La Banque centrale doit donner plus de gages

Plus de deux ans sont passés depuis que la BCC a pris la mesure d’arrimer l’économie à la monnaie nationale en vue d’accroître sa résilience. Les effets de cette décision ne se font pas sentir dans le vécu quotidien.

Depuis septembre 2014, la Banque centrale du Congo (BCC) a mis en place une réglementation de change qui vise la culture de la monnaie nationale dans les transactions quotidiennes. Cette directive, appuyée par le gouvernement, interdit d’acheter ou de vendre les marchandises en devises, particulièrement en dollar, sauf dans quelques cas exceptionnels. Auparavant le décret-loi n°004/2001 du 31 janvier 2001, instituait la circulation concomitante du franc et des monnaies étrangères, notamment le dollar. Rien n’a vraiment changé car tout s’achète en franc et en dollar. D’ailleurs, le petit billet vert est préféré au franc dans les commerces, les stations-service, dans les écoles, voire dans les églises. Bien plus, le cambisme de rue qui avait été formellement interdit à la suite de la directive de la BCC, étend ses tentacules partout.  L’Hôtel de ville croyait si bien faire en sommant les « changeurs », comme on les appelle à Kinshasa, de se regrouper pour pouvoir opérer dans des bureaux de change.

La mesure a été motivée par les considérations sécuritaires face à la recrudescence des rackets dont ils étaient victimes de la part des hommes à main armée. Cependant, la plupart des « changeurs » ont jugé exorbitante la caution de 3 500 dollars exigée avant d’ouvrir un bureau de change. D’autant plus que nombre de ces cambistes de rue n’ont pour capital qu’à peine 100 dollars. Bien des observateurs pensent que la mesure de dé-dollarisation a fait flop faute de mesures d’accompagnement efficaces. Le loyer, les crédits bancaires, les frais scolaires, les achats… continuent d’être payés en dollar. Interrogé à ce propos, Jean-Louis Kayembe, directeur  des opérations à la BCC, déclare que la douane, la police, l’Agence nationale des renseignements (ANR) et les autres services spécialisés n’ont pas contribué au succès de la mesure. Au contraire, elle a donné libre cours à des tracasseries. Le déficit de communication malgré la vulgarisation de la réglementation de change est également en cause. Mais, estime un expert, le problème est complexe.

Pour une gestion prudente

Le phénomène de dollarisation était apparu comme une réponse spontanée aux politiques budgétaires erratiques et à l’hyperinflation des années 1980-1990. La perte de marge de manœuvre en termes de politique monétaire et la dépendance excessive à l’égard des réserves en devises pour maintenir la stabilité monétaire et bancaire sont les principaux effets induits de la situation. Les experts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) sont persuadés que pour renouer avec une politique monétaire efficace, la RDC doit réduire la dollarisation. Cela devrait être même la priorité dans la politique monétaire en vue d’une gestion macroéconomique prudente. Jusqu’où va aller la forte dollarisation qui constitue un frein à l’efficacité de la politique monétaire ? Avec le régime actuel de taux de change flottant, la BCC a une certaine marge d’autonomie pour fixer sa politique monétaire, malgré un grand nombre de facteurs limitatifs, comme le peu de profondeur du marché des capitaux, la forte répercussion du taux d’intérêt, la faiblesse des institutions monétaires et la dollarisation du marché du crédit.

En remédiant à ces faiblesses structurelles, on pourrait inverser la tendance à la dollarisation, mais cela devrait prendre du temps, expliquent des experts. Mais d’autres cadres de politique monétaire pourraient permettre une plus grande efficacité même si chaque cadre présente des inconvénients dans le contexte économique et institutionnel actuel. La plupart des mesures visant à encourager l’utilisation du franc, outre qu’elles contribueraient à la dé-dollarisation, permettraient aussi de renforcer l’économie et d’améliorer son fonctionnement. Le renforcement de la gestion de la liquidité et des actifs, notamment la gestion de la dette, l’émission de nouveaux billets et de nouvelles pièces ayant des valeurs mieux adaptés aux besoins et l’approfondissement financier grâce à une meilleure supervision bancaire, permettraient de réduire les coûts de transactions et contribueraient à la croissance.