-services de la province fournissent du carburant de la fraude, dénonce la Direction générale des douanes et accises. 

 

De toutes les régies financières, la Direction générale des douanes et accises (DGDA) a été la moins performante dans la maximisation des recettes de l’État au premier trimestre 2018, renseigne la Banque centrale du Congo (BCC). La douane se heurte à des filières des contrebandiers jouissant des ramifications solides dans l’appareil administratif de l’État, fustige-t-on à la DGDA. Pourtant, le ministre des Finances, Henri Yav Mulang, avait promis un arsenal des textes réglementaires, décrets, arrêtés interministériels et ministériels ainsi que des circulaires ayant pour effet d’assainir l’environnement aux postes frontaliers. 

Mais dans la pratique, ces dispositions n’ont guère porté des effets attendus sur le terrain, particulièrement dans les postes frontaliers de l’Est (Mahagi, Kasindi…). Où, bien souvent, selon les propres dires du directeur général de la DGDA, Deo Rugwiza, entrent et en ressortent des camions remplis de diverses marchandises sous escorte des éléments lourdement armés des forces de l’ordre.  La non-application de l’ordre opérationnel limitant à quatre, le nombre des services pouvant intervenir aux postes frontaliers a une incidence négative sur les recettes des services de douane, d’après le management de la DGDA. 

Ingenieria et Innovazione 

Pour l’exercice 2018, les assignations de la DGDA sont de l’ordre de 2 550,3 milliards de francs. Elles connaissent un léger taux d’accroissement de 0,8 % par rapport à celles de 2017. Mais 51,9 % de ces potentielles recettes proviendraient des droits de douane et autres droits à l’importation (31,6 %) ainsi que des droits d’accises (20,3 %) contre 47,5 % pour des impôts généraux sur les biens et services (47,5 %) et 0,5 % des taxes à l’exportation et des amendes. 

Mais de l’avis des experts maison, tant que l’ordre institutionnel ne sera pas rétabli dans les postes frontaliers et postes frontières, la DGDA aura du mal à atteindre ses assignations. La douane a fait part d’une « contrebande massive à l’importation de produits pétroliers par les différentes stations d’essence de l’Ituri sous couvert de la société I and I ». En 2016 déjà, le directeur général de la DGDA avait pointé du doigt cette entreprise qui se nomme en réalité Ingenieria et innovazione, basée en Ituri. Selon lui, cette société fait entrer de force des camions citernes de carburant importé de l’étranger, sans rien payer à l’État. 

L’entreprise italienne a toujours balayé du revers de la main ces accusations. En Ituri, la principale activité de I and I consiste à la location des engins lourds de génie civil. « C’est depuis longtemps que nous dénonçons le comportement de cette entreprise qui veut faire passer ses produits, sans les déclarer et rien payer. S’ils avaient une exonération, ils allaient la présenter. Or, ils n’en ont pas du tout », s’est offusqué Deo Rugwiza. Selon la presse locale, à Bunia, plusieurs services étatiques ont indiqué que la contrebande des produits pétroliers se fait à grande échelle depuis fin 2015. Mais le cas le plus flagrant s’est produit le dimanche 14 août 2016 quand des éléments de l’armée régulière de la RDC ont fait irruption à la douane et sorti de force une trentaine de camions citernes. Quarante-huit heures plus tard, ils récidivèrent en arrachant aux douaniers neuf autres camions chargés de carburant. Mi-2016, la DGDA accusait un manque à gagner de plus 21 millions de dollars du fait de la contrebande pétrolière attribuée à I and I. 

Les importations frauduleuses de produits pétroliers suscitent naturellement des soucis sur la qualité des produits. En 2010, les importateurs ituriens avaient levé l’option de ne plus rien payer à l’Office congolais de contrôle (OCC). Il a fallu deux ans des tractations pour que le gouvernement à travers le ministère de l’Économie réhabilite l’OCC dans ses droits. Mais il a été convenu que les prestations de l’OCC figurent dans le « prix moyen frontière », c’est-à-dire l’ensemble des charges impliquées à la cargaison de pétrole, depuis son lieu d’achat jusqu’à la lisière de l’Ituri. 

Voilà qui ramène l’OCC dans la fournée de la DGDA. En Ituri, le président des importateurs de produits pétroliers, Daniel Mugisa, se veut plutôt rassurant tant sur les importations que sur les circuits de distribution et de commercialisation des produits pétroliers. Pourtant, dans cette province où l’ethnicité est une valeur-refuge comme l’or, la moindre crise sociale a un impact immédiat sur le circuit du carburant. Début février 2018, la distribution des produits pétroliers avait été complètement arrêtée quand le président de la communauté Hema, Ruhigwa Bamaraki, avait décrété deux jours de deuil à Bunia. En réaction, la communauté Lendu a organisé une vente à la sauvette des inflammables aux origines douteuses.