Neuf chefs d’État africains, dont la majorité d’Afrique de l’Ouest et sept des pays francophones ont représenté le continent à la conférence « Partenariat G20 Afrique, investir dans un avenir en commun » à Berlin. Ce sont l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara, le Tunisien Béji Caid Essebsi, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Rwandais Paul Kagame, le Sénégalais Macky Sall, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, l’Egyptien Abdel Fattah al-Sissi, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta et le Guinéen, Alpha Condé. Plusieurs autres pays du continent se sont fait représenter par des délégations ministérielles et des hommes d’affaires. L’événement a été inscrit dans le cadre de l’engagement de l’Allemagne à mobiliser la communauté internationale en faveur du développement de l’Afrique à travers le programme Compact with Africa initié par l’Allemagne en faveur d’une dizaine de pays du continent.
L’objectif de cette conférence qui a eu lieu à moins d’un mois du prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement du G20, prévu les 7 et 8 juillet prochain à Hambourg, visait à mobiliser les investisseurs internationaux en faveur de l’Afrique que l’Allemagne a décidé d’ériger en priorité de sa présidence du G20. Elle a fait suite à la rencontre des ministres des Finances des pays ayant déjà marqué leurs accords pour intégrer le programme, qui s’est tenu en mars dernier à Baden-Baden, toujours sous l’égide de l’Allemagne.
L’occasion a été toute indiquée pour ces chefs d’État africains de faire le plaidoyer auprès des représentants des institutions financières internationales, en l’occurrence la directrice du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde ; le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, ainsi que celui de la Banque africaine de développement (BAD), Akenwumi Adesina. Ils ont tous loué l’initiative allemande à laquelle ils ont déclaré avoir souscrit, mais ils ont fait aussi la promotion des atouts et des potentiels de croissance dont regorgent leurs pays respectifs. Ils ont expliqué qu’ils ont besoin de plus de soutien financier pour atteindre leurs objectifs de développement durable (ODD).
Les réactions
Pour le président guinéen, Alpha Condé, également président en exercice de l’Union africaine (UA), « la conférence aura été une opportunité pour mieux identifier les mesures adéquates et surmonter ainsi les obstacles à une croissance économique durable et de créer des flux d’investissements plus importants et plus stables ». Il estime que l’Afrique a besoin de 600 milliards de dollars pour son développement. Quant à lui, le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, qui a participé à la table ronde consacrée au financement des infrastructures en Afrique, « l’engagement allemand vise à développer davantage les relations économiques et financières du G20 avec ses partenaires africains et de promouvoir les investissements privés, les infrastructures et l’inclusion économique dans les pays africains. »
Il a aussi insisté sur la nécessité de mieux coordonner les initiatives du G20 avec celles des organisations internationales et des pays africains. D’après lui, le Compact with Africa devrait principalement couvrir les projets d’infrastructures, de transport et d’énergie, dont l’Afrique a tant besoin. « Dans la mise en œuvre de cette initiative, il serait utile de veiller à ce que les conditionnalités croisées ne constituent pas un frein. », a souligné Alassane Dramane Ouattara.
Le président rwandais, Paul Kagame, a, lui, mis en avant le fait que la convergence des intérêts et des objectifs entre l’Afrique et les pays industrialisés incombe à tous les dirigeants. Elle facilitera l’avènement des « sociétés sûres, équitables et inclusives, dans lesquelles les citoyens et les migrants peuvent atteindre leur plein potentiel en tant qu’êtres humains. » Convaincu que si l’aide traditionnelle est utile, elle ne va jamais être suffisante pour un développement durable. « Notre défi, c’est de parvenir à faire les choses différemment et plus rapidement cette fois. Des tables rondes et des discussions sans fin ne résoudront pas nos problèmes ou les vôtres. », a-t-il fait remarquer. Le président du Niger, Mahamadou Issoufou, a rappelé que l’Afrique a une vision, définie dans l’agenda 2063 de l’UA. Il a estimé que le plan Merkel en faveur de l’Afrique nécessitera plus de temps et certainement beaucoup de ressources, tout en mettant en avant les potentialités de l’Afrique, notamment une démographie à même d’être transformé en dividende économique. « L’Afrique a besoin de l’Europe qui, à son tour, a besoin de l’Afrique. Il est donc normal que les deux continents investissent dans un avenir commun. Cela nécessitera des efforts de part et d’autre dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant. », a-t-il plaidé.
Convergence d’objectifs
Le président de la BAD, un des partenaires dans la mise en œuvre du programme Compact with Africa, se réjouit, pour sa part, du « changement de mentalité ». D’après lui, il y a un regard nouveau des investisseurs sur l’Afrique. Face aux véritables enjeux pour le continent, les réponses sont déjà identifiées pour prendre en charge les défis socio-économiques auxquels sont confrontés les pays africains. C’est pourquoi il insiste sur la nécessité d’accompagner la transformation économique de l’Afrique, notamment à travers celle de son secteur agricole qui recèle d’importants facteurs de croissance durable et inclusive. « Le Pacte avec l’Afrique est très important en raison du changement du prisme avec lequel on regarde désormais le continent. On ne regarde plus l’Afrique juste à travers ses perspectives de développement, mais désormais comme une destination d’investissement qui est en train de débloquer son énorme potentiel. C’est un excellent changement de mentalité, car l’Afrique est la frontière de croissance. », a expliqué Akinwumi Adesina.
La directrice générale du FMI a également salué l’initiative allemande qui pourrait contribuer à redéfinir l’avenir économique de l’Afrique. Pour Christine Lagarde, l’Allemande a lancé un moteur de création d’emplois et de réduction de la pauvreté. Toutefois, pour tourner à plein régime, ce moteur devra toutefois compter sur la contribution de toutes les parties prenantes. Le FMI demande particulièrement aux gouvernements africains d’accélérer les réformes afin d’améliorer l’environnement économique et financier, le climat des affaires et la gouvernance. Les pays du G20 et les organisations internationales doivent les accompagner dans l’élaboration de solides pactes d’investissement, adaptés aux particularités de chaque pays. Agir ensemble donnera la possibilité de réaliser les promesses du Pacte avec l’Afrique et des autres grandes initiatives de développement. Nul ne pourra véritablement s’accorder de répit, prévient-elle. « Le Pacte avec l’Afrique pourrait avoir un effet économique tangible sur la vie des millions d’Africains. Il vise à doper l’investissement privé en mobilisant le savoir-faire et les ressources des États, des investisseurs et des organisations internationales », espère Christine Lagarde.
La conférence de Berlin a également servi de cadre à plusieurs activités, notamment des rencontres bilatérales. Plusieurs conventions d’investissements ont été signées. Par exemple, l’Allemagne a annoncé un prêt de 300 millions de dollars déjà dégagés par l’Allemagne en faveur des premiers pays bénéficiaires du programme. Le changement de paradigme pour une Afrique qui entend désormais réduire sa dépendance de l’aide publique au développement, à défaut de pouvoir s’en passer, a été un des faits marquants de cette nouvelle coopération qui se met en place en RDC.