Un détour à la 10è Rue à Limete, siège de la Confédération des petites et moyennes entreprises du Congo (COPEMECO), montre que les PME affiliées (ou non-affiliés) font fort dans la revendication. Elles déclarent être fortement entravées dans leur expression par les obstacles ou les contraintes de divers ordres. Parmi ces entraves, elles citent avant tout les contraintes d’ordre fiscal et parafiscal. Au siège de la COPEMECO, on laisse entendre que « les PME sont victimes et soumises à de multiples tracasseries des taxes et impôts ». Pour cette raison, soutient-on, la République démocratique du Congo qui a besoin de se développer, ne serait pas en mesure de favoriser l’émergence des PME.
Il s’en suit, selon la COPEMECO, que « certains agents économiques préfèrent se réfugier dans la clandestinité à cause précisément de ces tracasseries dont les PME sont souvent soumises ». C’est notamment le cas de ceux qui exercent dans l’informel pour lequel on peut estimer entre 4 à 5 % seulement des assujettis qui contribuent à l’effort de la maximisation des recettes fiscales. La COPEMECO insiste sur le fait que les tracasseries fiscales et parafiscales sont « très accentuées » dans les nouvelles provinces, issues du processus du découpage territorial de 2015. En effet, chaque province se bat pour avoir son administration fiscale et parafiscale, peu importe la faible proportion des opérateurs économiques. On rappelle que la caractéristique du système fiscal congolais est son « régime déclaratif », selon lequel c’est aux contribuables de souscrire leurs déclarations fiscales aux échéances précises. Ceux-ci sont à priori supposés sincères et complets. D’où, l’obligation pour chaque contribuable d’être en mesure de justifier les éléments déclarés. Dès lors, l’administration fiscale dispose d’un pouvoir de contrôle visant la recherche des redevables défaillants et la vérification des déclarations souscrites. Pour souscrire sa déclaration, il faut d’abord être informé de ses obligations. Cela nécessite une culture fiscale approfondie auprès de tout citoyen.
Cependant, font remarquer les membres de la COPEMECO, le système fiscal congolais comporte des faiblesses parmi lesquelles la fragmentation fiscale et la multiplicité des taxes ; la lourdeur de certaines catégories d’impôts, en particulier les impôts sur les revenus ; les réalités socio-économiques non adaptées au régime fiscal déclaratif auquel sont soumises les PME.
Plusieurs PME connaissent des difficultés de gestion dues à l’insuffisance de formation et à l’absence voulue d’une comptabilité régulière. Et l’environnement économique actuel exposerait les PME contribuables à une pression fiscale et parafiscale frustrante. La COPEMECO s’insurge contre « la multiplicité des intervenants, la tracasserie, les recouvrements forcés, les redressements exorbitants dont les montants sont fixés de manière imaginaire et avant même la clôture du contrôle fiscal, et la multiplicité de contrôles (DGI, DGRAD, ministère de l’Économie, justice…) ».
Selon les agents économiques, la multiplicité des taxes et l’application des taux élevés poussent les contribuables à produire de fausses déclarations fiscales et à frauder au lieu de les inciter à déclarer et à payer correctement les impôts et taxes. En effet, l’économiste Arthur Laffer a remarqué que l’augmentation de la pression fiscale n’entraîne pas toujours la croissance économique. Pour lui, « l’augmentation de la pression fiscale découragerait l’activité productive et exercerait de ce fait une influence négative sur la croissance économique. L’impôt aurait en effet une incidence défavorable sur les facteurs d’offre, ce qui engendrerait à terme une contraction du rendement de la fiscalité, imputable à la raréfaction de la matière imposable. »
Trop d’intervenants dans le système
En RDC, l’assiette fiscale repose essentiellement sur le secteur formel : grandes entreprises et PME. Selon la COPEMECO, le maintien de la pression fiscale élevée a donc pour conséquence de décourager l’investissement privé dans le secteur moderne, notamment les PME, sur qui repose la croissance à long terme. Elle a aussi pour effet de décourager le capital humain, source de développement économique. De même, la complexité du régime fiscal et parafiscal est source de fraudes, de collusions, de confusions et d’inefficacité du mécanisme de recouvrement.
Au vu de tout cela, à la COPEMECO, on se demande si le système fiscal congolais peut réellement contribuer à la promotion des PME et donc d’une classe moyenne, et accélérer ainsi la croissance économique. Pour améliorer la fiscalité des PME en RDC, la COPEMECO est plutôt favorable à « la mise en place d’un interlocuteur unique ». L’argument soutenu est que « les PME doivent être au cœur du dispositif de la politique de reconstruction économique de la RDC étant donné qu’elles constituent les ressources de renaissance de notre pays. »
Pour éviter la multiplicité d’intervenants (DGI, DGRAD, les directions des recettes provinciales, ministère de l’Économie, cours et tribunaux, INSS, ANR…) de manière à inciter les opérateurs économiques et ceux qui opèrent dans l’informel à sortir de la clandestinité et à renoncer à la fraude fiscale, l’État devrait, d’une part, revoir à la baisse l’assiette de l’impôt à laquelle il applique un barème ou un taux qui tiendrait compte des réalités de cette catégorie d’opérateurs économiques. C’est ce que revendique la COPEMECO. Qui suggère, par ailleurs, la réduction du taux annuel d’impôts sur les bénéfices à charge des petites entreprises d’1 % à 0,5 % pour les biens et de 2 % à 1% pour les services. Et pour inciter les entreprises moyennes à déclarer correctement, elle suggère le taux d’impôts sur les bénéfices professionnels passe de 35 % à 20 %.
De même, la COPEMECO recommande la suppression des frais bancaires que supportent les assujettis lorsqu’ils payent les impôts et les taxes, leur prise en charge par les régies financières car en réalité c’est l’État, par le truchement du Trésor, qui est bénéficiaire d’impôts payés par les contribuables. La réduction du nombre d’intervenants et la suppression de la multitude de taxes fiscales et parafiscales redondantes qui existent actuellement fait également partie de la revendication. Ce que souhaite la COPEMECO, c’est l’instauration d’un impôt « global, libératoire et incitatif ». Cet impôt tiendrait compte des « réalités socio-économiques » de cette catégorie des contribuables et favoriserait les opérateurs économiques des PME de savoir l’impôt global qu’ils doivent payer sans inquiétude ni frustration.