Où placer désormais son argent en toute sécurité ? Depuis une dizaine d’années, le secteur bancaire national est en pleine floraison. Les banques s’installent, soi-disant pour contribuer au financement de l’économie nationale. Mais, depuis 35 ans, on observe que certaines d’entre elles disparaissent en consommant des reliquats d’épargne. Un expert financier compare, sur fond d’humour, les banques aux champignons : elles poussent, le matin, et disparaissent, le soir, laissant les épargnants, désemparés, dans l’incertitude. Après la Banque de Kinshasa (BK) transformée en Nouvelle banque de Kinshasa (NBK), l’Union zaïroise des banques (UZB), la Banque zaïroise pour le commerce extérieure (BZCE), la Banque de crédits agricoles (BCA), la Barclays Bank, la Grindlays Bank, la Banque de placements, la Société zaïroise de banque (SOZABANQUE), la Bancor, la Banque de commerce et d’industrie, la Banque Congolaise (BC), c’est maintenant le tour la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC), désormais placée sous la gestion administrative de la Banque centrale.
Créée en 1970, la BIAC fait partie des banques historiques de la République démocratique du Congo. Avec un réseau de 150 agences, dont 52 en full service dans 16 villes, elle détient le maillage territorial le plus dense du pays. Classée quatrième banque de détail en termes de dépôts et troisième en termes de crédits et de total bilan, en 2014, la BIAC gérait 366 000 comptes à la fin de la même année avec un total de bilan de 504 494 millions de francs congolais (556 millions de dollars) et comptait dépasser les 400 000 comptes fin 2015. Par ailleurs, la BIAC contrôlait 67% des parts du marché des flux entrants Western Union, dont elle est le 5e plus important partenaire africain. En 2013, la BIAC a engagé une stratégie de consolidation et de croissance axée sur les particuliers et les entreprises. Avec une telle performance, rien ne présageait la quasi-faillite de cet établissement bancaire.
La confiance en question.
La crise de la BIAC est un coup dur assené au moral des épargnants. Pour le citoyen lambda, la situation de la BIAC fait craindre l’effet de domino dans un secteur qui, depuis 2002, montre des signes d’une réelle reprise bien que lente après des années calamiteuses de 1990 à 2001. À ce jour, 18 banques commerciales – contrôlées quasiment toutes par des capitaux étrangers – opèrent en RDC, un territoire de 2 345 000 km². Selon les estimations de la Banque centrale du Congo (BCC), seulement moins de 6% des Congolais utilisent actuellement une banque ou d’autres services financiers formels. Parmi les causes à l’origine des faibles taux d’inclusion financière et de bancarisation, environ 22% pour une population de plus ou moins 70 millions d’habitants, figure en bonne place le manque de confiance de la population dans les banques. En effet, la crise monétaire, bancaire et financière dans les années 1980 a été telle que la majorité des Congolais excédés par le spectacle des banques incapables d’assurer la sécurité des avoirs de la clientèle préférait garder ses épargnes dans les bas-de-laine.
Conséquence : les banques qui, à grand renfort de publicité, se présentaient comme étant les plus sûres et sollicitaient la bienveillance des Congolais pour devenir leur clientèle, disparaissaient les unes après les autres. Des banques publiques révolutionnaires qui faisaient la fierté du régime de Mobutu, seulement trois, à savoir : la Banque commerciale du Congo (BCDC), la BIAC et la CITI, ont résisté à la tempête. Et comme par hasard, elles sont toutes des filiales des multinationales. Le plus étonnant est sans doute la longévité de la BCDC, qui commémorait, en 2009, son centenaire. Elle aura tout vécu durant son siècle d’existence : la colonisation qui l’a portée sur les fonts baptismaux pour remplir la double tâche pionnière de bancariser et de monétiser la colonie du Congo-Belge, l’indépendance et les soubresauts des sécessions et des rébellions , le mobutisme et ses caprices de zaïrianisation de triste mémoire, ainsi que la transition et ses incroyables pillages (1991 et 1993). L’ex-BCZ, dont l’animal totem est l’éléphant – une grosse bête robuste dotée des facultés de courir rapidement, d’écraser tout sur son passage, d’essuyer tous les coups et de résister, mais, aussi, de l’instinct foncier de la mémoire – sait éviter la répétition de mauvaises analyses et décisions.
N’eut été l’interférence intempestive des dignitaires du Mouvement populaire de la Révolution (MPR), le Parti-État, dans les années 1970-1980, les banques gérées par la crème des banquiers autochtones : la BK de Dokolo, la BZCE d’Isungu et l’UZB de Tshilombo, qui menaçaient le leadership de la BCZ, auraient certainement fait parler d’elles aujourd’hui.
Espérance de vie.
Les rapports annuels de la BCC montrent que l’espérance de vie d’une banque en RDC dépassait rarement une décennie. Beaucoup de facteurs expliquent leur faillite. En amont, il y avait incontestablement la crise économique internationale amplifiée par les facteurs nationaux. Cependant, la mal-gouvernance semble être un des facteurs cruciaux car le rôle d’un manager, c’est de prévoir, d’anticiper et de savoir ployer sur ses jambes quand survient la tempête. Les anecdotes sont légion. Lorsque la NBK a commencé à éprouver ses difficultés au début des années 1990, des agents pointaient du doigt leurs dirigeants pour avoir accordé des crédits à des amis sans tenir compte des critères prudentiels de rentabilité du projet et de crédibilité de l’emprunteur. Un ancien P-dg de la banque publique NBK avait défrayé la chronique, en 1991, pour avoir débloqué une importante somme d’argent en faveur d’une femme qui s’était présentée comme l’envoyée de la première dame de la République. À la banque publique BCA, les hommes du pouvoir envoyaient des proches pour obtenir des crédits. Un ancien P-dg de cette banque publique était abasourdi de s’entendre dire par une cliente qu’elle ne savait pas que l’argent perçu était à rembourser («Toyebaki te ke ezalaki ya kozongisa»)… C’était le quotidien des banques publiques saignées à blanc par les hommes au pouvoir. Sur la crise de la BC, l’ancien gouverneur de la BCC, Jean-Claude Masangu, avait déclaré que les banques prenaient des « risques inconsidérés ».