À quelque chose, malheur est bon, dit un adage français. La crise financière internationale due à la chute des cours mondiaux des matières premières a fait que le gouvernement a décidé de repenser sa politique agricole. Celle-ci a deux volets principaux : le soutien aux petits exploitants et les partenariats public-privé. Pour atteindre l’objectif de l’autosuffisance alimentaire, le gouvernement s’est doté de stratégies d’intensification de la production vivrière par la mécanisation agricole, l’amélioration des infrastructures (notamment routières), la mise à disposition des intrants agricoles aux agriculteurs…
Outre l’appui aux petits exploitants, la politique de relance de la production agricole vise, à travers la formule partenariat public-privé, la mécanisation des grands blocs de champs (cultures industrielles : café, huile de palme, hévéa, coton, sucre, thé, cacao…) avec l’implication des privés et l’appui budgétaire gouvernemental. À cet effet, le complexe agro-industriel de Bukanga Lonzo est un exemple parfait de ce partenariat. Financé par l’État, le complexe est géré par une entreprise sud-africaine, Africom Commodities, qui s’est engagée à employer et à transmettre son savoir-faire à plusieurs centaines de travailleurs congolais. Pour l’heure, ils produisent, transforment, conditionnent et distribuent localement 1000 tonnes de maïs par mois. Le maïs de Bukanga Lonzo est vendu un peu moins cher que la moyenne, (entre 12 000 et 15 000 francs). Doté de sa propre centrale électrique, le parc compte aussi accueillir des éleveurs – de porcs, de poulets -, de nouvelles usines de transformation des produits et un réservoir d’eau. Il faut dire que l’espace ne manque pas : le parc de Bukanga Lonzo s’étend sur 75 000 hectares.
Cette politique est en phase avec les recommandations des institutions financières internationales. Selon la Banque africaine de développement (BAD), par exemple, le développement marchand de l’agriculture en Afrique pourrait représenter un investissement très important, pourvu que les agriculteurs africains accèdent à des fonds supplémentaires, à l’électricité, à une meilleure technologie et avec le soutien des gouvernements. En décembre 2016, la Conférence économique africaine s’est tenu à Abuja (Nigeria) sur le thème : « Nourrir l’Afrique : vers une agro-industrialisation pour une croissance inclusive ». On y a parlé de l’élimination de la pauvreté, de la lutte contre la faim et de l’insécurité alimentaire… qui correspondent aux deux premiers Objectifs de développement durable (ODD) que les Nations unies ont adopté en septembre 2015.
La Commission économique pour l’Afrique (CEA) a lancé à cette occasion un appel à une nouvelle politique pour soutenir l’agro-industrialisation de l’Afrique. Les experts de cette institution sont d’avis que l’Afrique peut apporter beaucoup à l’industrialisation des produits de base et à l’agro-alliance avec de nouvelles approches politiques. Ce qui permettra de réduire la facture des importations, surtout de produits alimentaires. La CEA milite pour la planification, en faisant valoir que le rôle essentiel de l’État dans la transformation structurelle de l’Afrique. La CEA parle de la nécessité d’une nouvelle politique des approches pour booster la production agricole.
Conditions de réussite
Elle ne pourra pas être réalisée sans des institutions fortes et inclusives qui soient soutenues par des plans de développement et par des mécanismes de politique industrielle novateurs et souples. Pour cela, il faudrait prendre les mesures appropriées en mettant l’accent sur le développement des compétences, les capacités technologiques et l’accès aux capitaux et aux marchés, ainsi que sur la coopération entre les acheteurs et les fournisseurs à chaque étape de la chaîne de valeur.
Les gouvernements africains sont donc encouragés à soutenir l’agriculture afin de diversifier et transformer l’économie dans un contexte marqué par la crise des cours des matières premières, moteur des économies nationales. La CEA devrait suggérer de bonnes pratiques à même d’aider les pays africains à transformer leur production agricole pour une croissance plus durable.
L’agriculture contribue à plus de 28 % du PIB de l’Afrique et détient la clé pour une croissance accélérée, la diversification et la création d’emplois pour les économies africaines, selon la BAD. Accroître la production agricole par la mécanisation, la transformation, la commercialisation et la réhabilitation des pistes rurales d’intérêt économique. Tel est le défi que la principale institution financière africaine tient à relever. La BAD a fait le pari de sortir l’agriculture du continent des sentiers battus. Celle-ci se caractérise par des petites exploitations familiales, dont l’équipement et, par conséquent, la productivité, sont limités. Dans le secteur laitier, l’Afrique compte un tiers des vaches laitières du monde, mais elle ne contribue qu’à hauteur de moins de 5 % à la production mondiale. Les investissements dans le secteur agricole s’orientent prioritairement vers les cultures d’exportation et les produits dits non traditionnels, tels que les fleurs, les fruits et les légumes, destinés aux marchés européens. Dans son programme pour la promotion de l’agro-industrie, la BAD va mettre à la disposition des États des moyens suffisants et favorisera l’intervention d’autres investisseurs. Elle assure ne vouloir imposer aucun modèle agricole. La modernisation doit venir des projets conçus par chacun des pays au regard des besoins des milieux paysans appelés à se constituer en associations.
L’expérience est concluante au Ghana et l’initiative est tentante en Afrique subsaharienne. Tout est parti d’un constat : la diminution constante des subventions de l’État aux agriculteurs et de l’apport de l’agriculture dans l’économie du Ghana. En effet, plus de la moitié des Ghanéens sont des agriculteurs, mais le secteur agricole ne représentait que 19 % du produit intérieur brut (PIB) en 2015, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Le projet initié par Kankam-Boadu vient à point nommé, ainsi pourrait-on dire.