Quels pouvoirs pour la Banque centrale recapitalisée ?

La réforme opérée sur l’organisation et le fonctionnement de l’Institut d’émission ouvre-t-elle des perspectives nouvelles ? La recapitalisation est une étape gagnée, mais les autres réformes institutionnelles, politiques et opérationnelles sont nécessaires pour renforcer la crédibilité et améliorer l’efficacité de la politique monétaire.

L’Assemblée nationale a voté en seconde lecture (après le Sénat) une nouvelle loi sur l’organisation et le fonctionnement de la Banque centrale du Congo (BCC). Selon la commission économico-financière de l’Assemblée nationale, cette loi organique répond aux exigences de la constitution et est en phase avec les instruments juridiques de la Communauté économique et de développement des États de l’Afrique australe (SADC) sur les Banques centrales des États membres. L’option d’adapter le fonctionnement de la BCC aux exigences des instruments internationaux afin de garantir la transparence dans sa gestion pose en fait la problématique de son indépendance face aux interférences politiques.  La réforme de la Banque centrale n’est pas un sujet récent. Disons, la recapitalisation de la BCC était même réclamée. En effet, des années de cash-flow négatif ont eu raison du capital de la BCC. En 2010, l’État a décidé de recapitaliser la Banque centrale en deux étapes. Premièrement, en février 2011, il a émis des bons du Trésor portant intérêts et non négociables pour un montant de 1 025 milliards de francs. Un niveau estimé nécessaire pour ramener à zéro le capital de la BCC. Cette recapitalisation a été complétée en 2012 par un montant supplémentaire de 204 milliards de francs pour couvrir le déficit de la BCC en 2010. Deuxième temps, le capital de la BCC serait porté à 213 milliards de francs, représentant 1,75 % du Produit intérieur brut (PIB). Les autorités envisageaient de financer la deuxième phase par une réévaluation des actifs immobiliers de la BCC combinée à une nouvelle émission de bons du Trésor.

Une contrainte

La recapitalisation, une contrainte

La deuxième phase de la recapitalisation nécessitait de modifier la loi sur la Banque centrale. Un projet de loi a été, à cet effet, déposé au Parlement à la fin de 2010. Pour que la recapitalisation ait l’effet désiré, à savoir un capital positif et une plus grande indépendance de la Banque centrale, il fallait changer les modalités des bons de recapitalisation. Actuellement, les bons de recapitalisation ont un taux d’intérêt fixé chaque année par le Trésor. L’incertitude quant au taux d’intérêt au-delà d’un an limite la valeur de ces bons sur le marché à la valeur d’un an d’intérêts. Par conséquent, lorsqu’il est évalué selon les normes IFRS, le capital de la BCC demeure négatif. De plus, la BCC est demeurée exposée aux pressions politiques puisque ses taux d’intérêt pouvaient être changés unilatéralement par le Trésor d’une année sur l’autre. Pour remédier à ces problèmes, il faudrait que les bons de recapitalisation soient convertis en bons négociables, assortis d’un taux d’intérêt soit égal aux taux du marché, soit fixe pour une période illimitée.

Une indépendance accrue de la BCC doit aller de pair avec plus de responsabilité, plus de transparence et plus d’efficience. Ces dernières années, la Banque centrale a entrepris un programme complet de réformes, qui se poursuit actuellement. Pour se concentrer sur sa mission première, la BCC s’est désengagée de la gestion de son centre hospitalier et de l’Hôtel des monnaies. Elle a aussi pris plusieurs mesures pour améliorer son organisation interne. Les procédures d’audit interne et de suivi ont été renforcées, des efforts ont été entrepris pour améliorer la comptabilité, notamment par la migration vers le système IFRS. La capacité en termes d’opérations monétaires et de gestion de la liquidité a été renforcée grâce à l’introduction d’instruments fondés sur la dynamique du marché…

Les efforts de renforcement de la supervision bancaire se poursuivent par l’amélioration de la collecte et de la validation des données et de leur communication ultérieure.  La gestion des liquidités est rendue plus efficace par des améliorations de l’infrastructure de distribution des billets de banques et de la structure des valeurs nominales. L’introduction en juin 2012 de coupures d’une valeur nominale plus élevée a été une étape importante pour faciliter la dédollarisation et réduire fortement les coûts de gestion des liquidités pour la BCC.

Une totale indépendante 

Selon des spécialistes, une Banque centrale bénéficiant d’une indépendance de facto se consacrant à l’application rigoureuse de sa mission de base, une amélioration de la disponibilité des données et de la capacité de recherche de la Banque centrale, des marchés financiers plus profonds, ainsi que des mesures incitatives de dédollarisation permettraient progressivement d’améliorer l’efficacité et l’indépendance de la politique monétaire de la RDC à long terme. De telles mesures permettraient un cadre de politique monétaire plus flexible et modernisé, axé sur une stratégie cohérente et anticipatrice dans laquelle les agrégats monétaires sont suivis et analysés systématiquement de même qu’un large éventail d’indicateurs macroéconomiques et financiers, notamment l’inflation, la production, les taux d’intérêt et le taux de change. Mais la plupart de ces réformes sont longues à mettre en œuvre, et les contraintes opérationnelles actuelles devraient perdurer un certain temps.  L’indépendance de la Banque centrale et l’adoption d’un ensemble ambitieux de réformes (institutionnelles, politiques et opérationnelles) sont nécessaires pour renforcer la crédibilité et améliorer l’efficacité de la politique monétaire. Ces réformes doivent cibler les contraintes de la politique monétaire, remédier à la faiblesse institutionnelle et administrative, à la fragmentation du secteur financier et s’accompagner de mesures pour réduire le niveau de dollarisation.