La Banque centrale au cœur du drame

Le sort des banques est suspendu à la gouvernance de la BCC. Malheureusement, depuis une trentaine d’années, l’autorité monétaire montre des signes de faiblesse dans l’accomplissement de cette noble mission.

Le siège de la Banque centrale à Kinshasa.

Le législateur lui a donné le mandat d’émettre la monnaie, de gérer les réserves de change du pays et de contrôler les intermédiaires financiers afin de protéger l’épargne du public. Tout semble partir de 1979 lorsqu’apparaissent les premiers effets de la crise économique internationale sur le plan national, notamment avec l’apparition du phénomène de thésaurisation de billets de banque. La Banque centrale s’était enfermée dans une tour d’ivoire s’entêtant à croire à un épiphénomène et prôner des remèdes de stabilisation économico-financière alors que l’économie avait subi une transformation structurelle. La décision de démonétiser les coupures de 5 et 10 zaïres, les plus grosses prisées par ceux que le jargon officiel désignait par « trafiquants », fut fatale.

L’onde de choc est encore ressentie jusqu’aujourd’hui. L’opération dite « Alpha » prévue pour juguler la crise était mal conçue, mal préparée et mal exécutée. Elle a fait fondre les maigres épargnes des populations non bancarisées, notamment celles des PME et des paysans.

Mêmes causes, mêmes effets.

Appliquée quelques années seulement après la zaïrianisation, l’opération Alpha a accentué au contraire la crise de liquidité de la PME, entraînant ainsi sa disparition. Les étrangers, essentiellement libanais, ont profité du naufrage des PME autochtones alors que la population victime de la mesure de démonétisation n’avait plus accès au secteur bancaire ayant malheureusement élevé au rang des produits de luxe les services financiers réservés seulement aux entreprises et aux ménages à revenu élevé. Dans cette tourmente émergèrent des coopératives d’épargne et de crédit (COOPEC) sans que la BCC ne se préoccupât de leur réglementation. Ce n’est que dans les années 1980 qu’elle intervint après l’effondrement en cascade des COOPÉC.

Ce fut également le cas, en 1991, avec l’apparition de Bindo Promotion, Masamuna, Le Panier de la ménagère…, des établissements menant des opérations spéculatives à haut risque sans attache avec le secteur bancaire. Le public s’y ruait, le regard tourné vers l’autorité monétaire demeurée muette. Mais la Banque centrale n’intervint quand le mal était déjà fait dans un bruit assourdissant. Elle était même insouciante pour respecter sa propre réglementation, comme ne cessait de le ressasser le collectif des syndicats des banques publiques (BCA, NBK et BZCE) au lendemain de sa décision de les exclure de la chambre de compensation sans motif valable en 1996.

Pour bon nombre d’experts, la nationalisation de la Banque de Kinshasa de Dokolo aura été une erreur de procédure. Mulumba Lukoji, alors Premier ministre, avait écrit à la BCC, en 1990, pour lui enjoindre de restituer à Dokolo sa banque. En 2005, Olivier Kamitatu, alors président de l’Assemblée nationale, fut de même. La controverse n’en finit pas car ceux qui ont liquidé la seule banque aux capitaux nationaux, continuent à soutenir que la BK devait de fortes lignes de découvert à la BCC. Mais, pourquoi cette dernière a-t-elle continué à lui faire confiance et à lui ouvrir ses vannes de crédit alors que la BK avait crevé le plafond ? La Banque Congolaise pouvait-elle être sauvée ? La BIAC peut-elle l’être ? Autant de questions qu’on se poser dans le débat sur la sécurité bancaire.

Schéma identique.

Les difficultés de la Congolaise étaient nées de la mauvaise conjoncture internationale amplifiée par l’exposition à des risques inconsidérés. En effet, la crise systémique générée par les « Subprimes » américaines s’était répercutée sur les résultats financiers de cette banque ainsi que de toutes les autres. En 2009, elle avait dû faire face à un flux de trésorerie négatif de l’ordre de 62 millions de dollars qui correspondait à une diminution des dépôts de sa clientèle du même ordre. C’est à partir de septembre 2008 que la Congolaise a commencé à éprouver des difficultés au point d’attirer l’attention de la banque mère qui est venue à son chevet pour plonger dans les comptes et prodiguer les conseils.

Elle y plaça un représentant provisoire, en  la personne de Jean Baptiste Mupepe Lebo, du même nom du cabinet qui venait d’achever une mission de liquidation de la NBK ordonnée par la Banque mondiale. Dans son rapport adressé le 19 novembre 2008 à la BCC, Mupepe Lebo sonnait l’alarme, en soulignant qu’en dépit des efforts fournis par la Congolaise, la détérioration de la qualité du portefeuille crédit était négative et ce, en dépit d’une amélioration de 50%. Il concluait que le paiement des créances par l’État, détenteur de 90% du portefeuille crédit demeurait une priorité absolue dans la recherche des solutions immédiates de l’équilibre de trésorerie de la banque. C’est pour répondre à cette recommandation afin de ne pas laisser fondre l’épargne du public par la faillite de cette banque que le gouverneur de la BCC de l’époque, Jean Claude Masangu, avait été à tous les fronts en décembre 2009 : à la primature pour jouer le tocsin et auprès des banques commerciales locales pour leur rappeler les règles de la solidarité, mais aussi l’adage africain selon lequel on n’est jamais en sécurité lorsque la case du voisin brûle.