Inquiétudes et attentes du Conseil économique et social

À quelques jours de la 24è Conférence de l’ONU sur le climat (COP24) en Pologne, les nouvelles étaient mauvaises, comme d’habitude. Des négociations de plus en plus pointues et sensibles et des événements climatiques extrêmes qui touchent les quatre coins du globe, tel est le cocktail qui sera au menu du sommet.

D’APRÈS un rapport de l’ONU publié le 27 novembre, les émissions de gaz à effet de serre ont atteint un record historique en 2017 (plus de 53,5 gigatonnes équivalent CO2). Dans ce contexte de multiplication des alertes rouges, 200 pays se réunissent à Katowice du 2 au 14 décembre. Sont également présents des ONG, des entreprises, des politiques ou encore des institutions scientifiques qui se penchent sur l’application réelle de l’accord de Paris conclu lors de la COP21. 

La République démocratique du Congo qui a une partie de la solution aux changements climatiques, et partie prenante à cet accord de Paris, attend les retombées des fonds verts pour le climat de manière à stabiliser son énorme potentiel forestier afin de jouer pleinement son rôle de deuxième poumon de la planète. Sa contribution déterminée au niveau national, avec ses trois piliers à savoir la forêt, l’agriculture et l’énergie, a besoin de l’appui de tous les acteurs au niveau national et provincial et surtout, la concrétisation des engagements des partenaires bi et multilatéraux pour qu’ensemble et dans la transparence et la bonne gouvernance de ces secteurs clés pour le climat, nous arrivions à infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre. 

Le projet IBI-Village 

Soucieux de trouver et de proposer aux décideurs, des solutions adéquates aux problèmes d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques, le Conseil économique et social (CES) a approché le professeur Jean Lejoly, coordonnateur du Groupe d’Initiatives pour l’Agroforesterie en Afrique (GI Agro, ONG). Celui-ci a, au cours d’une séance académique, présenté au CES un modèle agroforestier innovant pour le développement à Ibi/Plateau des Bateke. 

Testé depuis 2008, en partenariat entre un propriétaire privé engagé, une ONG responsable de la gestion et diverses organisations représentant la population, ce projet en créant un puits de carbone a permis de dynamiser les plantations à Ibi. 1 600 ha ont pu être plantés de manière modèle en systèmes agroforestiers diversifiés, 2 espèces d’acacia, 10 espèces d’arbres fruitiers ont été plantées, des cultures vivrières (maïs, manioc) sont réalisées et l’apiculture, combiné avec un système performant de pare-feu périphériques et  intérieurs, pratiquée.  

« Cela renforce le rayonnement du Puits de Carbone Ibi/Bateke et lui permet d’honorer ses engagements par rapport aux exigences de séquestration de Carbone. L’arbre est au centre du développement durable sur les sols pauvres du Plateau des Bateke ; c’est l’arbre qui permet la culture durable des plantes vivrières et les productions diverses qui en dérivent », explique Jean-Pierre Kiwakana, le président du CES. 

Le projet IBI situé à 130 km à l’Est de Kinshasa est un Partenariat Population, Privé, Public (PPPP). Le projet a pour objectifs principaux de contribuer à la réhabilitation durable de zones dégradées et à la revalorisation de ces terres, contribuer à l’atténuation des changements climatiques par la séquestration du Carbone sur des savanes herbeuses ou faiblement arbustives. Il vise aussi à mettre en place une plateforme formelle et efficace de production durable de charbon de bois « vert », de production agricole et apicole, à finalité essentiellement sociale et de générer des revenus stables et répartis équitablement entre la société Mushiete & Co, les fermiers partenaires, le GI Agro et les habitants des hameaux périphériques. 

Ibi-Village est un projet transposable à toutes les provinces de la RDC, s’inscrit  clairement dans le cadre de l’objectif portant sur le développement d’une agroforesterie dite « climatique » caractérisée par une gestion durable dans une zone très proche de Kinshasa, combinant la mise en place d’un puits de carbone (Mécanisme de développement propre-MDP) et la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+). Les plantations forestières sont menées de front avec la conservation des galeries forestières et la mise en défense de savanes boisées naturelles. 

« Les efforts de réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts en RDC devront s’inspirer du modèle Ibi dont les impacts sur le social, l’économie et l’environnement sont évidents », estime Jean-Pierre Kiwakana. Qui espère que les Conseillers de la Républiques pourront capitaliser cette expérience, en faveur de leurs provinces et au profit de leurs corporations respectives.

Gestion des forêts et catastrophes 

Le secteur forestier de la RDC génère chaque année moins de 10 millions de dollars de recettes fiscales, ce qui est dérisoire par rapport à la destruction d’une forêt tropicale essentielle pour le climat. « Il est plus qu’urgent d’organiser des états généraux sur l’avenir des forêts congolaises et de lever les options pour leur gestion participative en privilégiant les intérêts des communautés riveraines, du climat et des investisseurs crédibles », recommande le CES.  « Ces options seront ensuite coulées dans une politique forestière nationale, qui orientera sans nul doute, la révision souhaitée, par toutes les parties prenantes au code forestier actuel, devenu obsolète, se focalisant principalement sur l’exploitation des produits forestiers ligneux. 

Selon des experts, avec  cette saison pluvieuse, plusieurs villes de la RDC risquent de faire face à des catastrophes naturelles telles que les inondations qui deviennent récurrentes dans la ville de Kinshasa et frappent sa partie basse, la plaine située entre le fleuve Congo au nord et les collines au sud. Historiquement, la ville a été bâtie sur la plaine alluviale et les parties collinaires d’usage étaient déclarées zones non constructibles. 

La ville est inondée notamment parce que les nouvelles constructions ne tiennent pas compte de l’impact environnemental. Ces inondations à Kinshasa sont causées principalement par manque de curage des cours d’eau qui traversent la ville. La population jette des immondices et des déchets solides (bouteilles plastiques, ordures, épaves des véhicules, troncs d’arbres et autres) dans ces cours d’eau, par absence des décharges publiques ou lorsqu’elles existent par défaut de gestion de ces dernières. 

Les inondations de Kinshasa sont fortement influencées par des facteurs non climatiques : le changement démographique, le changement d’usage des sols ainsi que la transformation des plaines alluviales sur lesquelles la ville est construite. Elle a initialement été construite pour accueillir environ 500 000 personnes. Aujourd’hui, Kinshasa grouille de monde : environ 12 millions d’habitants, alors que l’espace n’a pas varié.

Pour le CES, qui a initié un avis en cours de finalisation, sur la gestion des déchets en milieux urbains, « il y a lieu de repenser un nouveau plan d’urbanisation et d’aménagement des villes congolaises qui doit nécessairement passer par le déguerpissement des occupants des sites dangereux et par la construction de nouveaux quartiers répondant aux normes ». Parallèlement, le CES appelle le gouvernement à « sévir contre les autorités tant gouvernementales que provinciales qui s’illustrent dans la délivrance sans règle, des autorisations de bâtir en couvrant l’occupation anarchique des espaces non constructibles ».  

Corruption endémique  

Le Conseil économique et social a travaillé depuis des mois sur la corruption et a enregistré des points de vue de plusieurs personnalités tant du monde scientifique que politique à l’occasion des séances académiques organisées en assemblée plénière au cours des sessions précédentes. Selon les conclusions de ces exposés, « la RDC souffre d’une corruption endémique et cyclique ». Qui se pratique à « tous les niveaux de la vie nationale, dans une attitude de banalisation collective et d’impunité totale ». 

Conséquence : pour la majorité des Congolais, le mal semble s’enraciner de manière pérenne et que personne ne pourra changer la situation. En fait, tous les secteurs de la vie nationale sont frappés par la gangrène de la corruption. « Plusieurs questionnements foisonnent dans les esprits de ceux qui en souffrent le plus : Pourquoi ça ne change pas ? Où établir les responsabilités ? Quelles en sont les conséquences ? Qu’est-ce qui peut et doit être fait ? » Autant de questions abordées par le CES et qui constituent la quintessence de son avis en stade final d’élaboration sur la problématique de la lutte contre la corruption en RDC. Cet avis sera publié à sa session d’avril 2019. « Le consensus qui se dégage autour de cette problématique qui gangrène notre société n’est plus à démontrer, la plupart des candidats à la magistrature suprême ont inscrit dans leurs priorités cette réalité préoccupante : la lutte contre la corruption. » 

En définitive, on retiendra utilement « la nécessité de rétablir l’autorité de l’État et de respecter les principes démocratiques de gouvernance ». Par ailleurs, « la redevabilité doit être inscrite dans notre système de gouvernance en vue de garantir la transparence et créer un climat de confiance entre les gouvernants et les gouvernés ». Enfin, « la gestion saine des ressources de l’État et la promotion des valeurs éthiques doivent préoccuper tous les acteurs ».